Mèche de cheveux roulée sur elle-même. Fil en forme d'anneau, lien roulé, ligne courbe qui se referme sur elle-même : les boucles d'un lacet. Elle a son verbe, la boucle, et des expressions en pagaille comme boucler un journal ou un magazine, boucler ses valises, boucler un délinquant mettre quelqu’un dans la boucle, boucler un projet, on peut même reboucler, bref, la boucle n’est jamais bouclée.
Alors, ceux dont la préoccupation est de réfléchir sur le monde tel qu’il va, sur les grands principes qui le gouvernent, qui ont une opinion, évoquent en boucle, ce qui fait la vie de tous les jours, cette routine qui n’est rien qu’une autre boucle.
Il faudrait varier, mais quoi ? Lutter contre la linéarité de la vie, qui va de la naissance à la mort, tout droit, pour la plupart des gens, en arrondissant la trajectoire, en la décorant d’un orbe, en la faisant lasso, cette boucle faite pour attraper, saisir, serait un mal ? Non, la boucle est un objet vertueux qui permet de savoir d’où on vient et interroger où l’on va.
La boucle, ce n’est pas la révolution, car elle nécessite un nœud, elle n’est pas lisse, peut se concevoir avec toutes sortes d’accidents, d’erreurs, de contradictions. Il y a de la force centrifuge dans la trajectoire de certaines boucles, celles des autodromes, et de la force centripète aussi dans celle des cylindres où pétaradaient les motos des anciens circassiens.
La boucle sert à nouer et renouer, à partir et revenir, à apprendre et retenir. Dans l’injonction boucle-la ! qui fût triviale avant l’obsolescence de son usage, il y a une élégance, une précision du sens et une efficacité que ne possèdent ni ferme-la ! ni ta gueule !
Penser en boucle est un truc de fou, bien moins grave que ne pas penser du tout ou être coincé, les deux pieds dans le seau de béton d’une idée fixe, d’un commun mental, d’une idéologie qui ne connaît rien de la dynamique de la boucle.
La boucle musicale, régulière, répétitive, entraînante ou soporifique, celle du chemin de campagne, aléatoire, qui vous fait aller d’ici à ici, selon des fantaisies marcheuses, et vous ramène, après vous avoir emmené, en sont d’autres.
La boucle est ornement quand elle est d’oreilles, ou moulure circulaire au plafond, elle est grande et sportive quand c’est le nom du Tour de France, défensive quand c’est un bouclier, ou marchande, c’est le bouclard. Elle est aussi vertigineuse quand elle se pique de voltige aérienne, cinématographique quand c’est la bande rythmo du doublage. La boucle est aussi la forme d’un brin dans l’ARN, le fameux messager anti Covid, un anneau où s’amarrent les navires, et j’en passe ...
Avec la boucle ce n’est jamais fini, parce que ça recommence ...