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Billet de blog 20 décembre 2024

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L’œuf et le comptoir

Les cafés parisiens n’ont plus de comptoir, pas tous, surtout ceux situés dans les quartiers surtouristés, puisque leur fonction a été abolie par l’appât du gain.

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C’est avec le sourire que les tenanciers de ces nouveaux kiosques à soupe à l’oignon, vous indiquent que le café est servi seulement à table, pour 2,70 euros, non monsieur on ne peut pas consommer au comptoir, vous voyez bien !

On peut voir en effet, que là où on posait le coude, voisinait, avec le textile rêche de l’ouvrier ou de l’éboueur, le geste délicat de la maman tout juste débarrassée d’un marmot à la crèche d’en face, le gros rire du boucher, la trogne réjouie du poivrot de 8 heures, le fin poignet du cadre dépliant son journal, en jetant un œil sur sa tocante, le gribouilleur compulsif de mots croisés, celui à qui vous aimeriez arracher le canard, bref, , c’est aujourd’hui une desserte où les serveurs, gueules d’empeigne, posent leur fatras de verres et de tasses.

Plus de place pour le porte-œufs durs et la salière au nez jaune !

Ces lieux de convivialité, de disputes, de fêtes impromptues, de rassemblements prévisibles aux petites heures du matin comme aux grandes du soir, ce comptoir, ce bar où on s’appuie, se laisse porter, où on s’accroche, oublie des gants, une écharpe ou des lunettes, derrière lequel un patron, planté devant sa caisse regarde d’un air avisé le loufiat faire bruyamment monter du lait dans un pot, moudre du café, empiler verres et tasses, soucoupes et assiettes, tout en poursuivant sa conversation avec le représentant en bières qui balade devant ses yeux indifférents, un catalogue de cadeaux en plastique moulé, cendriers, sous verres, quolifichets, ont disparu.

Dans ce monde sans zincs, où les poivrots sont allongés sur les trottoirs, dans les anfractuosités des immeubles, ayant abandonné l’idée même de la verticalité, raide ou titubante, le café, où plutôt le latte ou une dégueulasserie du genre, se tient à la main, comme un trophée, se boit en marchant, en aspirant à travers un trou de plastique ; l’eau est serrée dans une poche du sac à dos, la bière se boit en grands vases de cartons, debout, derrière un cordon, en troupeau.

Paris où se pressent ces millions de gens venus y respirer une authenticité disparue depuis lurette, une ville qui ressemble trait pour trait à la capitale de leur pays, fondue par la mondialisation en un modèle taille unique, ironise.

Paris, désormais terrain de jeu des grandes marques, prise de la Bastille de LVMH et du CIO, la ville de ND de Paris plaidée par les curés et les politiciens comme un patrimoine mondial quand ce n’est que le décor de comédies musicales et de films étatsuniens, un sanctuaire à selfies, une plaie, recousue pour un milliard d’euros, dont une partie a été consacrée à la reconstruction d’une érection désuète, voulue comme une vantardise par Viollet le Duc, est éperdu, de joies et de rires aussi bidons que le béret d’Emily in Paris, cette idiotie sérielle dont raffolent les filles américaines.

Ces mots ne sont pas ceux de la nostalgie, seulement une liste de courses, un truc à la Prévert, justement, un constat de faits, qui s’accumulent depuis la fin de la campagne de dispersion virale et les confinements qui vont avec, voulue par la mondialisation.

Globalement, comme dirait l’autre on en a pris plein la gueule et ce n’est pas fini !

Qui aurait pu prédire qu’en quelques années, celles d’après, et parfois même en quelques mois, semaines ou jours, l’IA serait devenue une banalité, d’un usage courant, créant de la musique au terra, répondant à des problématiques de droit civil ou commercial, rédigeant n’importe quel type de texte, remplaçant, c’est la bonne nouvelle des armées coûteuses de consultants, et ce n’est qu’un début.

Qui aurait pu prédire qu’Assad, le diable en personne, serait mis en fuite de son pays que sa folie meurtrière a dévasté, par des islamistes que les occidentaux, pour une fois, n’osent pas qualifier de TERRORISTES, se contentant du mot opposants ?

Qui aurait pu prédire que l’invasion de l’Ukraine par la Russie se banaliserait au point qu’on n’entend plus les aboiements stériles des va-t-en guerre occidentaux, soumis plus que jamais à la doxa atlantiste ? Ceux qui refusaient de voir dans la progression de l’Otan dans les pays frontaliers de la Russie, une cause vitale de la guerre, se taisent.

Et plus près de nous, qui aurait pu prédire que Macron ferait le coup du passe-muraille, qu’on le verrait encore et encore, pitoyable, dissolvant l’Assemblée nationale, avec elle la démocratie, tournant le dos à la réalité et à la vérité des urnes pour tenter de faire passer en force son idée de ce qui est utile à la France, c’est à dire un gouvernement et des lois utiles aux riches ?

Que penser, enfin, du jeu de dupes des partis et des élus, de ce qu’on appelle la représentation nationale ? Une écrasante majorité de députés, 70%, sont des cadres représentant 11% de la population. Pourquoi ces gens-là seraient-ils intéressés par l’intérêt général, le bien-être d’une population dont ils ne partagent pas les difficultés ? 

Sortir de l’ornière d’une démocratie abîmée par des décennies de mensonges, de promesses non tenues, de corruption des règles, passe par une remise en question du concept même de représentation, de l’hégémonie des CSP+ dans le corpus de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Wait and see ...

Enfin, la plus importante des quinzaines commerciales de l’année, la magie de Noël, dont la campagne a démarré le 15 novembre par le Black Friday, a tout prévu pour satisfaire la soif de consommer, de gens dont il est permis de se demander si ce sont des vrais gens.

Les hideux marchés de noël où une racaille commerçante, chapeau rouge sur la tête propose des horreurs inregardables, imbuvables et immangeables à cette population bizarre, d’enfants et de parents, de touristes, shootée à la fameuse magie, enlaidissent les quartiers déjà bien arrangés par les éclairages et les décorations de fête.

Heureusement, pour les malheureux riverains des rues commerçantes, grâce à la hausse démentielle des coûts de l’énergie, additionnée à l’inflation, l’année 2024 décédera dans un relatif éclaboussement de lumière.

La chronique précédente faisait allusion au chat j’ai pété a qui l’auteur de celle-ci a demandé de concevoir une conclusion à ce texte. Après plusieurs demandes de rectification, le chat a rendu la copie ci-dessous.

Pour bonne note, l’instruction donnée au chat était peux-tu pondre quelque chose de plus mordant et incisif, après qu’il ait commis une sucrerie écœurante ?

Alors que reste-t-il ? Faut-il se résigner à voir le monde s’aseptiser, sans saveur ni ivresse, comme un café tiédasse pris en gobelet ? Qui aura les couilles de renverser la table, de faire péter les logos et de foutre un coup de poing sur le zinc pour réclamer ce qui nous appartient encore : un comptoir, une vraie gueule et un café noir, bordel !

signé Chat j’ai pété.

Ahah ! Le chat a dû tremper sa plume dans du Marc Levy ! N’empêche, l’animal progresse à grande vitesse grâce à l’abondance et la diversité des données dont il est nourri. Insatiable, il gobera tout ce qu’on lui donne, alors méfiance. Le chat sera bientôt capable de grand remplacer Proust lui-même.

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