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Billet de blog 18 octobre 2025

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La responsabilité de l'institution dans l'échec des enfants en Maths

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 https://www.youtube.com/watch?v=k2tn3_A4sWk

 Et si l'échec précoce en Maths n'est pas une fatalité personnelle, mais la conséquence directe de méthodes enseignées ? Cet article va révéler quatre pièges surprenants, en s'appuyant sur des analyses didactiques qui pointent la responsabilité non pas de l'élève, mais de l'enseignement lui-même.

Nos premières leçons construisent une "cage" mentale additive

Dès la maternelle, nos premières interactions avec les nombres se font presque exclusivement par l'addition et la soustraction. Les activités fondamentales comme le dénombrement d'objets ("un et un, cela fait deux") ou la résolution de problèmes de type "parties-tout" ("J'ai 3 billes, on m'en donne 2, combien j'en ai en tout ?") ancrent profondément dans notre esprit un réflexe : celui de tout résoudre par ajout ou retrait. C'est ce que les spécialistes appellent la "pensée additive dominante".

Ce modèle, très efficace au début, devient une "cage conceptuelle". C'est ce que les didacticiens appellent un obstacle didactique : une connaissance qui, après avoir été efficace et fonctionnelle dans un certain contexte, devient une source d'erreurs persistantes lorsque ce contexte évolue. En voulant bien faire, le système éducatif installe ce mode de pensée non pas comme un outil parmi d'autres, mais comme l'identité fondamentale du nombre. Notre cerveau est alors conditionné à voir le monde mathématique à travers ce prisme unique, ce qui nous empêche de comprendre des idées plus complexes comme la multiplication ou les fractions.

L'explication la plus courante de la multiplication est un piège conceptuel

Cette "cage additive" rend particulièrement pernicieuse l'explication la plus courante de la multiplication : "c'est une addition répétée". Par exemple, 3 x 4, c'est "4 + 4 + 4". Cette approche est à double tranchant. D'un côté, elle est intuitive et se connecte à ce que nous connaissons déjà, ce qui facilite la compréhension initiale avec les nombres entiers.

Mais de l'autre, ce modèle "s'effondre" complètement dès que l'on quitte le confort des nombres entiers. Comment imaginer "additionner 4 à lui-même 0,7 fois" pour comprendre la multiplication 0,7 x 4 ? C'est impossible. Le modèle qui était la clé du notre succès devient la source de la confusion. Cette rupture est visible particulièrement lorsque les élèves rencontrent les fractions et que leur intuition fondamentale, "multiplier, c'est agrandir", est soudainement invalidée. Cette crise épistémologique a une conséquence grave :

lorsque les élèves "doivent renoncer à leur compréhension et se contenter d'apprendre par cœur des règles et des procédures qui semblent dénuées de sens, c'est le début de la fin de leur amour pour les mathématiques !".

Certains mots utilisés en classe sont "toxiques" pour la pensée mathématique

Ce modèle défaillant de l'addition répétée est d'autant plus ancré que le langage que nous utilisons pour en parler est lui-même un piège cognitif. Les formulations les plus "toxiques" sont celles qui contiennent les mots "plus" ou "moins" dans un contexte multiplicatif, comme la question "combien de fois plus ?". Chez un élève dont la pensée est déjà dominée par l'addition, le mot "plus" active automatiquement le mauvais réflexe. L'esprit entend "plus" et pense "addition".

L'aide apportée aux élèves en difficulté peut, paradoxalement, les enfermer davantage

La révélation la plus troublante est sans doute que les stratégies mêmes conçues pour aider les élèves en difficulté peuvent les enfermer davantage dans leur erreur. L'approche de remédiation la plus courante, pour rendre les mathématiques moins abstraites, s'appuie sur la manipulation d'objets concrets comme des jetons ou des cubes.

Le paradoxe est que ces stratégies, en se basant sur le dénombrement d'unités, renforcent involontairement la pensée additive, qui est précisément la source du problème. L'élève qui a le plus de difficultés va donc passer plus de temps à manipuler des objets qui ancrent encore plus profondément en lui le modèle additif. L'aide, conçue pour combler un fossé, risque en réalité de le creuser davantage. Ainsi, l'élève ayant reçu le plus de "soutien" pourrait être celui qui affronte le plus grand obstacle cognitif plus tard, transformant l'aide en une forme d'"enfermement".

Reconstruire Plutôt que Répéter

Ces quatre leçons convergent vers la conclusion : l'échec en mathématiques est souvent moins le résultat d'une incapacité de l'élève que la conséquence d'obstacles créés par l'enseignement lui-même, engageant une responsabilité institutionnelle dans la genèse de ces difficultés.  

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