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Billet de blog 27 octobre 2021

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Attenter aux mots, est-ce un crime?

Êtes-vous woke ? Encore un mot cainri que les media franchouillards, les ceusse qui viennent de la cuisine à Jupiter, les éclairés des Lumières, bref, ceux qui ont un problème avec l’anglais, emploient à tort et à travers.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est un terme argotique, droit venu de la langue des luttes pour les droits civiques, une langue vernaculaire, dont les locuteurs sont les africains-américains, pas les blancs. 

Que le wokisme soit en train de devenir un mot à la mode de quand ? désignant toutes sortes d’injustices, de maldonnes, c’est le signe que la consommation touche désormais au langage. On a toujours inventé ou réveillé des mots, des expressions, des manières de parler, c’est normal, la vie des mots, quoi. Mais il arrive de plus en plus souvent que les mots soient dépouillés du sens qu’ils portent, qui les a faits naître. 

C’est le malheur, plusieurs fois évoqué dans mes chroniques, je cite encore Camus, qui lui-même, cite Socrate, dans un texte critique d’un livre du philosophe Bruce Parain, une expression vicieuse ne détonne pas uniquement par rapport à cela même qu'elle exprime, mais cause encore du mal dans les âmes ; un texte d’où provient le fameux mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde, mué par le grand remplacement du mot objet par les choses.

Ainsi woke, dans la bouche des crétins et autres imbéciles est un cadavre de mot, en état de décomposition avancé. Ça sent mauvais.

De même, la trop fameuse expression cancel culture, également employée n’importe comment, cette culture de la dénonciation, ou de la balance, mérite mieux que d’être condamnée au contresens ou au faux ami. 

En bon français lumineux, j’aurais eu tendance à produire une expression issue de notre belle langue, comme la culture du doulos ou le doulossage, puisqu’il s’agit d’une pratique dans laquelle nous autres français excellons.

C’est sûr que, comme le disent de plus en plus de gens foutre, il faudrait commencer à apprendre à penser contre soi. Si vous n’y arrivez pas, parce que c’est trop dur, il faudra vous contenter de dire des trucs contre-intuitifs, voire de les penser. Là, vous aurez un peu bon. 

D’une manière générale, le bousillage systématique de la langue me hérisse, et je pense au futur président Zemmour qui ne s’est pas encore avisé qu’un grand remplacement du vocabulaire intelligible, ce véhicule de toutes les idées y compris les siennes, dont nous ne pouvons pas davantage nous passer que d’un bon couscous, d’une paella, voire d’une pizza, d’une moussaka, ou d’un falafel, est en cours. 

Cela étant dit sans haine, je voudrais vous causer de l’automne. L’automne est la seule saison qui convient à la ville. Éprouver le raccourcissement des jours, voir toutes choses dans la lumière oblique, rasante, du soleil qui penche dans le ciel, entendre les feuilles des arbres tomber ; frissonner le matin, en sortant de chez soi, anticiper la douceur de l’après-midi, what else ? serais-je tenté de vous demander. 

Automne, ça se dit fall en anglais. C’est beau non ? La chute, l’évanouissement, la tombée, l’abattement, le sommeil, quelques-uns des sens qui l’embellissent, dans la langue de Shakespeare. 

Chez nous, l’automne c’est la fin de la rentrée, ce machin désuet, et le début des pubs pour Noël. 

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