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Billet de blog 23 mars 2021

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Risquez l'ouverture au monde, le hasard vous servira toujours mieux !

Une histoire de hasard et de rencontre en Nouvelle Calédonie. Si vous risquez l'ouverture au monde, le hasard du monde fera aussi votre bonheur par un inattendu que vous espériez ne jamais attendre. L'inconnu est toujours plus beau que ce que vous pourriez imaginer, il vous offre du bonheur au détour du hasard d'une simple rencontre aussi bizarre soit-elle.

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Illustration 1

On était un dimanche en plein après-midi, il faisait très chaud et j'avais soif et envie de pisser (les deux vont souvent avec l'âge). Je déambulais dans les rues presque vides de Nouméa à respirer le plaisir d'être simplement là, quand, tout à coup, je vis et à mon plus grand étonnement, un bar ouvert. C'est assez rare à signaler dans le centre un dimanche et à cette heure! Ce n'est pas forcement le lieu le plus touristique car la plage est assez loin. Moi, je n'aime pas la foule à part quand, même si cela paraît antinomique, je cherche vraiment à m'isoler pour penser ou travailler.

De l'extérieur ce troquet ne payait pas de mine mais javais soif et une prostate qui criait au-secours. Surpris, l'intérieur même encore en travaux, semblait « cosy ». Je jette un regard aux alentours et, au fond de la salle, je distingue une personne qui semblait trôner là. Le mot n'était pas trop fort, il se dégageait quelque chose d'indéfinissable de ce vieil homme noir. Désolé pour les puristes de la fausse bonne conscience, il était vieux et noir ce monsieur !

Je commande une bière et me fait indiquer, même si je l'avais déjà repéré, le chemin des toilettes histoire de nouer un lien par la voix avec le serveur ô demeurant bien sympathique. Ma prostate enfin au repos, je pouvais passer à autre chose. Le bar venait d'ouvrir...J'offre au serveur de boire un coup avec moi pour fêter cela. Mais mon regard est comme magnétisé par ce vieil homme noir sirotant sa bière comme le plus rare nectar dans le plus précieux moment. Il me regarde, me souris avec une douceur contrastant sa prestance et le trône qu'il occupait. Nous avons échangé quelques banalités et bizarrement j'avais envie de l'embrasser, de le serrer dans mes bras. Peut-être était-ce la réminiscence de mon grand-père Arménien. Une forme de grâce, de classe ne pouvait s'empêcher de s'émaner de lui, il irradiait la pièce. Une certitude de fierté jamais mal placé mais tenace et persistante....Mon grand-père était, comme mon père l'est encore, de ceux là. Malheureusement, je ne dispose pas de ce type de pouvoir, je peux donc plus facilement le distinguer chez les autres. C'est lumineux !

Il est parti, avec la démarche âgée mais toujours altière même dans son vieux costume élimé. J'ai traîné encore quelques bières et quelques alertes de ma prostate puis j'ai repris ma Royal Enfield 500 (que j'avais loué, ha quel bonheur !) pour regagner mes pénates vers le sud tranquille de la nouvelle Calédonie. Je ne pensais jamais le revoir !

2 jours plus tard, j'étais à l'aéroport intérieur pour aller visiter l’île de Maré (petit paradis dans le plus grand lagon du monde. Qui je ne vois pas me sourire dans la très petite file d'attente pour embarquer, mon cher et fier vieil homme noir. Quelle surprise ! Nous échangeons quelques mots sourire aux lèvres et nous embarquons. Voir le pilote vous faire la démonstration du gilet de sauvetage à genoux au vu des dimensions de l'appareil est un grand moment. Nous étions 7 et répartis dans la carlingue en fonction de nos poids respectifs. A vivre croyez-moi ! Heureusement que je n'ai pas peur en avion car cela ne donnait pas confiance du tout mais cela ne semblait émouvoir vraiment personne. L'arrivée a été aussi quelque chose d'épique quand j'ai vu l'aéroport et où on récupérait les bagages. Tous se connaissaient, s'embrassaient ! Un volet ouvert sur l'extérieur avec juste le chariot à porté de main dans lequel chacun se servait, faisait office de tapis à bagages. J'ai fais comme tout le monde, j'ai pris mes bagages et dis au revoir au vieil homme et je ne pensais plus jamais le revoir.

Mon hôtel-restaurant (le seul de l’île entre parenthèse) était une merveille. De petits chalets en bord de mer jouxtant un lagon qui n'attendais que moi et mon masque de plongée. Le bonheur, cher celui là mais le bonheur quand même. C'est une île où quand les locaux trouvent déjà un couple sur le kilomètre de plage sur laquelle ils arrivent, les voilà partis sur une autre au vu de la foule constatée.

De l'eau translucide, des coquillages vivants à vous surprendre et personne pour venir vous en détourner. L'hôtel proposait une visite de l’île en minibus...Je me suis inscrit.

Nous étions donc une foule de 5 le lendemain à attendre devant l'hôtel. Un couple de suisse Allemand, deux Néo-zélandais en voyage de noces et votre serviteur. Quand nous avons vu le véhicule arriver et son chauffeur, il n'y a pas que moi qui était perplexe : Bob marley conduisant un tacot bariolé ! Il remplaçait le pied levé, le salarié de l'hôtel malade...Et quel bonheur ce fut. Comme il n'y avait que moi qui parlait Français et lui pas anglais, me voilà devenu le traducteur officiel de cet hétéroclite convoi. Si vous connaissiez mon anglais, cela vous ferait rire aussi. Mais bon, tant bien que mal, nous voilà parti à la découverte de ce paradis au bout du monde où j'ai vu en pleurant, sauter une baleine et son baleineau....Un cocktail coloré de rouge aussi à la main ! Au détour d'un chemin dans la végétation luxuriante, il nous dit, je passe juste chez moi pour régler un petit truc et on repart. Gonflé le mec non ? Mais là aussi, après quelque centaine de route en terre, nous arrivons...quelque part. Une sorte de cas pas finie, pas fermée au milieu d'une plantation de vanilliers, de papayes et de marijuana haute comme dans les rêves les plus fous d'un « peace and love » au concert de Janis Joplin. Des gousses de vanille séchaient sur une table où l'air de rien maturait quelques centaines d'euro (Pas là-bas, le Franc Pacifique est la devise locale) sans plus de précaution qu'un vieux croûton de pain chez les thénardiers. A part la vanille, nous avons pu déguster une papaye fraîche et....nous voilà de retour sur le goudron.

Nous passons devant une très grand maison quelque peu défraîchie au détour d'un petit chemin. Rédemption song me demande de traduire que c'est la maison d'un des chefs de tribu les plus importants de l''île : il me gonfle sur le coup le Buffalo soldier ! Comment je vais baragouiner cela avec mon anglais des quartiers nord de Marseille (c'est là que le moule s'est cassé, et heureusement, après ma naissance sur les rues encore pavées, étroites et très pentues où s'était regroupée une des communauté arménienne). J'étais encore en train de réfléchir à mon anglais, et c'était pas une promenade n'en déplaise aux Niçois, quand j'ai vu mon vieux monsieur noir nous faire bonjour de la main. Je le connais, je le connais ai-je sûrement hurlé à Bob, arrête-toi, je vais lui dire bonjour. Mais, me dit-il, finalement aussi surpris que moi, tu connais le chef de tribu ?

Nous voilà tous au bord de la route accueillis par le chef de tribu du coin ; sa prestance naturelle et sa douceur allaient si bien à son titre, me suis-je dis. Nous fumes tous invité à boire un verre dans sa maison. Je traduisais toujours, mais malgré mes errements de prononciation et sûrement syntaxiques, je le faisais avec plaisir. Il nous parla de sa femme décédé, du regret qu'il avait de nous accueillir si simplement....Il était toujours lumineux. Quel simple moment de bonheur que le hasard m'avait encore offert ! Vous savez quoi, j'ai pris une photo et j'ai embrassé cet homme de 80 ans comme si je le connaissait depuis toujours.

Si vous êtes ouvert au monde, le hasard de la beauté du monde s'ouvrira à vous

Vous connaîtrez ainsi l'indicible bonheur qui n'est surtout pas d'être meilleur que les autres (si les autres sont nuls, vous ne serez que le nul+1) mais simplement d'être meilleur que celui que vous étiez la veille.

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