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Billet de blog 1 février 2017

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La primaire de gauche n'a pas eu lieu

La gauche de gouvernement, la gauche du réel, la gauche sérieuse, sûre de son bon droit - et dans le mépris du vote populaire - refuse la victoire de Benoît Hamon. Au point de nous faire douter de sa réalité ?

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Non mais là j’ai un doute. Je n’ai pas la berlue pourtant ! J’ai bien vu ! Vous aussi vous avez vu ! J’ai des témoins, tout le monde l’a dit ! Vous vous souvenez vous aussi, vous l’avez peut-être suivi sur votre télévision, ou votre ordinateur, enfin bref, dimanche soir, les 58 et quelques pour cent ? Vous avez vu comme moi, c’est à Benoît Hamon qu’ils ont été attribués. Oui ou non ? On a annoncé sa victoire partout contre Manuel Valls. D’ailleurs moi je ne le cache pas, j’étais content, je trouvais que ce virage, ou ce retour, à gauche était bienvenu, en tout cas porteur d’espoir peut-être ! Après tout, que les gens de gauche soient de gauche, bon, pourquoi pas, enfin moi ça me rassure, je trouve ça bien, enfin normal, je ne sais pas comment dire.

 C'est en lisant des articles sur Internet que j'ai commencé à comprendre que quelque chose ne tournait pas rond. C’est Marisol Touraine qui m’a mis sur la voie, la sinistre voie. « Si Hamon ne change pas de ligne, il ne gagnera pas », explique-t-elle. Je me suis dit d’abord que, peut-être, elle voulait dire que Hamon devait défendre la ligne Valls pour avoir une chance à la présidentielle, mais ensuite j’ai réfléchi et j’ai vu que ce n’était pas possible qu’elle pense cela. Mais alors qu'avait-elle voulu dire ? 

Les "Réformistes" ont encore accentué ma perplexité. Je ne savais pas qu’il y avait un courant du PS qui s’appelait comme ça. Christophe Caresche, Gilles Savary, des députés, en font partie. Dans Le Monde de ce mardi, ils attaquent Benoît Hamon, et contre lui appellent à la loyauté et à la cohérence : "Les Français, nous en sommes certains, veulent tourner la page des divisions récurrentes, las du spectacle d’une famille privée de cohérence, quand l’une de ses composantes théorise l’affaiblissement de son propre camp à des fins politiques." Mais… C’est un argument de campagne, me dis-je. Un peu bas, un peu perfide, quand on le dirige vers un homme de son propre parti, mais un argument de campagne. Ils continuent, du reste, à dénoncer les « ambiguïtés » de Hamon, disent qu’avec lui on aura une gauche « radicalisée »…   Ils ne sont peut-être pas au courant que la primaire est finie, me suis-je alors dit. Mais c'est impossible, évidemment. Alors, ils sont dans le déni ; le traumatisme de la défaite a été trop grand, ils veulent continuer la partie, la rejouer, ils continuent, machinalement, à dénoncer les frondeurs, ils n’ont pas compris que maintenant c’étaient eux qui étaient mis en minorité par le vote populaire ! Cette hypothèse du déni pathologique semblait confirmée par le bilan élogieux qu’ils faisaient de la politique de François Hollande dans leur tribune. Syndrome de stress post-traumatique, donc ? Mais non : si c’était le cas, quelqu’un au journal Le Monde les aurait détrompés !  

 Mais alors que penser ? Je commençais à envisager l’hypothèse terrible que peut-être c’était moi qui déniait la réalité, qu’en fait la victoire de Hamon n’avait été qu’une illusion produite par mon cerveau malade à force d’entendre « aucun autre monde n’est possible vous savez Monsieur, il faut être sérieux maintenant et le monde est de plus en plus dangereux et complexe et il faut s’adapter et puis la sécurité sinon nous allons perdre la bataille de la compétitivité et la guerre contre le terrorisme et...  ». J’avais voulu entendre autre chose, croire en autre chose, vous comprenez ?

Tout de même, tout de même, je n’avais pas pu M’IMAGINER tout cela ! me disais-je pourtant encore, dans un dernier espoir de n’être pas fou. C’est alors que j’ai vu cet article (2) sur la réunion des soutiens de Manuel Valls à la Maison de la chimie à Paris, ce soir même. Valls qui réunit ses soutiens après la primaire ? Etrange, encore ! L’article rapportait des propos de l’ex premier ministre : « Cette gauche réformiste, laïque et républicaine, je veux la faire vivre (…). La bataille se poursuit dans notre formation politique, dans la gauche, dans toute la vie politique. » La bataille se poursuit… mais… mais alors… oui cette fois c’est sûr, en fait c’est ça, le deuxième tour n’a pas eu lieu ! Mais est-ce que cela voulait dire que j’étais devenu fou ? Mais… non… Tout à coup ce fut une illumination. Je n’étais pas fou, enfin pas exactement. Je m’explique. Hamon est un utopiste, il propose des rêves, fait tout le temps des promesses en l’air qui dénient le sérieux du réel. Comment gagnerait-il REELLEMENT une primaire ? D’ailleurs le réel ne l’intéresse pas. Mais si moi aussi j’étais devenu hamoniste, j’étais, comme lui, devenu quelqu’un qui croit à ses rêves au lieu de voir le sérieux nécessairement social-libéral de la gauche réelle. J’avais halluciné cette soirée de victoire.

Cette expérience m’a beaucoup fait réfléchir. Il n’est pas bon de vivre hors de la réalité, disait Freud. C'est vrai que l’illusion est douce, mais la désillusion cruelle. Mais bon, j'irai quand même revoter dimanche au second tour de la primaire. On peut toujours rêver. 

(1) http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2017/01/31/deputes-du-parti-socialiste-nous-revendiquons-notre-droit-de-retrait_5071919_3232.html

 (2) http://abonnes.lemonde.fr/primaire-de-la-gauche/article/2017/01/31/apres-sa-defaite-a-la-primaire-manuel-valls-veut-poursuivre-la-bataille_5072428_5008374.html

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