Pour mettre au clair quelques idées, je me suis lancé sur un texte qui offre des pistes d'un texte d’orientation pour le prochain congrès du Parti de gauche, puisque j’en suis membre… Peut-être cela pourrait-il inspirer d'autres adhérents, et puis aussi tous ces gens du Front de gauche qui se sont éreintés, durant six ans, à animer des collectifs militants de terrain ? Ils se retrouvent en carafe grâce au PCF et au PG, qui ont botté en touche sur les problèmes de stratégie, problèmes que ces partis ont toujours eus depuis la naissance du FdG. Que proposent ces partis aujourd’hui, sinon des aventures (M6R) ou l’affirmation de leur propre parti (PCF) ? De cartel hier, ils ont réduit le FdG à une appellation électoraliste sans vie. Pourtant, le FdG reste dans les sondages entre 8 et 11 % sur le plan électoral. Cela signifie qu'il représente encore pour beaucoup un point de résistance, une référence, en dépit que le PG et le PCF n'ont pas réussi à le faire vivre correctement. Il y a de quoi s’interroger.
Et s'il fallait absolument acter la mort du FdG, alors faudra-il peut-être réarmorcer la pompe en faisant un appel à des Assemblées citoyennes sur la base d'un texte anti-austéritaire et anti-UE, cette dernière question ne pouvant plus être laissée au milieu du gué. Or, nous le savons, le positionnement sur l'UE — outil de la mondialisation capitaliste ou moyen possible pour lui faire face et la contester ? — fait division profondément…
Comment pourrions-nous gouverner ensemble, pourtant, si ce problème n'est pas réglé ?
Bonne lecture aux courageux-ses.
« Ils se disaient qu'il fallait changer le monde.
Ils ne savaient pas encore comme c'est lourd et mou le monde,
comme il ressemble peu à un mur qu'on flanque par terre
pour en monter un autre beaucoup plus beau,
mais plutôt à un amas sans queue ni tête de gélatine,
à une espèce de grande méduse
avec des organes bien cachés. »
Paul Nizan, « La Conspiration », 1938.
Contrairement à beaucoup de prophéties, le capitalisme n'est pas mort. Bien qu'il épuise l'Homme et la Nature, il continue de faire illusion, absorbant ceux qui lui résistaient hier (URSS et Chine), et il retombe de crise en crise sur ses pattes. Se présentant sous des facettes multiples, sa pointe avancée s’incarne depuis près d’un siècle dans une nation : les Etats-Unis.
Cet Etat fédéral de 318 millions habitants qui s’administre en prêtant serment sur la Bible, à l’impact écologique 1 criminel, fait ployer n’importe laquelle de ses multinationales, ou même un paradis fiscal, lorsqu’il le décide. Son régime carcéral est aussi dur que son régime d’imposition est inégalitaire 2. Sous ses différents gouvernements, ce pays ne cesse pas d’intervenir à travers le monde au mieux de ses intérêts. Cette bataille pour l’influence, les ressources et les marchés alimente en retour l'exaspération, la guerre commerciale, la militarisation, les guerres tout court, notamment sous l’appellation « choc des civilisations »
Oubliant le refus de l'intervention en Irak de certains de ses pays importants, l'Union européenne a fini par obtempérer et s'inféoder à lui (et au monde anglo-saxon qui lui est assujetti), à travers notamment son adhésion à l'OTAN, et puis au Traité de libre-échange trans-altantique (TAFTA).
Pourtant, le résultat de l'interventionnisme belliqueux est toujours le même : au Proche-Orient, une fièvre islamo-fasciste a même fleuri sur les décombres d'un panarabisme dévoyé, et se répand dangereusement dans les pays occidentaux sous la forme d'actions d'éclat, à la faveur de la crise qui les touche et des problèmes d'intégration qu'ils n'ont pas réglés. Cette stratégie de tension pourrait les déstabiliser – plus que jamais la laïcité doit être affirmée, aussi bien en direction des religions que des pouvoirs publics. Nous devons aider à la sécularisation de toutes les religions. Et revoir nos relations avec les pétro-monarchies qui, en sous-main, se livrent à des financements douteux et au prosélytisme d'une version moyenâgeuse de la religion.
Disputée par de nouveaux entrants (les BRICS), une nouvelle division internationale du travail se met en place, qui utilise sans précaution la moindre révolution technologique, scientifique, médicale à la mode et la main-d'œuvre à bon marché qu'offrent des pays comme la Chine et l'Inde. Dans cette phase de mondialisation actuelle, d'ordre financier et marchand, ce système contraint chacun à s'adapter comme il peut. Les bourgeoisies nationales des pays riches à faire sécession d'avec leur société pour fusionner entre elles, afin de déployer leurs ailes sur des marchés plus larges. Les « politiques » à se mettre dans leur sillon en se délestant des « modèles » spécifiques à chaque peuple, réduisant la marge de manœuvre des Etats-nations dont ils ont la responsabilité, au prétendu motif de les aider à tirer leur épingle du jeu. Les hautes fonctions publiques à mettre en musique institutionnellement la nouvelle configuration.
Sur notre continent, l'adaptation à cette nouvelle situation s'appelle l'Union européenne.
C'est au titre de cette adaptation que chaque nation, à travers des gouvernements peu représentatifs, lui transfère son pouvoir souverain. Le pouvoir du peuple laisse place à la post-démocratie du Grand marché et de l’oligarchie. TAFTA accélèrera cette mise en place.
Tout le reste : la prospérité nouvelle, la paix, nos valeurs, la fraternité universelle, l'urgence écologique,… est subalterne. Mais aide à donner le change dans un « récit » bien entretenu par la pensée dominante, dont il est difficile de se défaire au risque de passer pour un « complotiste ». L'Acte unique de 1986 est pourtant précédé du Livre blanc de 1985 des grandes entreprises européennes de l'époque.
Ainsi, se dégradent lentement nos conditions de vie sans que nous parvenions à nous y opposer. Trois décennies de désengagement de l'État social, d'extension du marché ont conduit nombre de nos concitoyens à s'accrocher au système D, à se rétracter sur la cellule familiale, ou/et la communauté, quand ils n'ont pas déjà intériorisé la logique du libéralisme dans leur choix de vie. Atteints par le chômage de masse, la précarité, les conditions nouvelles de l'exploitation de la force de travail et d'organisation de la société, ils sont peu nombreux à tenter laborieusement de relever la tête.
La clairvoyance commande de bien appréhender la crise de l'engagement citoyen.
La difficulté est d’autant plus grande que ceux qui n’ont pas abdiqué se divisent depuis plusieurs décennies sur l’attitude à adopter face à la construction européenne. Sans stratégie claire, ils ne sont pas compris par le reste de la société et ne peuvent opposer qu’une résistance bancale, sans profondeur de champ.
Voilà les traits dominants de l'époque. Ils surplombent l'actualité.
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La question posée au Parti de gauche se ramène à ceci : comment, dans ce contexte de reflux des idées socialistes, affronter la brutalité du capitalisme, circonvenir sa plasticité, lui opposer une autre civilisation ?
Deux objectifs stratégiques nous semblent assigner.
Deux verrous à faire sauter.
Le verrou du gouvernement de la « deuxième droite » incarné par Hollande-Valls et le verrou de l’Union européenne.
LE VERROU NATIONAL :
Incarner un gouvernement alternatif
L’orientation du PG consistait à inviter la population à la « révolution citoyenne », en articulant la nécessaire dynamique des mouvements sociaux et le combat électoral (« Unis dans les luttes, unis dans les urnes »). Mais comment procède-t-on lorsque le mouvement social est atone et les électeurs abstentionnistes ?
C’est cette équation qu’il faut résoudre.
La réponse classique était d’offrir une perspective politique au mouvement social par une formule de gouvernement PC-PS avec un programme commun. Mais le PC n’est plus hégémonique sur le mouvement ouvrier et le PS accomplit sous nos yeux sa mue social-libérale, le transformant en « deuxième droite ».
Préconiser une alliance FdG-EE-LV-Gauche PS-Nouvelle Donne n’est pas non plus satisfaisant. Toutes nos structures subissent une décomposition rampante. Les « Chantiers d’avenir » (en quelque sorte prolongement de 3 A contre l’austérité) ne sont pas suffisants non plus pour l’émergence d’une alternative de gouvernement crédible. Pas plus que le M6R, qui oublie que les gens se mobilisent d’abord en fonction de leurs besoins élémentaires et non sur des exigences d’ordre institutionnel. Rassembler la gauche qui refuse l’austérité est nécessaire mais insuffisant, à la fois parce qu’il s’agit de réunir des morceaux décomposés mais aussi parce que nous ne regardons pas tous dans la même direction.
Décision doit être prise de nous tourner désormais davantage vers la mobilisation de notre cœur de cible : les classes populaires largement abstentionnistes.
En leur proposant un programme bien plus en concordance avec elles.
Et en nous dotant d’une stratégie vraiment unitaire, qui ré-oxygène le Front de gauche et élargit notre rayonnement.
— RENFORCER UN PROGRAMME DE GOUVERNEMENT, ORIENTÉ SUR LA RÉSOLUTION DES URGENCES SOCIALES (EN PARTICULIER CELLE DU CHÔMAGE) ET UNE TRAJECTOIRE CIVILISATIONNELLE NOUVELLE AVEC DES MÉTHODES D’ÉDUCATION POPULAIRE.
LE PROGRAMME. « L’Humain d’abord » est une épure d’un programme de gouvernement. Il devient nécessaire d’en préciser les priorités et les modalités d’exécution concrètes.
• LE CHÔMAGE, Y METTRE FIN, C’EST L’ABSOLUE PRIORITÉ DE NOTRE QUINQUENNAT. Nous remercions les camarades qui ont commencé à élaborer ce que doit être notre dispositif anti-chômage.
Ce dispositif de mesures précises, chiffrées, articulées et argumentées, est devenu le passage obligé dont doit se doter notre Parti de toute urgence ! Pour ce faire, il ne faut pas craindre le « politiquement correct » et rompre avec une monnaie unique, l'euro, qui dépend d'un organe « indépendant » (la BCE), nous mettant en contradiction avec nos objectifs. Créer le plein-emploi, combattre l'austérité, cela ne peut pas aller avec une absence de souveraineté monétaire, et à plus forte raison avec l'euro monnaie unique.
Ensuite, nous mandaterons les commissions pour qu’elles se fixent l’objectif de travailler à alimenter de manière cohérente ce programme de gouvernement, sur la base de revendications transitoires faisant levier entre la satisfaction des urgences sociales et le début de la résolution des problèmes plus profonds de la société, d’ordre civilisationnel. Les commissions « Politique de la ville », « Economie » et « Ecologie » devront rapporter régulièrement leurs travaux devant le Conseil national, dans une approche si possible pluri-disciplinaire. Nous leur apporterons le soutien qu’il faut.
Un autre élément de programme est celui de l'écologie politique. Notre propagande ne doit pas en rester aux seules revendications économiques et sociales. La trajectoire de civilisation nouvelle que nous proposons aux Français suppose d'aller vers une société responsable, prenant à bras-le-corps la finitude de la planète et les conséquences de la société de consommation sur les Hommes et la Nature. La relocalisation des produits et marchandises et leur distribution par des circuits courts, la mobilisation des forces de la R & D, de l'innovation ouverte, du travail collaboratif permettent aux sociétés de mieux dépendre d'elle-mêmes, de réduire fortement la pollution, de déterminer ce que sont leurs besoins et, par voie de conséquence, de fonder l'infrastructure économico-sociale pour les satisfaire. A la société de consommation, nous opposons celle du bien-vivre.
LA MÉTHODE. La méthode par laquelle nous entrerons en relation avec la population pour diffuser ce programme sera inspirée de l’éducation populaire. C’est sur la base de ses problèmes immédiats que la jonction doit se faire avec elle. Inutile de se répandre en idées générales, bien abstraites. L’éducation populaire justifie un véritable travail collectif de notre parti, de rédaction, de réflexions sur le langage, d’imagination, et de relations avec ce qui existe sur ce secteur. Nous ne serons pas seulement prescripteurs mais aussi récepteurs. Le PG doit être un parti apprenant.
L’U.F.A.L, A.T.T.A.C et d’autres méritent en la matière notre respect.
UNE POLITIQUE DE PROXIMITÉ. Nous voulons mettre également l’accent sur la lutte contre la corruption, qui réduit le pouvoir d'achat des ménages, fait vivre des clientèles corrompues, verrouille la démocratie par le pouvoir de l’argent. Dans bien des communes, cette bataille revêt un caractère de lutte de proximité susceptible d’entrer en résonnance avec la sensibilité de chacun. En particulier, cette lutte contre la corruption peut prendre pour objet de contestation le domaine foncier. C’est possible : par exemple, la contre-expertise d’architectes sur des projets immobiliers communaux peut faire l’objet de la création d’associations de protection du patrimoine, d’une activité de sensibilisation des riverains, et l’activation d’un réseau de proximité. Le PG et, dans la mesure du possible, les Assemblées citoyennes du FdG doivent prendre leur part de cette action. La contre-expertise de la gestion doit devenir le moyen principal par lequel peuvent se mettre en place des structures embryonnaires de contre-pouvoir.
— RENFORCER L’UNITÉ DE LA GAUCHE, À PARTIR DE 3 A CONTRE L’AUSTÉRITÉ, DÉVELOPPER LES ASSEMBLÉES CITOYENNES ET LA TRANSVERSALITÉ DU FRONT DE GAUCHE, RENOUER AVEC LA VOCATION PREMIÈRE DU P.G.
De tout temps il est apparu nécessaire que la gauche soit unie pour porter une véritable alternative au « système ». Mais l’exercice au pouvoir de la gauche identifiée au Parti socialiste et ses satellites a produit un brouillage profond des repères, de sorte que bien des interrogations se font jour. Devons-nous nous adresser seulement à la gauche ? Le mouvement socialiste dans lequel nous nous inscrivons historiquement ne porte-t-il pas des idées différentes de cette gauche-là et n’est-il pas temps de nous en séparer, pour ne pas en porter le passif ?
Ces questions nous paraissent devoir être résolues de la manière suivante :
– Oui, nous devons d’abord et avant tout nous adresser à la population, sans nous sentir obligés de la placer à gauche et à ne parler qu’à cette famille politique-là.
– Oui, une partie de la population ne se situe plus sur ce clivage.
Mais non, cela ne peut pas signifier encore qu’il faille se débarrasser de cette étiquette dès lors qu’une autre partie, importante, de la société continue de fonctionner suivant ce clivage.
Autrement dit : si le PS, et à travers lui la « gauche », est objectivement à droite, ce n’est pas exactement vécu, subjectivement, comme cela par encore une bonne partie des électeurs.
– Pour autant, nous adressant à tous, nul besoin d’inclure le Parti socialiste dans notre recherche d’unité. A moins que sa direction soit emportée par sa gauche à son congrès et aux Primaires, ce qui redistribuerait les cartes.
En fait, LE FRONT DE GAUCHE CONTINUE DE REPRÉSENTER LE CENTRE DE GRAVITÉ D’UN GOUVERNEMENT ALTERNATIF. Cette aventure unitaire commencée il y a six ans n’a pas fini d’accomplir ses virtualités. A condition toutefois qu’on la régénère.
Il serait possible de rester crispé sur l’attitude du PCF : son manque de loyauté lors des Municipales de 2014, ses illusions à l’égard du PS et sa gauche, ses tactiques dilatoires ayant pour seul objectif de préserver son appareil et son influence… Mais si notre objectif est d’unir, faut-il mieux s’en séparer ou le contraindre à rester dans une pratique unitaire exigeante ?
En revanche, la pratique des négociations de direction du PCF à direction PG a montré ses limites…
Disons-le tout net : le Front de gauche doit cesser d’être un cartel de partis, dont les directions décident au sommet. Ce Front de gauche, qui pourrait prendre une autre dénomination afin de s’adresser à tous, doit pouvoir s’organiser horizontalement de manière à s’ouvrir aux non-encartés, qui pourraient en être des adhérents directs.
Notre objectif stratégique doit être d’organiser la transversalité du Front de gauche et le redéploiement d’un dispositif de souveraineté de ses Assemblées citoyennes et d’adhésions directes. Pourquoi pas la publication hebdomadaire dans « l'Humanité », un même jour de la semaine, d'un supplément de 8-10 pages consacré exclusivement au FdG, au travail intellectuel de ses Front thématiques, et à ce qui pourrait répondre aux besoins des Assemblées citoyennes ? Plutôt que d’encourager la concurrence et les logiques d’appareil, encourageons ainsi tout ce qui permet de mutualiser la réflexion, la formation politique, l’écriture de tracts et de propagande communes. Le PCF acceptera-t-il cette horizontalité, lui qui l’a toujours refusé ? Ce sera l’un des enjeux des prochaines discussions. Nous devons trouver des appuis pour cela auprès du reste des partenaires.
De grande importance aussi, les relations unitaires du PG doivent être menées avec plus de sens du collectif, socialisées à travers des structures « ad hoc » dans lesquelles se retrouveront des militant-e-s du PG ayant de réelles connaissances des partis dont ils auront la charge.
Le PG doit réinvestir le FdG, ce qui est difficilement compatible avec le M6R, qui a trouvé ses limites. Les expériences venues d’autres pays doivent être examinées attentivement, sans pour autant les répliquer chez nous à l’identique. On retrouve là les spécificités de chaque nation.
PLUS FONDAMENTALEMENT, LE PG NE DOIT PAS ÊTRE UNE FORMATION POLITIQUE DE PLUS. Il doit renouer avec sa vocation première, qui est de décanter la gauche de gauche, afin de parvenir à la convergence de tous dans une formation nouvelle, unique, éco-socialiste, à la pratique de la démocratie exemplaire (droit de tendances). Il convaincra ainsi celles et ceux qui ne se reconnaîtraient pas totalement dans les orientations de sa majorité. Ainsi, le PG cesserait d’être un parti passoire. D’ores et déjà, nous devons prendre l’initiative de discussions pour des rapprochements avec « Ensemble » et les autres, comme Socialisme et république, etc.
Le Front de gauche est notre avenir. Nous devons le ré-oxygéner, en l’élargissant aussi à de nouvelles formations, comme le MPEP, le NPA, le POI, etc.
– POUR LES ÉLECTIONS RÉGIONALES, il est nécessaire de s’allier avec quiconque refuse l’austérité, en favorisant le dépassement de tous, dans des regroupements électoraux qui doivent avoir pour vocation de se prolonger par un militantisme de terrain commun. La dénonciation du découpage de notre territoire en euros-régions est aussi nécessaire.
Se comportant au pouvoir comme une « deuxième droite », on voit mal comment s'allier au PS au 1er tour des élections.
Cependant, aux élections locales, où les élus PS peuvent avoir une approche gestionnaire plus à gauche, se pose notre positionnement pour le 2e tour. On comprend là toute la difficulté dans laquelle la gauche de gauche se trouve : un scrutin majoritaire à deux tours qui octroie l'hégémonie au vainqueur, un PS encore identifié à gauche par une partie du salariat même si objectivement ce n'est plus le cas, une place à perdre en faveur de la droite libérale si l'union manque ; le choix est cornélien. Notre approche consistera à choisir au cas par cas, les structures locales sauront démocratiquement en décider.
FAIRE SAUTER LE VERROU DE L’UNION EUROPÉENNE
Affirmer la souveraineté nationale
L’arrivée au pouvoir de Syriza en Grèce ouvre-t-elle une nouvelle période et ferme-t-elle l’ancienne ? Il serait hâtif de le croire, et plus prudent d’estimer, d’abord, qu’à travers cette opportunité historique apparaîtront les vrais enjeux de l’intégration européenne.
Ces vrais enjeux ne dépendent pas de controverses d’ordre économique – même s’il faut s’exprimer sur ces questions en vérité éminemment politiques : la dette qu’il faudrait mutualiser, la monnaie unique trop forte qui ne correspond pas de la même manière aux besoins de toutes les nations du continent, le statut de la Banque centrale européenne (B.C.E.) qu’il faudrait rendre dépendante du pouvoir politique, « la concurrence libre et non faussée », etc. Toutes les formules proposées, pour le coup, ont une logique d’intégration fédérale.
Or ce qui est en jeu, c’est ni plus ni moins la notion que nous nous faisons de la société dans laquelle nous voulons vivre, son contenu éco-socialiste et la forme qu’elle doit prendre. Autrement dit : la question européenne nous renvoie au socialisme du XXIe siècle que nous voulons proposer aux peuples.
A l’heure où le capitalisme mondialisé pousse à la constitution de regroupements de grande échelle, revendiquer que les Etats-nations maîtrisent souverainement leur développement c’est rappeler combien les peuples furent le plus souvent les sacrifiés de nouveaux impératifs catégoriques décidés d’en-haut, de la croissance fordiste à l’Homme nouveau…
Aussi, de la même manière que nous revendiquons une politique qui favorise la biodiversité, il ne paraît pas absurde d’assumer le libre-développement des peuples dans la diversité de leur « modèle » propre. Vouloir les unifier dans un Grand Tout, comme l’est l’esprit du projet européen, à la façon des Etats-Unis d’Amérique, dans un mode fédéral qui gagne en efficacité là où il perd en expression démocratique des peuples, participe de la vision techniciste que le capitalisme met en place et que nous réfutons.
L'universalisme du socialisme réside davantage dans la déclinaison de « modèles » spécifiques à chaque peuple que dans le plongeon de tous dans le Grand Tout. Nous devons réfléchir aux leçons à tirer de la dégénérescence des révolutions, en permettant que le processus d'autodétermination soit réellement maîtrisé par les peuples. Par ailleurs, l'état de la Nature contraint à réduire drastiquement les flux de marchandises, la société de consommation en général, et repenser par conséquent les échelles de l'activité humaine.
C’est pourquoi le simple stratagème de renégociation avec l’Union européenne, en plus d’encourager les illusions sur ce qu’il y aurait à gagner en matière économique, pèche pour ce qu’il sous-entend : l’acceptation de l’intégration de la France à ce Grand Tout.
Ne pas l’avoir saisi a conduit le FdG à être inaudible auprès d’un salariat qui assiste à son éviction sociale et politique, au fur et à mesure de ce que décident l’UMP et le PS, tous deux sur la même longueur d’onde dans ce domaine.
Le Front de gauche doit assumer la souveraineté du peuple dans les espaces démocratiques historiquement donnés, depuis qu’à l’échelle de notre vie nous les connaissons. La nation reste encore le lieu préférentiel de socialisation et de résistance des peuples et le principal point d’appui dans notre combat contre la mondialisation capitaliste, dont la version continentale s’incarne précisément dans ce Grand Tout qu’est l’Union européenne.
Le contenu et la forme prises par l’Union européenne sont dialectiquement liés, ils sont le but (un dispositif continental de la mondialisation) et les moyens (anti-démocratiques) mis en œuvre, inspirés par Jean Monnet, le fameux précurseur de l'Europe.
Si nous sollicitons les suffrages de nos compatriotes, c’est bien pour réaliser une politique qui concerne la France.
Par conséquent, il doit être dit que le seul débat qui vaut aujourd’hui n’est pas celui de savoir quelle politique l’Union européenne doit mener – 28 Etats-nations à qui on a forcé la main, puisque leurs peuples n’ont pas été réellement consulté ! Le seul débat valable doit se formuler de la manière suivante : à quel moment allons-nous décider par nous-mêmes et pour nous-mêmes ?!
L’exemple de la situation grecque enseigne qu’à trop attendre des autres, la soumission n’est pas loin. En effet, se contraignant à rester dans un carcan européen, SYRIZA est naturellement conduit à en accepter les limites. Il peut parvenir à desserrer l’étau de l’austérité mais certainement pas à s’échapper de la logique propre au fédéralisme européen. C’est la limite de l’exercice. Quant à ceux qui croient que SYRIZA fait ainsi une démonstration pédagogique auprès de son propre peuple sur la nature autoritaire et libérale de l’Union européenne, le conviant ensuite à en tirer les conséquences — celles d’une rupture —, ils ne font qu’accréditer l’idée que le niveau moyen de compréhension des couches moyennes urbanisées correspond à celui des couches populaires. Or celles-ci ont depuis bien longtemps cessé de caresser le rêve européen, si elles l’ont jamais fait ! Elles ne s’identifient pas à l’idée européenne. Enfin, cette façon de faire est passablement manœuvrière pour aborder les problèmes posés par la question européenne. Nous préférons un positionnement franc et honnête, loin des arrière-pensées politiciennes. Il ne sera pas dit que nous tromperons quiconque sur notre objectif.
Il reste que…, en direction des personnes qui souhaiteraient faire perdurer leur espoir d’une « autre » Europe (antilibérale et tutti) et qui parient sur une évolution interne de l’Union européenne par une approche de type « renégociation » des traités, nous leur adressons le message suivant : la meilleure manière de négocier est de disposer d’une arme de dissuasion massive. Cette arme, c’est un plan B, pour le cas où vos interlocuteurs auraient du mal à trouver un compromis. Un plan B en cas de rupture avec l’U.E. et la zone euro. Travaillons ensemble à ce plan B. Il consistera en un plan de gouvernement en cas de rupture avec la construction européenne actuelle. Il en tirera toutes les conséquences en matière de recouvrement de souverainetés, de nationalisation, de ré-industrialisation, de protectionnisme, de coopération, etc. 3.
Le P.G. demandera à ses partenaires que le FdG organise dans les plus brefs délais un Forum national d’élaboration de ce plan B.
En revanche, nous combattrons ceux qui, toujours mieux disposés à l’égard de la construction hypothétique d’un peuple européen qu’à l’amélioration de leur propre nation, pousseront à donner plus de pouvoirs aux institutions européennes – que ce soit à travers le Parlement européen, un budget accru, etc. – et participent à reconfigurer le territoire français suivant les normes soufflées par Bruxelles. Le PG, le FdG et tous ceux qui ont à cœur la question sociale ne seront pas les idiots utiles de la mondialisation version continentale.
Il s’agit d’imposer la dé-mondialisation, d’empêcher que se déploie à l’échelle du monde le libre-échange inégalitaire, en décidant de faire du « national » l’épicentre de la vraie bataille entre les classes sociales. C'est la première étape pour parvenir à des nations coopératives et solidaires.
Serge Marquis
1. En 2008, un Etatsunien a environ besoin du double d'un Européen pour maintenir son niveau de vie (9 hectares globaux) quand la moyenne mondiale de l'empreinte écologique est de 2,6 hectares par personne. Si tout le monde consommait comme un Américain, il faudrait disposer de 5 planètes (in Global Footprint Network, Ecological footprint Atlas 2009).
2. Le taux marginal pour les hauts revenus est à 37 %. Les successions ne sont soumises à la fiscalité qu’à partir d’au moins 5,5 millions € (et vont passer sous Trump à 11 millions $), somme que la majorité de ses habitants n’atteindra jamais. Mais cette même majorité se déclare contre cet impôt ! Espérer atteindre ce seuil de capital, chacun l’espère là-bas, c’est ce qu’ils appellent le rêve américain… D'où le fait que sur 541 parlementaires du Congrès en 2018, 200 sont millionnaires !
3. Des propositions non exhaustives existent, qu’il nous faut discuter :
— Sur le plan juridique, sont évoqués « l’arrangement de Luxembourg », qui permet une politique de la chaise vide, ou le désengagement d’un pays de l’U.E. (art . 49 du traité de Lisbonne).
— Une nouvelle relation commerciale pourrait voir le jour, pour un temps, avec l’adoption de la Charte de la Havane, dont la philosophie générale correspond à la nécessité pour chaque pays d’assurer le bien-être de son peuple (art. 2) avec pour principe l’équilibre de la balance des paiements (art.3, 4, 21) sans mettre en péril celle des autres pays, l’Etat disposant du contrôle des mouvements de capitaux (art. 12) et la possibilité d’aider des branches de l’économie (art. 13,14, 15)… Le dumping social est interdit (art. 26) et le protectionnisme possible (art. 20). C’est une Charte élaborée à la sortie de la guerre par 53 pays capitalistes afin de déboucher sur une Organisation internationale du commerce (O.I.C.), dans le cadre de l’O.N.U., que refusèrent les Nords-Américains, déjà orientés sur la guerre économique à l’exportation.
— La nationalisation des banques et assurances, le démantèlement des marchés financiers, la lutte contre la corruption,…font partie du dispositif d’ensemble.
— Nous approuvons largement les mesures indiquées dans le document « Le P.G. face aux banques », en particulier la mesure 413 : «Révision de la Constitution. Abolition des clauses consacrant le primat du droit européen sur le droit national pour imposer des politiques régressives par rapport au droit national. » Etc.