Dans l’incompréhension générale, la ville de Saint Ouen a participé à une évacuation de l’occupation sans droit ni titre d’un bâtiment privé situé au 29 rue Émile Cordon. Ce lieu était occupé depuis le 8 janvier par une cinquantaine d’occupants pour la plupart refugiés, demandeurs d’asile ou travailleurs en situation irrégulière.
Ces occupants, assistés par des associations de solidarité, ont occupé des lieux vastes (plus de 2100 mètre carrés) dans une grande discipline en aménageant quatre chambres collectives, en instaurant une jauge stricte de 55 personnes maximum pour éviter le désordre et préserver la salubrité de l’occupation, et en prenant grand soin de créer un périmètre de sécurité pour ne pas permettre accès à l’unique lieu de vulnérabilité du site. J'ai pu visiter les lieux observer les mesures de sécurité prises par les occupants (extincteurs, protection des installations éléctriques...)

Ils ont pris le soin de faire faire un état des lieux précis par un architecte et un ingénieur structure pour s’enquérir des risques d’occupation du site. Ces deux professionnels ont conclu qu’il n’y avait pas de risque sérieux et imminent.
Les services de la ville hygiène et sécurité de la ville se sont rendus sur place pour mener un diagnostic le 12 janvier avec une escorte de police. Les occupants n’ont pas permis l’accès inquiets du fait de la présence policière. Suite à ce refus, j’ai signalé au Maire Adjoint, Adel Ziane et la Directrice de cabinet du maire vendredi 14 janvier au soir qu’il était possible d’organiser avec les associations de solidarité et les représentants des occupants la visite des services hygiène et sécurité de la ville sur le site sans difficulté et sans présence policière.
Au lieu de procéder ainsi et de prendre attache avec les occupants, voire de saisir un juge des libertés et de la détention d’une autorisation de visite des services de la ville sans accord des occupants, la Mairie a sollicité du tribunal administratif de Montreuil, le lundi 17 juin, qu’il désigne un expert afin qu’il examine le bâtiment. L’expertise a été précédée d’une évacuation forcée des occupants par les forces de police nationale et municipale le 19 janvier, alors que l’ordonnance du Tribunal Administratif n’autorisait aucune évacuation des lieux ni recours à la force. La préfecture de la Seine Saint Denis confirmait le jour même qu’elle n’avait pas accordé le concours de la force publique à l’encontre des occupants du bâtiment
De nombreux témoins oculaires, les occupants ainsi que le Député Eric Cocquerel confirment que la police nationale et municipales qui ont participé à l’opération ont poussé les occupants à quitter les lieux transformant ainsi une simple expertise technique en une expulsion de fait. Ceci est un détournement manifeste de la procédure d’expertise en vue de conduire une expulsion hors du cadre légal.
Pour rappel une expulsion ne peut être avoir lieu que dans deux grands cadres juridiques :
- Après un rapport d’expertise (judiciaire ou des services de la ville), la signature d’un arrêté de péril imminent, une demande de concours de la force publique autorisée par la préfecture et menant à une évacuation forcée. C’est la procédure qu’avait suivie la ville par le passé sans aucun manquement à la procédure lors des expulsions de la rue Jules Valles et Pierre et qui ouvre droit à des relogements d’urgence pour les expulsés.
- Par une intervention du propriétaire des lieux qui doit alors faire constater l’occupation illégale par un huissier, obtenir une décision d’un juge judiciaire, gardien des libertés individuelles des occupants même dénués de titre, et enfin faire exécuter la décision de justice par le concours de la force publique si nécessaire, le préfet ayant la charge de s’assurer que l’expulsion n’entraînera pas de trouble à l’ordre publique ni ne placera les occupants dans une situation de danger pour leur intégrité physique
C’est une procédure complète et respectueuse des droits de tous, qui vise à équilibrer la protection de la propriété privée, la sauvegarde de l’hygiène et de la sécurité et le droit constitutionnel au logement.
La ville de Saint Ouen a ici commis une faute morale en préférant par excès de zèle expulser de fait 55 refugiés, demandeurs d’asiles en plein hiver plutôt que de laisser la procédure juridique normale suivre son court ce qui leurs aurait permis d’occuper ces locaux abandonnés pendant l’hiver. Elle a commis une faute administrative en ne menant pas la concertation nécessaire avec les occupants pour permettre aux services de la ville de mener leur diagnostic et en déléguant les services de la police municipale à des missions de gardiennage et de répression hors de tout cadre juridique. Elle a commis une faute en droit en se rendant ainsi complice d’une expulsion abusive. Enfin, elle a dissimulé la vérité aux audoniens sur sa politique par plusieurs communiqués mensongers.
C’est pour cette raison qu’un signalement a été déposé au défenseur des droits et que les occupants ont pris la décision d’assigner la Ville de Saint Ouen et le propriétaire devant la justice. L’audience accordée est fixée à mercredi 26 janvier. Il est fort probable que la Ville demande de décaler l’audience pour mieux préparer sa défense. Affaire à suivre…