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Billet de blog 15 novembre 2022

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Un processus constituant : Pourquoi et comment ?

Ce texte est la note de synthèse de l'exposé que j'ai développé lors de l'université d'automne du Parti de la dé-mondialisation (Pardem) tenu à La Rochelle du 11 au 13 novembre 2022. Il doit se comprendre après la lecture d'un précédent billet : https://blogs.mediapart.fr/serge-marquis/blog/021221/le-peuple-francais-dans-la-panade-plaidoyer-pour-un-processus-constituant.

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1/ Pourquoi ? Qu'est-ce qui nous pousse à penser qu'un processus constituant est la vraie bonne solution pour résoudre nos problèmes plutôt que de faire confiance à des partis politiques qui disposent de plus grands moyens, d'argent et d'entregent médiatique ?

2/ Comment ? De quelle manière ce processus constituant pourrait-il voir le jour, quelles seraient les modalités de sa mise en route ?


1/ D'abord, sur le « Pourquoi ? ».

Pour quelles raisons, un processus constituant ?
Car à première vue l'actualité immédiate invalide l'hypothèse constituante, elle rend sa faisabilité comme moyennement réaliste…

Nous avons en arrière-fond la crise de civilisation.
Un capitalisme mondialisé (que tous les pays ont rallié mais qui part en sucette) ; l'échec des tentatives historiques de dépassement (en URSS et en Chine) ; la crise écologique (à la faveur de laquelle se repose le changement de modèle économique) ; les inégalités chroniques entre le Nord et le Sud ; les urgences sociales. Etc. Le Grand Désordre du monde. Trois grands ensembles géo-politiques : le camp dit occidental (qui a mis la main sur les ressources et qui s'est singularisé par des interventions armées illégales et souvent illégitimes, avec des plaies purulentes), la Chine et la Russie ensemble (autocratiques, et qui cherchent à leur tour à capter les ressources et l'influence), et puis une masse de pays qui vont selon leurs possibilités du moment.
Ce qu'il faut en retenir : les principes du droit international organisant la paix (comme celui de « l’intangibilité des frontières » et « l'auto-détermination des peuples ») sont piétinés, dans une confusion où chaque ensemble fourbit ses armes.

Et puis nous avons un événement impromptu. Qui vient accentuer ce sentiment général de vulnérabilité : l'agression de Poutine en Ukraine.
Avec un résultat clair : un réarmement général.
Le renforcement de l'Union européenne.
Le renforcement de l'OTAN.
Qui trouvent, avec cette agression, une forme de légitimité.
Et même un renforcement des États-Unis, qui apparaissent in fine pour les peuples des pays riches comme LE bouclier pour les protéger. Et défendre, éventuellement, une démocratie très imparfaite dont les lanceurs d'alerte comme Assange et Snowden, les libertariens comme Elon Musk ou la figure de Trump nous dévoilent l'état réel.
Soit une rétractation autour de la figure du Chef.
A l'évidence, cette gouvernance (au sens de dispositif dirigeant transnational et non-élu directement) en aplomb des États-nations, cette concentration autour de la Puissance, handicape pour un temps la marge de manœuvre des peuples. Elle mériterait une analyse plus circonstanciée, impossible à développer dans le temps imparti pour cet exposé.

Venons-en à la France.
C'est aussi autour de la figure des Chefs que se sont déroulées les élections présidentielles et législatives. Chef de la République, chef de partis, chefs de campagne, etc. Avec un personnage auquel tout le monde s'intéresse et qui disparaît aussitôt après les campagnes électorales : l'abstentionniste.
Mais autant il est difficile pour les peuples d'avoir une maîtrise de la « gouvernance » européenne, otanienne, etc. autant il n'est pas certain que dans le champ national, le peuple, précisément, se laisse abuser par le manque d'exemplarité.
Comment, par exemple, incarner l'Opposition au menteur Macron en prétendant instaurer la démocratie (un parlement à la proportionnelle pour le Rassemblement national ou une VIe république pour La France insoumise) alors qu'on ne la pratique pas normalement dans son propre parti ? C'est la dialectique du fond et de la forme. Élémentaire.
Ou comment faire advenir une VIe république sans la faire précéder d'un mouvement social massif qui la porte ?
Nouvelle observation : Le RN a fait une belle carrière sur la question nationale et du jour au lendemain a cessé de réclamer la rupture avec l'euro et avec l'UE pour se rallier à l'idée de changer l'Europe de l'intérieur. Soit la même stratégie d'évitement que le texte sur lequel les formations de la NUPES se sont mises d'accord.
Les autres (gauche et droite de « gouvernement ») ont trahi, disent-ils, eux ne trahiront pas… Mais qui peut tout à fait les croire ?
A partir de là, de nouvelles interrogations sur leur fiabilité se posent.
Absence de fonctionnement démocratique interne, stratégie vacillante pour stopper le délitement du pays…
Voilà pourquoi, qu'elle soit « cravatée » comme le RN ou dans la « stratégie de tension » comme LFI, l'Opposition parlementaire est condamnée à la manœuvre pour conquérir le pouvoir ou l'occuper. A partir, par ailleurs, du même socle électoral restreint que le Calife Macron.
(Rappel : en nombre d'inscrits au 1er tour de la Présidentielle, Macron c'est 20 %, Le Pen 14,7 %, Mélenchon 14,2 %. Aux Législatives, c'est pire. En Seine-St-Denis où la NUPES a fait un carton en faisant élire 12 députés, le taux d'abstention est de… 61 %.)
Donc, pas de politique, mais de la manœuvre. Une grande Tartufferie.
(A ce propos, il doit être redit qu'un parti qui se contente de réclamer l'augmentation des salaires, du SMIC, etc. et ne dit pas grand-chose sur la politique de l'emploi, ce parti-là en la matière ne fait pas, à proprement parler, de la politique ; il est dans ce cas tout au plus un super-syndicaliste. A plus forte raison, lorsqu'il ne corrèle pas le chômage de masse avec la question monétaire, élément incontournable de toute politique budgétaire.)
« Le programme, tout le programme », entonnent certains ? On a dit précédemment ce qu'il en était… Les programmes n'engagent que ceux qui y croient. Mais, plus précisément encore, un programme ne vaut que par la stratégie de conquête du pouvoir qui l'accompagne, sinon il n'est qu'un catalogue de belles promesses, de bonnes intentions. Et pour tout dire : un programme sans stratégie véritable, c'est comme un couteau sans lame. Un attrape-mouche pour innocents.
En fait, le processus constituant arrive comme une réponse à tous les échecs de mobilisation antérieurs. Sa philosophie générale peut être résumé dans le texte « Le peuple français dans la panade : Plaidoyer pour un processus constituant », qui n'est pas restrictif et doit tant à d'autres réflexions venues d'ailleurs.


2/ Maintenant sur le « Comment ? »

Venons-en aux exercices pratiques.
Le processus constituant ne peut pas venir de rien. Il nécessite des gens qui en poussent l'Idée.
L'Idée et non sa réalisation concrète prématurée.
Car si jamais un groupe quelconque décidait d'aller plus vite que la musique, pour une raison ou une autre de se pousser du col en proclamant la création de comités constituants locaux sans que ceux-ci aient la chance d'être représentatifs d'un vrai mouvement de masse, cela signifierait que ce groupe prendrait à coup sûr le risque de marginaliser une nouvelle fois une bonne idée.
Que cette tentative nouvelle finisse en eau de boudin, comme d'autres avant elle.
Au stade où nous sommes, c'est par conséquent l'Esprit constituant qui doit être popularisé.
Sa réalisation concrète intervenant seulement une fois qu'il a parcouru suffisamment le champs politique « résistant » – à savoir tout ce qui, en France, faire figure de personnes engagés dans des luttes sectorielles (mouvement sociaux et professionnels, groupes GJ, associations, partis, syndicats, etc.) ; et qu'il a convaincu !
Le processus constituant se distingue du « mouvementisme » (ou du « spontanéisme ») par le fait qu'ils demandent des gens conscients de la profondeur de champ de l'action politique. Il n'est pas un coup « pour voir » ni la croyance que spontanément un mouvement va se lever et casser la baraque en répondant à toutes les embûches stratégiques parce qu'il serait au pied du mur, qu'il y serait contraint par la nécessité, comme l'envisage le plus souvent l'idéalisme des « mouvementistes » – mouvementisme issu historiquement surtout de Mai-68 qui finira par une défaite stratégique avec l'arrivée de François Mitterrand comme candidat naturel de la gauche en 1974, à rebours des attentes du « mouvement »…  Il n'est pas non plus une nouvelle mouture d'un mouvement politico-social restreint à la gauche (des résidus + des résidus, ça ne fait jamais que des résidus), comme l'envisagent actuellement certains à LFI. Il n'est pas non plus une machine de guerre contre les formations existantes, il est de nature à les aider à y voir plus clair. Il n'aura pas nécessairement la solution à tout. Il est un processus d'auto-détermination dans lequel vont s'affronter et s'expérimenter à une échelle de masse des pensées, des actions et des habitudes différentes issus de gens et de courants multiples. Il est une tentative sui generis pour que le peuple français se réarme politiquement afin d'affronter le temps présent.
Dans un premier temps, parce qu'il est vain de s'adresser indifféremment à tous dans un temps où la plupart des gens se sont recentrés sur le quant-à-soi, la famille ou la communauté, quand ils n'ont pas décidé carrément de s'adapter au libéralisme, le processus constituant doit être porté en direction des Courageux. Après quoi, par cercles concentriques, il serait loisible d'élargir son rayon d'action, jusqu'à embrasser l'ensemble de la population.
D'ores et déjà, il serait possible de créer un groupe de pression (qui irait en s'élargissant) dont l'objectif serait d'élaborer un dispositif de communication répondant à toutes sortes de taches militantes : prise de contacts avec des milieux se réclamant d'une Constituante, argumentaire anticipant les interrogations et les objections que poserait un tel processus constituant, écriture d'un « texte-martyr » pouvant faire office de premier ralliement, etc.
Puis, d'entamer une période d'échange et de conquête des esprits.
L'intelligence collective a besoin d'être fédérée.
A moins d'attendre que l'Opposition (RN et Nupes) se hissent au pouvoir, par défaut, comme Macron, dans un pays agonisant.
Un paysage politique qui préparerait la venue du Chef.
Et, toujours par la lassitude et le désengagement, la domination sans pareille de l'UE et de l'OTAN.
Bien loin… de la souveraineté du peuple.
Aux risques de nos conditions de vie et de la gestion de la Cité, préparatoires à de nouvelles dégradations de la condition humaine.

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