« Hier Daladier et Chamberlain, aujourd’hui Le Pen et Orban. Les mêmes mots, les mêmes arguments, les mêmes débats. Nous sommes à Munich, en 1938 », a lancé Valérie Hayer, tête de liste macroniste, lors de son premier grand meeting de campagne pour les élections européennes, samedi 9 mars, à Lille.
On l’aura compris, nous serions dans une situation similaire à celle de fin septembre 1938. Il y aurait, en ce début de campagne des européennes, d’un côté, le camp présidentiel résolu à tout faire pour que Poutine ne puisse gagner la guerre en Ukraine. De l’autre, le camp « munichois », de ceux qui, pour « sauver la paix », seraient prêts à lui abandonner le territoire ukrainien qu’il occupe aujourd’hui. En n’excluant plus d’envoyer des troupes au sol en Ukraine « de manière officielle, assumée et endossée », Emmanuel Macron aurait fait le choix – churchillien – de la guerre. Ses adversaires, celui du déshonneur.
L’analogie entre la situation actuelle et celle qui prévalait fin septembre 1938, pour séduisante qu’elle paraisse est, en fait, trompeuse. Deux ans après le début de la guerre à grande échelle en Ukraine, l’heure n’est plus à des accords du type « Munich ». Quel chef d’Etat ou de gouvernement occidental, faisant autorité, pourrait se permettre de donner à Poutine aujourd’hui, comme Daladier et Chamberlain à Hitler en 1938, le territoire qu’il occupe chez son voisin contre la promesse qu’il n’ira pas plus loin ?
S’il y a un parallèle qui s’impose avec la situation actuelle, ce n’est pas celle de fin septembre 1938, c’est celle de l’été 1939 : la guerre est là, elle n’est pas encore mondiale, elle le sera bientôt. Six mois après avoir promis qu’il s’arrêterait aux Sudètes, Hitler s’est emparé de Prague et du reste de la Bohême. La Wehrmacht se prépare à entrer en Pologne. Ce qu’elle fera sitôt après la signature du pacte germano-soviétique.
Nous craignons aujourd’hui que l’armée ukrainienne, fragilisée par l’échec de la contre-offensive de l’été dernier, la perte récente d’Avdiivka et les manœuvres de l’agentura russe (très présente dans l'Ofis prezidenta - l’administration présidentielle ukrainienne), à l’origine de la mise à l’écart du commandant en chef, le général Zaloujny, soit bientôt sérieusement bousculée dans la région de Donetsk (celle de Louhansk, l’autre région du Donbass, est totalement sous contrôle russe).
La guerre est là (depuis dix ans pour les Ukrainiens). Elle n’est pas encore mondiale, mais elle pourrait le devenir rapidement. Un recul significatif de l’armée ukrainienne justifierait l’envoi par les pays de l’OTAN de troupes au sol. Elles viendraient, avec leurs équipements, en appui à l’armée ukrainienne, pour contenir la poussée de l’armée russe.
Nous ne pouvons laisser la Russie gagner la guerre. Le président de la République a eu raison de dire ce que cela implique : se préparer à l’engagement de troupes au sol. Il a contre lui la coalition majoritaire des pacifistes de droite et de gauche, qui ne veulent pas mourir pour l’Ukraine. Comme celle de leurs aïeux, qui, à l’été 1939, ne voulaient pas aller « mourir pour Dantzig ».