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Billet de blog 16 novembre 2021

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C'est ainsi que les hommes vivent

Sans me renier, je dois faire un point sur ma précédente chronique. Bien sûr que  tous les français de cette époque, 2ème Guerre Mondiale, n’étaient ni pétainistes, ni  antisémites, et sûrement, pas non plus collaborationnistes.

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Dont acte. Mais  présenter les français comme ayant été tous résistants, la France comme une  nation qui aurait, comme un seul homme, résisté à l’ennemi, est une  mystification, une réécriture de l’histoire.  

Les arguments selon lesquels il y aurait eu bien plus de juifs déportés, si tous les  français avaient été collabos, n’excuse pas l’abomination du Vel d’Hiv ni la déportation vers les camps de la mort nazis de 75 721 Juifs, dont près de 11 000  enfants ... par des français.  

Je rappelle, que, réflexion faite sur ce sujet, j’ai écrit que ne sais pas du tout dans quelle catégorie de français j’aurais été. Mais, comme juif, je me doute quand  même un peu. 

Nous vivons depuis plusieurs mois maintenant, dans une atmosphère de grinche  dont l’objet principal est l’immigration. Ce terme est employé communément  pour désigner, non pas les migrants, ça c’est dans une autre case, mais les arabes,  les noirs, les musulmans. Qu’ils soient français depuis deux ou trois générations  ne dérange pas les bavouilleurs. 

Un immigré, ne déplaise aux racistes, c’est une personne respectable, qui se  sépare parfois définitivement, de ce à quoi elle tient le plus, de ceux qui lui sont  le plus cher, pour chercher un hypothétique mieux, dans un pays qui n’est pas le  sien. En général, cet immigré entre légalement dans le pays d’accueil. 

Imaginez. Dès la fin des colonisations, la France accueille des maghrébins, des  africains, bronzés, noirs, musulmans. La France est bonne fille, elle est aussi  pragmatique. Ce pragmatisme qui a déterminé de Gaulle à rendre leur  souveraineté, leur dignité et leur terre aux algériens en 1962, aurait pu inspirer  une politique d’accueil et d’intégration plus finaude que le stockage des familles 

de nouveaux arrivants dans des cités qui deviendront ces zones de misère qu’on  connait aujourd’hui. 

Imaginez. On aurait inscrit dans les programmes scolaires, l’histoire des  colonisations, celle de la décolonisation, on aurait enseigné les civilisations des  pays que la France a soumis, dit les profits qu’elle en a tiré, les erreurs commises  au nom de la suprématie du colonisateur sur le colon, les injustices, la brutalité  envers les populations indigènes. 

Imaginez. On aurait enseigné à l’école, un peu d’arabe véhiculaire lequel s’est inscrit  spontanément dans le vocabulaire des jeunes français, de toutes les générations depuis  l’Indépendance de l’Algérie, et aussi un peu de wolof, de kiswahili, lingala, berbère,  et tamashek, enfin, quelques-unes des 2000 langues qui se parlent sur le  continent noir. On aurait été des enfants égalitaristes, antiracistes, tolérants,  capables de voir au-delà des apparences et de la couleur de peau de nos  camarades de récré. 

La cuisine, cet autre corpus éminemment culturel, a pénétré nos contrées, le nom  des plats, couscous, mafé, tiéboudienne, dambou, foufou, injera etc.., sont entrés  dans le langage courant, alors pourquoi ne savons-nous rien des langues  pratiquées par nos anciens colons ? 

60% des 300 000 000 locuteurs de la langue de Molière sont africains, combien  en France sont-ils arabophones ? C’est bien plus chic d’apprendre le japonais ou  le russe, deux langues qui n’ont qu’un intérêt culturel, mais aucun impact.

Les langues à impact, sont celles des gens que nous fréquentons au quotidien, ceux  qui partagent notre espace vital, qui admirent sincèrement notre culture, même  s’ils n’ont pas de sympathie particulière pour nos mœurs. 

Grâce à ses Africains que nous méprisons tant, notre langue n’est pas encore sur  la liste des idiomes en voie de disparition. Rendons grâce, pour cela, à ceux à qui  on a seriné pendant deux siècles, que leurs ancêtres étaient gaulois, et que nous  privons du respect et de la dignité qui nous leur est due. 

Imaginez. Vous croisez un homme, grand, noir, en boubou dans le métro, vous  le trouvez sympathique, alors vous lui adressez la parole en wolof, parce que vous baragouinez la langue du Sénégal et le pensez sénégalais. Alors, le grand  bonhomme éclate de rire et vous répond, en français, que malheureusement, né  à Aulnay Sous-Bois, il n’a jamais mis les pieds en Afrique que comme touriste,  et ne saurait s’exprimer dans la langue de ses ancêtres. Il vous félicite d’en savoir  plus que lui, même s’il admet avoir compris, malgré votre accent, la formule de  salutation que vous lui avez adressée. 

Donner de la face, comme disent les chinois, est bien plus avantageux que la  faire perdre. Si le dogme était le respect des individus, quelle que soit leur origine  ethnique, sociale, géographique, pourrait-on entendre les abominations de  Zemmour sans broncher, dirions-nous que les immigrés vont nous grand  remplacer, qu’ils mangent notre pain ? 

Nous mangeons bien plus de couscous que les immigrés ne consomment de pot  au feu ou de cassoulet ! 

Imaginez. L’héritage des Lumières. Héritiers que nous sommes du fameux siècle, celui de grands penseurs que nous admirons et dont nous utilisons aujourd’hui  encore les systèmes, les méthodes, pour structurer notre pensée, étaient de  fieffés racistes, Voltaire, Diderot, Montesquieu, Rousseau, pour ne citer que  ceux-là. Ainsi ce mépris de ce qui n’est ni blanc ni chrétien, est-il inscrit dans  l’ADN de notre culture. N’est-il pas temps de se mélanger ? 

Imaginez. Dans six mois, le deuxième tour des élections présidentielles. Un débat  entre les deux gagnants du premier tour, Zemmour et Macron. Même pas peur ? 

L’homme qui n’a pas d’imagination n’a pas d’ailes. Mohammed Ali

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