Pour le moment, l' utilisation et la vision du numérique incarnent les formes les plus régressives d'un conservatisme désuet, d'une sorte d'obscurantisme, de pensée magique induits de l'effroi de son incompréhension et de sa fascination, et signent l' impuissance à maîtriser les ressorts déroutants d'une idéologie exclusivement individualiste, attentatoire à la substance de l'humain que constituent la conscience, la raison , l'empathie et...le sens du tragique dont prétendent nous exproprier ces marchands de bonheur qui comptent sur l'indigence généralisée de la pensée pour assouvir leur soif de puissance et de profit: Les chercheurs qui soutiennent une telle supercherie ne méritent aucune estime: "Science sans conscience "...etc.
Seul un Etat dont l'institution scolaire aurait pris soin de prévenir contre ce dévoiement scientifique serait en mesure d'en faire saisir par les citoyens les apports décisifs constitutifs d'une révolution technologique nécessairement émancipatrice.
L'Etat tel qu'il devrait être est le contraire d'un Etat bureaucratique et idéologiquement orienté: Sa responsabilité est engagée dans tous les secteurs de l'activité humaine : non seulement il est le gardien des valeurs héritées des grands combats du passé , mais il doit veiller sur les risques que peut leur faire encourir une modernité contrefaite, asservie à des intérêts dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils visent sa dissolution puisque ils font miroiter les promesses de droits illimités,y compris à l'éternité; ils soufflent à l'oreille ce que le serpent chuchote à Eve dans la fable de Paul Valéry:" Je sais où je vais / Laisse toi conduire/ Mon dessein mauvais/ n'est pas de te nuire..."
Mais comment l'Etat , tel qu'il est, c'est à dire concentrant les pires défauts de l'entreprise, et prisonnier de tant de gages offerts aux puissances financières, pourrait-il contribuer à isoler du numérique les vertus spécifiquement révolutionnaires et les convertir en atouts particulièrement novateurs dans la poursuite d'un processus démocratique dont l'initiative et le déroulement lui incombent, alors même que leur plénitude émancipatrice annule sa nécessité: telle est en effet l'ultime réussite d'un Etat inlassablement voué à l'avènement ou l'événement démocratique (cf précédents billets du blog à ce sujet)
Walter Benjamin aurait souhaité que le corps des instruits dessine les contours d'une nouvelle école: n'existe t-il pas quelques penseurs prêts à immoler leurs intérêts présents de carrière , de fortune, à imaginer un programme scolaire continu, depuis la maternelle, sans limite d'âge ,où seraient véritablement promues, au point d'inaugurer une sorte de nature première, les valeurs constitutives de l'humain?