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Billet de blog 21 décembre 2025

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Mathématiques : quand l’école fabrique les inégalités

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

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L’échec massif en mathématiques n’est ni une surprise ni un accident.
C’est un phénomène social massif, parfaitement mesuré, régulièrement documenté, et politiquement digéré.

Les enquêtes internationales le répètent inlassablement : près de un quart des élèves français de 15 ans n’atteignent pas le niveau minimal en mathématiques. Pas un niveau d’excellence. Pas un niveau abstrait. Le strict minimum pour comprendre un graphique, estimer une proportion, raisonner face à une situation simple.

Mais le chiffre le plus révélateur n’est pas là.
Ce qui distingue la France, ce n’est pas seulement son score moyen inférieur à celui de nombreux pays comparables. C’est le fait que l’origine sociale y pèse plus lourd qu’ailleurs sur les performances en mathématiques. Autrement dit : l’école corrige peu, et trie beaucoup.

Les enfants des classes favorisées s’en sortent.
Ils ont les codes, l’aide familiale, les cours particuliers, la confiance scolaire.
Les autres accumulent les lacunes dès le primaire, décrochent au collège, puis sont priés de comprendre que “les maths, ce n’est pas pour tout le monde”.

Et surtout, qu’il n’y a pas de responsable. Le système transforme une inégalité structurelle en problème individuel.
Il parle de motivation là où il y a abandon.
Il invoque la bienveillance là où il y a renoncement.

Quand les résultats tombent, on explique que  les élèves sont stressés, que les comparaisons internationales sont discutables, que les contextes sociaux sont complexes. Tout cela est vrai — et pourtant totalement insuffisant. Car le rôle d’un service public n’est pas de constater les inégalités, mais de les combattre.

Or, que fait-on concrètement ?
On allège les exigences sans garantir les apprentissages.
On empile les dispositifs de soutien sans efficacité réelle.

Le résultat est prévisible : les élèves qui ont déjà des ressources s’adaptent, les autres décrochent. L’échec n’est pas caché. Il est exposé, normalisé.

Comme dans un épisode de Columbo, l’arme est exposée en vitrine en public. Personne n’ose dire qu’elle est là.

Et pendant ce temps, on continue de parler de “réconciliation avec les maths”, comme s’il s’agissait d’un problème affectif. Comme si comprendre relevait d’une thérapie. Comme si la difficulté scolaire n’était pas d’abord une question de justice sociale.

Car les mathématiques ne sont pas neutres. Elles ouvrent ou ferment l’accès aux filières, aux métiers, aux positions sociales.
Renoncer à leur maîtrise pour tous, c’est entériner une école à deux vitesses.

L’échec en mathématiques n’est pas un drame individuel. C’est une politique qui ne dit pas son nom.
Et tant que l’on refusera de regarder cette réalité en face, l’arme restera exposée en vitrine.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.