« L’homme se tient sur une brèche dans l’intervalle entre le passé révolu et l’avenir infigurable. Il ne peut s’y tenir que dans la mesure où il pense, brisant ainsi par sa résistance aux forces du passé infini et du futur infini, le flux du temps indifférent. Chaque génération nouvelle, chaque homme nouveau doit redécouvrir laborieusement l’activité de la pensée pour se mouvoir dans la brèche ». Hannah ARENDT
Les grands principes auxquels le monde bien-pensant s’accroche ne sont autre chose que les fruits de la pensée. Une pensée déductive de nos us et coutumes, de nos traditions et surtout de la morale, mais aussi prédictive de notre devenir en une communauté humaine.
Or aujourd’hui nous vivons une ère emplie de succédanés de presque tout ce qui régissait nos sociétés d’antan et qu’on veut lier à la modernité. Des artefacts et artifices qui nous commandent à chaque instant de penser uniquement l’immédiate nécessité au risque de nous entraîner vers une non-pensée qui n’est autre que l’ignorance ou l’obscurantisme. Ce serait une lapalissade que de dire que nous pensons moins, surtout en ce qui concerne les socles impérissables de notre universalité, dont la dépression même imperceptible est en train de nous entraîner vers un abîme profond. La seule véritable clarté dans cette obscurité est notre rapidité d’action, d’exécution, même de ce qui pourrait dès sa proclamation nous paraître absurde, telle une guerre. Alors monsieur le Président n’allons pas en guerre !
En parallèle le fanatisme n’est autre chose que le néant absolu de la pensée. Ce n’est ni embrasser une idéologie existante, ni même en développer une nouvelle, même mauvaise. Le sujet enclin n’a alors qu’une conception figée et de son monde et de son temps, capable de l’intolérable dans tout autre monde.
Les évènements qui secouent le monde nous provoquent colère et désolation. Avant-hier la Tunisie, hier le Kenya, aujourd’hui Paris… Cette orgie de barbaries perpétrées à travers le monde avec ces tueries innommables d’innocentes rêveries ne peut laisser indifférente aucune âme pensante.
Mais justement une âme pensante, bien-pensante ne peut être saisie par la haine. Cette haine même légitime, capable de provoquer une guerre. La guerre n’est jamais juste et n’est jamais nécessaire, et les armes sont toujours coupables même là où ne subsiste d’autre espoir que celui des armes. Car au final, ce sera une âme qui tombera.
Aussi, à lire sur les réseaux sociaux les réactions par rapport à cette tuerie d'innocentes âmes à Paris, nous découvrons parfois une autre facette de certaines personnes qui pourtant nous pensions être arrimées au bon sens. Et c'est terrifiant de voir des propos péremptoires aussi haineux que nimbés d'ignorance. Chacun y allant dans la classification et la catégorisation de maux du monde qu'il pense n'ayant pas eu suffisamment de considération en comparaison d'autres. Les Noirs qui fustigent les Blancs parce qu'ils n'ont pas manifesté autant de compassion et empathie quand des Noirs ont subi pareil sort. Les Blancs qui stigmatisent les Arabes et versent dans l'amalgame parce qu'ils les pensent potentiellement dangereux. Et voilà la peur qui s'installe. Et le monde qui ne pourra qu'aller plus mal. J'ai mal. Pourtant ces maux du monde sont bien les maux du monde et il n’y a que dans l’universel que nous pourrons y faire face et les combattre.
Et il le faut, nous devons continuer avec ces grands principes universels qui seuls peuvent nous unir tous en tant qu'une humanité. Il ne s’agit de protéger ni une civilisation, ni une religion, mais de sauver l’humanité.
Et cela passera par la capacité qu’on donnera à chacun de penser au risque de nous voir tous disparaître comme des ignorants infatués de leur obscurantisme.