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Billet de blog 20 décembre 2024

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Fluide

Je crois que la poésie c’est des rêves de bonne qualité c’est l’art de rêver et de faire rêver aussi. Dans le fond, la poésie est un fluide qui ne s’échange qu’entre poètes mais tout le monde est poète. Charles Trenet

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Fluide, ce mot, dans sa consonance, sa texture, se prononce dans un écartement des lèvres très économe, dans un souffle, difficile à chanter.

Robert Le, en dit qu’il s’agit de tout corps qui épouse la forme de son contenant et mieux encore que c’est une force, une influence subtile, mystérieuse, qui émanerait des astres, des êtres ou des choses.

La fluidité dans les relations interpersonnelles, amicales, amoureuses, pater et maternelles, professionnelles, est un vecteur beaucoup très rare.

Elle tisse ce lien ténu mais solide, parfois irréductible, qui circule entre les êtres, ce lien qui libère, comme disait Bernard Maris, son inventeur, le regretté Oncle Bernard, le seul économiste qui n’était pas un comptable.

La fluidité, ça ne s’apprend pas, c’est inné. Entre deux êtres, c’est un lien qui se tisse très tôt et se renforce au fil du temps. En cas de rupture, à la réconciliation, les épissures tiennent bon.

Je suis attirée par les ellipses, les non-dits, les suggestions, les silences éloquents et délibérés. Le non-dit, pour moi, est doté d'un grand pouvoir. Souvent, je souhaite qu'un poème entier puisse être écrit dans ce vocabulaire. C'est la même chose avec le "non-vu". Je pense par exemple à l'extraordinaire puissance des ruines, des œuvres d'art endommagées ou inachevées. C’est ainsi que Louise Glück, m’enlevant les mots de la bouche, décrivait les ingrédients d’une forme littéraire, poétique ou verbale, orale ou visuelle, idéale, de la fluidité, dont est dotée son œuvre.

A propos de George Oppen elle dit, je suis favorable à toute forme de silence volontaire. J'aime l'espace blanc, j'aime l'omission révélatrice, j'aime les lacunes et je trouve curieusement déprimant ce qui semble n'avoir rien laissé de côté, encore un truc auquel j’adhère et que je m’approprie.

Dur labeur, que laisser des béances dans l’ample tissu du sens, à l’oral comme à l’écrit. Il faut bien du talent pour manier cette ponctuation-là, bien de l’expérience et une grande intensité dans le respect qu’on éprouve pour l’autre.

A d’aucuns, les silences font peur, sombres présages, profonds abysses de non-dits, cavernes creuses de préjugés, de doutes, ils fragilisent et déconcertent, habillent le discours d’une nudité presqu’obscène, mais n’entravent en rien la circulation du sens. La fluidité se moque bien des obstacles et des creux, des déchirures et des abcès. Voyez comme l’eau ne se fâche jamais en coulant. Elle suit la plus forte pente, contourne, mais ne grimpe jamais.

Le Niger, est un pays du Sahel, un de plus parmi ceux qui ne veulent plus de la France. Nous sommes encore dans le périmètre de la colonisation, dans l’exploitation des richesses dont sont pourvus des pays auxquels nous offrons une aide, un viatique pour aider à leur développement. Ne serait-ce qu’écrire cela, me hérisse. Fournir une aide financière à un pays cent fois plus riche que nous le sommes et l’avons jamais été, par la seule abondance des richesses de leur sol et de leur sous-sol ?

Nous voulons leur uranium mais par leur population. Laquelle population veut émigrer en Europe parce leur pays est gouverné par des affidés du colonialisme français qui confond aide au développement avec petits arrangements, combinaisons louches avec des dictatures qui maintiennent les peuples dans l’ignorance et la violence, la frustration et le déni des droits humains.

C’est curieux de voir comment un vent de révolte se lève au Sahel, et commence à souffler assez fort pour que Russes et Chinois, Indiens et Etats-Uniens se passent la main dans les cheveux, quand ils en ont, pour remettre leur mèche en place. Comme d’habitude, l’incompétence des élites mondiales les coups de menton de Macron-Nivelle, laisseront les choses empirer, ils ne feront que décider de sanctions économiques, embargos, jetant des menaces et des anathèmes, pérorant comme des coqs perchés sur leur tas d’inflation et de pénuries, au détriment des seules victimes possibles de leurs errements, les populations civiles.

 Un mot sur le floutage des signifiants. J’ai failli écrire foutage, une pratique qui s’est généralisée dans l’univers du travail salarié en France. Ce floutage a pour effet d’adoucir l’image dévalorisante que renvoie à certains salariés la dénomination trop explicite de leur fonction. Agents, équipiers, opérateurs, techniciens, gestionnaires et conseillers tendent à supplanter progressivement les employés. On aura compris que l’expression valorisante n’entraine pas de valorisation de la rémunération, ni de la qualité de vie au travail.

On peut même rigoler avec des expressions comme technicien d’entretien des articles textiles, notre ancien blanchisseur, ou avec notre styliste visagiste qui est aussi conseiller en image et qu’on nommait coiffeur quand c’était encore permis. Ne parlons pas des prothésistes ou stylistes ongulaires et des tas d’autres expressions qui sont témoins de la nécessité d’appliquer le marketing aux plus surprenants aspects de la vie économique.

Bon, c’est pas tout ça, mais faut conclure 

Clair de Lune

Lune mellifluente aux lèvres des déments
Les vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands
Les astres assez bien figurent les abeilles
De ce miel lumineux qui dégoutte des treilles
Car voici que tout doux et leur tombant du ciel
Chaque rayon de lune est un rayon de miel
Or caché je conçois la très douce aventure
J’ai peur du dard de feu de cette abeille Arcture
Qui posa dans mes mains des rayons décevants
Et prit son miel lunaire à la rose des vents Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913

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