Il est toujours étonnant de voir qu'en n'existant pas sur un réseau social, sous forme lapidaire ou vidéo, ce qui est écrit ailleurs n'existe pas.… Et à quel point l'acquis intellectuel disparaît sous de nouvelles « trouvailles » !
La politique consiste à changer l'ordre des choses en proposant une stratégie qui élargit le nombre de convaincus. Il faut donc partir de là où sont les gens et ne pas se satisfaire de slogans comme « désobéir à l'UE » ou « rompre avec l'UE » « Frexit », etc.
C'est en y réfléchissant qu'il fut proposé dans le Parti de gauche un « plan B » dans le cadre de la préparation de son congrès en 2015.
Pour mémoire, revenons exactement à l'amendement en question qui, finalement, ne fut pas adopté.
En effet, cet amendement dit « Plan B » au congrès du PG ne passa pas la censure de la direction de l'époque (la Commission des amendements) :
« C’est pourquoi, en amont, l’objectif stratégique du Parti de gauche est désormais de mettre un terme à l’étau européen.
Le PG propose à ses partenaires du Front de gauche et à ceux qui le voudront (partis, syndicats, associations) de co-organiser un Forum national d'élaboration d'un programme de gouvernement dans le cas de la rupture avec l’UE et l’euro (dit plan B).
Des groupes de travail préparatoires se mettront en place.
Ils associeront aussi bien des économistes et spécialistes de différentes disciplines favorables à la rupture franche que ceux favorables à la renégociation des traités.
Car tous ont un intérêt à anticiper l’avenir.
Il s’agira pour eux d’aider à la formulation pluridisciplinaire des mesures à prendre dans le cas d’une rupture avec l’agencement fédéral européen actuel — dit UE.
Ces groupes de travail devront prendre en compte, dans leurs scénarii, les conséquences de la bifurcation écologique du mode de production et de consommation que nous voulons tout comme la politique de plein emploi que nous prônons…
Pour les aider, nous mandaterons une commission ad hoc du PG, afin qu’elle élabore le dispositif crédible, réaliste et chiffré, d’éradication du chômage et de la précarité en France.
De même, la commission “Écologie” aura à cœur de modéliser en termes de création d’emplois et de reconversion industrielle la bifurcation écologique. »
Quel était l'argumentaire de cet amendement ?
« Avec la situation difficile de Syriza, nous voyons l'importance de disposer d'un plan B.
Aussi bien pour ceux qui veulent renégocier les traités que pour ceux qui veulent une rupture franche avec l'UE et l'euro.
C'est pourquoi, pour être crédible, ce plan B ne peut pas être agité comme une manière de chantage, un épouvantail, un pur élément de surenchère émanant de décervelés gauchistes. Il doit, enfin !, se doter d'un contenu.
Plus finement il sera élaboré, plus il jouera son rôle…
Un tel programme de gouvernement, qui articule mesures et calendrier de recouvrement de la souveraineté, solutions aux urgences sociales et transition écologique, entre autres, nécessite de faire appel à de multiples compétences.
Notre parti ne doit pas craindre associer à son élaboration toutes les formations (politiques, syndicales, associatives) qui le voudront.
Les travaux en question seront rapportés lors des journées du Forum national d'élaboration du programme de gouvernement dans le cas de la rupture avec l'euro et l'UE, dit plan B.
De cette manière, le PG aura puissamment contribué aussi bien à la renégociation avec l'UE qu'à la rupture avec elle ! »
Au jour d'aujourd'hui, en 2025, au moment où la question gauche-droite se joue différemment, cette démarche devrait s'adresser à tous ceux (partis, syndicats, associations, citoyen-nes…) qui le voudront bien, indépendamment de leurs itinéraires partisans.
Ce pourrait être l'objet d'un travail s'échelonnant sur un an et l'occasion d'une vaste campagne d'éducation populaire, comme il fut fait en 2015 au moment du référendum sur le TCE.
Ajoutons que, sur la base de cet amendement, Jacques Sapir avait donné son accord pour prendre la présidence du groupe de travail « Économie » et que d'autres intellectuels avaient indiqué aussi leur accord.
Ceux qui portaient ce projet d'un vrai Plan B, n'ayant obtenu QUE 45,5 % des voix au congrès de PG de 2015, n'ont pas pu aller au bout de cette proposition. La direction du PG avait brandi comme contre-feu un ersatz de Plan B, que Eric Coquerel est allé ensuite enterrer dans le vase clos des petites formations européennes qui se présentaient comme radicales.
Quelle force, désormais, comprendra l'intérêt stratégique de cette démarche ? Et voudra aider à mettre sur pied cet échafaudage qui se révélerait, s'il était tenté, d'une importance capitale pour remettre la question de l'UE en situation ?
Voilà les questions qui se posent à celles et ceux qui veulent faire réellement de la politique vis-à-vis de l'Union européenne… mais aussi à l'encontre de la mondialisation. Un tel plan serait un élément important pour élaborer un nouveau modèle de civilisation pour la France.
Mais il semble que la gauche préfère avertir du danger « fasciste » tout en mettant soigneusement de côté la question de l'omnipotence de l'UE sur nos décisions…
* *
*
Pour finir de compléter cette affaire, voici la lettre qui fut envoyée à toutes sortes d'intellectuels et militants susceptibles à l'époque de soutenir ce projet d'un VRAI Plan B (de Jacques Sapir à Christophe Ramaux en passant par Claude Debons, Raoul-Marc Jennar et bien d'autres…).
Pour l’élaboration d’un programme de gouvernement populaire
dans le cas de la rupture avec l’euro et l’Union européenne (dit plan B)
APPEL À UN FORUM NATIONAL
L’impasse stratégique dans laquelle se trouve la Grèce montre combien il est difficile de mener des négociations avec la Troïka (FMI, Commission européenne, la BCE) sans disposer d’un plan B, qui puisse offrir une vraie marge de manœuvre, à tous points de vue. Certes, le cas de la France serait différent. On ne se débarrasse pas impunément de la 5e puissance économique mondiale et pays fondateur essentiel de l’Union européenne. Toutefois, croire que nos interlocuteurs accepteraient de revenir sur l’objectif qu’ils se sont fixés – être un protagoniste actif de la mondialisation capitaliste – sans que nous disposions de moyens de chantage adéquats ou d’une porte de sortie est à coup sûr une stratégie perdante. Pour qui veut gouverner notre pays, un plan B est indispensable.
C'est pourquoi nous nous adressons aux personnes de bonne volonté, aux partis, aux syndicats, aux associations… afin que nous nous rencontrions dès le mois de septembre.
Notre objectif est de mettre en place les conditions matérielles et intellectuelles qui permettront d’élaborer le programme d’un gouvernement populaire dans le cas d’une rupture avec l’euro et l’Union européenne (dit plan B).
Notre proposition ne vise pas à se déclarer en faveur de la renégociation des traités pour changer l’UE, comme le veulent certain-e-s. Ni à exprimer qu’il faut la rupture franche avec l’euro et l’UE pour dé-mondialiser, comme le veulent d’autres. Chacun-e utilisera ce plan B comme il-elle l’entend. Mais tous-tes, nous avons besoin d’anticiper l’avenir.
Nous en sommes convaincus : plus ce programme de gouvernement sera élaboré finement, plus il jouera son rôle…
Un tel programme de gouvernement, qui articule mesures et calendrier de recouvrement de la souveraineté, solutions aux urgences sociales et transition écologique, entre autres, nécessite de faire appel à de nombreuses compétences.
Des groupes de travail préparatoires pourront se mettre en place. Ils associeront aussi bien des économistes et des spécialistes de différentes disciplines que des militant-e-s de terrain aux compétences multiples.
Il s’agira pour eux d’aider à la formulation pluridisciplinaire des mesures à prendre dans le cas d’une rupture avec l’agencement fédéral européen actuel — dit UE.
Ces groupes de travail devront prendre en compte, dans leurs scénarii, les conséquences de la bifurcation écologique du mode de production et de consommation que nous voulons tout comme la politique de plein emploi que nous prônons…
D’autres sujets à traiter (immigration, politique de la ville,…) apparaîtront probablement dans ce processus d’élaboration.
Nous voulons parvenir à formuler les mesures transitoires nécessaires pour engager notre pays vers un nouveau modèle de civilisation dès notre accès au pouvoir. Il s’agit de ne pas se satisfaire de la ligne d’horizon mais de penser avant tout les chemins possibles pour nous y mener, sans évacuer les conséquences négatives toujours possibles que certaines mesures proposées pourraient induire… Gouverner, c’est prévoir.
Les travaux en question seraient rapportés lors d’un Forum national d'élaboration d’un programme de gouvernement populaire dans le cas de la rupture avec l'euro et l'UE (dit plan B).
De cette manière, chaque participant-e aura puissamment contribué aussi bien à la renégociation avec la zone euro et l’UE qu'à la rupture avec elles.
Norman Mailer, l’écrivain américain, disait : « Un homme [une femme], c’est du courage et de la responsabilité. »
A nous de nous placer à hauteur d’homme.
Du courage et de la responsabilité…