Dont acte. Mais présenter les français comme ayant été tous résistants, la France comme une nation qui aurait, comme un seul homme, résisté à l’ennemi, est une mystification, une réécriture de l’histoire.
Les arguments selon lesquels il y aurait eu bien plus de juifs déportés, si tous les français avaient été collabos, n’excuse pas l’abomination du Vel d’Hiv ni la déportation vers les camps de la mort nazis de 75 721 Juifs, dont près de 11 000 enfants ... par des français.
Je rappelle, que, réflexion faite sur ce sujet, j’ai écrit que ne sais pas du tout dans quelle catégorie de français j’aurais été. Mais, comme juif, je me doute quand même un peu.
Nous vivons depuis plusieurs mois maintenant, dans une atmosphère de grinche dont l’objet principal est l’immigration. Ce terme est employé communément pour désigner, non pas les migrants, ça c’est dans une autre case, mais les arabes, les noirs, les musulmans. Qu’ils soient français depuis deux ou trois générations ne dérange pas les bavouilleurs.
Un immigré, ne déplaise aux racistes, c’est une personne respectable, qui se sépare parfois définitivement, de ce à quoi elle tient le plus, de ceux qui lui sont le plus cher, pour chercher un hypothétique mieux, dans un pays qui n’est pas le sien. En général, cet immigré entre légalement dans le pays d’accueil.
Imaginez. Dès la fin des colonisations, la France accueille des maghrébins, des africains, bronzés, noirs, musulmans. La France est bonne fille, elle est aussi pragmatique. Ce pragmatisme qui a déterminé de Gaulle à rendre leur souveraineté, leur dignité et leur terre aux algériens en 1962, aurait pu inspirer une politique d’accueil et d’intégration plus finaude que le stockage des familles
de nouveaux arrivants dans des cités qui deviendront ces zones de misère qu’on connait aujourd’hui.
Imaginez. On aurait inscrit dans les programmes scolaires, l’histoire des colonisations, celle de la décolonisation, on aurait enseigné les civilisations des pays que la France a soumis, dit les profits qu’elle en a tiré, les erreurs commises au nom de la suprématie du colonisateur sur le colon, les injustices, la brutalité envers les populations indigènes.
Imaginez. On aurait enseigné à l’école, un peu d’arabe véhiculaire lequel s’est inscrit spontanément dans le vocabulaire des jeunes français, de toutes les générations depuis l’Indépendance de l’Algérie, et aussi un peu de wolof, de kiswahili, lingala, berbère, et tamashek, enfin, quelques-unes des 2000 langues qui se parlent sur le continent noir. On aurait été des enfants égalitaristes, antiracistes, tolérants, capables de voir au-delà des apparences et de la couleur de peau de nos camarades de récré.
La cuisine, cet autre corpus éminemment culturel, a pénétré nos contrées, le nom des plats, couscous, mafé, tiéboudienne, dambou, foufou, injera etc.., sont entrés dans le langage courant, alors pourquoi ne savons-nous rien des langues pratiquées par nos anciens colons ?
60% des 300 000 000 locuteurs de la langue de Molière sont africains, combien en France sont-ils arabophones ? C’est bien plus chic d’apprendre le japonais ou le russe, deux langues qui n’ont qu’un intérêt culturel, mais aucun impact.
Les langues à impact, sont celles des gens que nous fréquentons au quotidien, ceux qui partagent notre espace vital, qui admirent sincèrement notre culture, même s’ils n’ont pas de sympathie particulière pour nos mœurs.
Grâce à ses Africains que nous méprisons tant, notre langue n’est pas encore sur la liste des idiomes en voie de disparition. Rendons grâce, pour cela, à ceux à qui on a seriné pendant deux siècles, que leurs ancêtres étaient gaulois, et que nous privons du respect et de la dignité qui nous leur est due.
Imaginez. Vous croisez un homme, grand, noir, en boubou dans le métro, vous le trouvez sympathique, alors vous lui adressez la parole en wolof, parce que vous baragouinez la langue du Sénégal et le pensez sénégalais. Alors, le grand bonhomme éclate de rire et vous répond, en français, que malheureusement, né à Aulnay Sous-Bois, il n’a jamais mis les pieds en Afrique que comme touriste, et ne saurait s’exprimer dans la langue de ses ancêtres. Il vous félicite d’en savoir plus que lui, même s’il admet avoir compris, malgré votre accent, la formule de salutation que vous lui avez adressée.
Donner de la face, comme disent les chinois, est bien plus avantageux que la faire perdre. Si le dogme était le respect des individus, quelle que soit leur origine ethnique, sociale, géographique, pourrait-on entendre les abominations de Zemmour sans broncher, dirions-nous que les immigrés vont nous grand remplacer, qu’ils mangent notre pain ?
Nous mangeons bien plus de couscous que les immigrés ne consomment de pot au feu ou de cassoulet !
Imaginez. L’héritage des Lumières. Héritiers que nous sommes du fameux siècle, celui de grands penseurs que nous admirons et dont nous utilisons aujourd’hui encore les systèmes, les méthodes, pour structurer notre pensée, étaient de fieffés racistes, Voltaire, Diderot, Montesquieu, Rousseau, pour ne citer que ceux-là. Ainsi ce mépris de ce qui n’est ni blanc ni chrétien, est-il inscrit dans l’ADN de notre culture. N’est-il pas temps de se mélanger ?
Imaginez. Dans six mois, le deuxième tour des élections présidentielles. Un débat entre les deux gagnants du premier tour, Zemmour et Macron. Même pas peur ?
L’homme qui n’a pas d’imagination n’a pas d’ailes. Mohammed Ali