J’entends des voix se lever pour décrier la grande mobilisation historique de condamnation de l’assassinat barbare qui a eu lieu en France, à Charlie Hebdo. Beaucoup trouvent cela démesuré en comparaison avec d’autres actes collectifs posés, si ce n’est une inaction silencieuse face à d’autres orgies de barbarie perpétrées ailleurs dans le monde. Si je peux comprendre leur frustration ou leur ressentiment, je comprends difficilement le blâme inhérent. Déplorer que cela arrive seulement maintenant, dans ce contexte spécifique oui, mais blâmer l’emphatique sursaut de notre conscience collective, NON, car c’est cela même que nous aurions souhaité partout. Que nous nous révoltions ensemble, toujours ! Le combat à mener est que ce ne soit pas un cas isolé, mais un modèle de conduite face à la barbarie, un modèle qui ne connaitra aucune césure tant qu’il s’agira de défendre ce qui nous lie : notre humanité.
Au-delà de toutes les différences, de toutes les divergences, de toutes les croyances, il y a cette humanité qui ne peut s’exprimer que dans le caractère sacrée de notre vie. Toutes nos espérances, toutes nos libertés découlent de cette humanité qui a fait de nous des êtres singuliers parmi tous les éléments et toutes les autres créatures de la terre. On ne peut point classifier, catégoriser les atteintes qui lui sont faites, ici ou ailleurs. Le ciel s’assombrit un peu partout dans le monde sur les libertés fondamentales, justement parce que des hommes se sont départis de leur humanité, avec pour projet viscéral, d’assassiner le reste de l’humanité pensante et morale. Alors si nous laissons ces libertés mourir aussi atrocement, avec pareille ignominie sur le lieu même où elles sont pour la plupart nées alors, nous assassinons du même coup les espérances des pays qui marchent au-devant de ces libertés dont la première est le droit de vivre. On peut ne pas être en harmonie avec une idée, une pensée. Mais n’est-ce pas parce que nous pensons que nous sommes humains ? Les idées doivent se battre entre idées, les pensées entre pensées, mais ne doivent aucunement être des agents qui supprimeraient le corps qui les porte, à savoir la vie. Ainsi si charlir c'est mourir pour des idées, je charlis, car mon égérie dans tous les rapports humains est la liberté.
Il ne peut y avoir de justice sans liberté. Il ne peut y avoir de fraternité sans liberté. Il ne peut y avoir d’égalité sans liberté. Il ne peut y avoir de République accomplie sans liberté. En somme nous ne pourrons jamais vivre en paix, ensemble sans liberté.
Nous devons nous insurger à chaque fois que des libertés sont bafouées, que des vies sont ôtées de façon pensée et planifiée et de surcroit à cause d’une pensée ou d’un dire différent. J’ose humblement espérer que l’union « sacrée » nationale et internationale née de ce drame aura une continuation dans nos actes à venir, partout où cela s’avérera nécessaire. Nous devons réinventer une nouvelle dialectique qui nous lie les uns les autres dans la même marche destinale. Si ce rassemblement du peuple français est historique, j’espère que ce ralliement international n’est pas spécieux car chez bon nombre de ceux qui sont venus de loin, bien des libertés sont piétinées. Cette hypocrisie serait innommable !
Aujourd’hui je suis donc résolument humain à tomber toutes les frontières, à faire voler en éclats tous les clichés. Je suis humain en France, en Côte d’Ivoire, au Burkina, au Nigeria, au Maroc, en Algérie, en Palestine, en Israël, aux USA, en Colombie, au Cameroun, aux Mexique, au Canada, en Chine, en Iran, en Hongrie, au Pakistan… Je suis tous ceux qui sont morts et surtout tous ceux qui vivent et pensent « plus jamais ça ».
Sidi M.A SIDIBE