Hong Mulin (洪木林)
Cet article a été publié originellement en chinois le 16 mars 2014 par le bloggeur Hong Mulin sur son blog https://cinacn.blogspot.com/2014/03/blog-post_66.html
Après les événements sanglants de Kunming, alors que les conflits interethniques s’intensifient, les médias officiels du continent insistent sur les «trois forces» en parlant du Xinjiang, ainsi les "forces séparatistes" dans son imaginaire semblent être devenues l'ennemi public de la "nation chinoise".
Eh bien, ne parlons pas de jurisprudence internationale, prenons juste les normes officielles de la Chine continentale pour juger si le Xinjiang est éligible pour «faire partie de la Chine depuis la nuit des temps ».
"Depuis la nuit des temps" est la rhétorique habituelle des médias officiels de la Chine continentale, comme si sa prononciation la rend comme une loi naturelle. Le problème est qu'il n'a jamais été défini clairement et exactement ce qu'est «le territoire depuis la nuit des temps».
Justement, le 25 septembre 2012, le Bureau d'information du Conseil d'État a publié un livre blanc intitulé Les îles Diaoyu sont des territoires inhérents à la Chine. Plusieurs critères ont été fournis pour définir que «les îles Diaoyu sont le territoire inhérent de la Chine». Nous utilisons ces critères pour examiner le cas du Xinjiang.
Le livre blanc Les îles Diaoyu sont le territoire inhérent de la Chine « prouve » que ces îles sont un territoire chinois depuis la nuit des temps :
- La Chine est le premier pays qui a découvert, nommé et utilisé les îles Diaoyu ;
- La Chine a exercé une juridiction à long terme sur les îles Diaoyu ;
- Les cartes chinoises et étrangères placent les îles Diaoyu appartenant à la Chine ;
Malheureusement, compte tenu de la situation du Xinjiang dans les mêmes conditions, nous pouvons constater que "le Xinjiang est le territoire inhérent de la Chine" est un raisonnement très forcé :
- Le Xinjiang n'est pas un territoire découvert, nommé et utilisé en premier par la Chine (ici une série de dynasties ayant hérité de la culture Han).
Les œuvres telles que Shan Hai Jing, remplis des mythes bizarres sans faits historiques, sont les premières à enregistrer le Xinjiang sous le nom de « XI YU » (Territoire de l’Ouest) dans les livres d’histoire de la dynastie Han, tels que Han Shu et Hou Han Shu. Ce territoire a longtemps été une terre partagée et développée par de nombreux groupes ethniques et elle a également développé un haut degré de civilisation (avec la technologie du fer et de l'acier) qui n'est rien de moins que les plaines centrales.
Les preuves archéologiques d’aujourd’hui prouvent également que les premiers habitants du Xinjiang étaient des Saka qui ont ensuite été repoussés par les Turcs et se sont progressivement déplacés vers l’Asie centrale.
2. La Chine n'a pas mis en place de juridiction à long terme (similaire aux autres territoires) dans le Xinjiang.
Certains médias officiels ont publié des affirmations telles que la «dynastie des Han a établi des protectorats dans les régions occidentales» pour prouver que ces dernières ont été conquises par le gouvernement central et relèvent donc de ce dernier. C'est une exagération typiquement chinoise.
La nature de "Du Hu Fu" n’est pas la même que celle du comté dans les pays des plaines centrales. Elle n’a pas de juridiction administrative sur la région. Au mieux, elle ne peut être considérée que comme une station diplomatique avec une garnison. Selon les documents fournis par l’ouvrage officiel de la Chine populaire Histoire et situation actuelle du Xinjiang en Chine, les trois garnisons de l'empereur Wu de la dynastie des Han sont estimées à avoir environ 4 000 soldats (le plus grand nombre). Une telle force n’est évidemment pas suffisante pour régir la vaste région occidentale, elle ne peut être utilisée que par les pays de ce vaste territoire occidental à qui on fournit une assistance diplomatique, protègent les hommes d’affaires chinois dans leur territoire et sanctionnent des actes de désobéissance.
L'image suivante est un diagramme schématique des changements intervenus dans les dynasties chinoises: on peut voir qu'avant la dynastie Qing, le Xinjiang (région occidentale) n'a jamais été placé sous la juridiction du gouvernement central.
La situation dans la dynastie des Tang était légèrement spéciale : La politique de Tang à l’égard des divers royaumes des anciennes régions de l’Ouest consistait à exercer la politique douce, c’est-à-dire bien qu’en apparence, ces royaumes utilisaient le sceau des Tang, en réalité, chacun avait sa propre politique souveraine.
Les pouvoirs des anciens rois et des tribus de tous les pays étaient héréditaires et maintenaient une armée indépendante. En dehors du tribut, ils ne paient pas d'impôts à l'Empire Tang. Et ce dernier ne pouvait pas intervenir dans les affaires intérieures de ces pays. Ce n'est encore qu'une sorte de relation tributaire, juste qu’elle (la dynastie Tang) fait plus de bruits que la dynastie des Han occidentaux.
3. Les monogrammes chinois et étrangers des cartes ne marquaient pas le Xinjiang comme territoire chinois avant la dynastie Qing.
Rien qu’en prenant cette carte qu’on peut dire que l’appartenance territoriale est un concept tout à fait artificiel. Car même dans une cartographie chinoise après 1949, les îles Diaoyu sont catégorisées comme territoires japonais (l'image suivante montre la carte du monde de 1960 publiée par le continent) et des déclarations ont été faites dans des médias officiels tels que People's Daily (8 janvier 1953, "Le Quotidien du Peuple"), pour soutenir le "peuple Ryukyu", visiblement considéraient les populations dans ces îles comme des étrangers.
Agrandissement : Illustration 3
Et si vous prenez du recul, vous pouvez découvrir à partir des données cartographiques existantes que le Xinjiang (région occidentale) n'appartient pas au gouvernement central depuis longtemps :
Agrandissement : Illustration 5
Informations sur cette carte :
Une carte nouvelle et précise de la Chine. Tiré d'enquêtes réalisées par les missionnaires jésuites, sur ordre de l'empereur, le tout étant réglé par de nombreuses observations astronomiques. c.1747 LONDON
"Nouvelle carte de la Chine" 12 ans de l’Empereur Qing Qianlong
Auteur / cartographe: par Eman. Bowen.
Ceci est la première carte chinoise moderne en anglais, Selon les jésuites en 1717, C’est-à-dire que l’achèvement des premières données de recensement géographique national réalisées par Kangxi au cours des cinquante-cinq dernières années a permis de mieux enregistrer la géographie et l’hydrologie de la région des plaines centrales.
A noter en particulier : Les Territoires du Nord-ouest sont marqués comme tartares chinois et le Tibet est le royaume du Tibet. La région du Xinjiang n'est en fait pas indiquée sur la carte. Bien sûr, cela ne veut pas dire que cette image prouve que le Xinjiang n'appartient pas au gouvernement central (parce que le nord-est [pays de Mandchourie] n'est pas marqué non plus sur la carte). Cependant, selon les normes des médias officiels du continent, au moins jusqu'en 1747, cette carte ne répondait toujours pas aux exigences des "cartes chinoises et étrangères qui marqueraient le Xinjiang comme territoire de la Chine".
Une autre carte postérieure ne "marque toujours pas le Xinjiang comme territoire chinois":
Agrandissement : Illustration 6
Informations sur la carte:
"L’Empire de La Chine" c.1751, Paris
"Carte d'empire chinois" 16ème année de l’empereur Qing Qianlong
Auteur / Cartographe: Sr. Robert de Vaugondy
L'auteur de la photo, Vaugondy, est un descendant de Sanson (1600-1667). Sanson est considéré comme un maître de plusieurs géographes et cartographes français. Cette carte, extraite de l’Atlas Universel, montre les caractéristiques géographiques et hydrologiques des 18 provinces des plaines centrales et est fondamentalement cohérent avec l’image ci-dessus, et les divisions provinciales sont assez précises.
Sur cette carte, le Xinjiang est étiqueté Tatarie Chino (鞑靼中国), ce qui indique clairement qu'il ne fait pas partie de la juridiction effective du gouvernement central.
- Critères d'évaluation de Tan Qichen, le fondateur de "Depuis la nuit des temps"
A partir de trois critères que la Chine dicte pour juger "depuis la nuit des temps", qui est utilisé pour prouver que "le Xinjiang est le territoire inhérent de la Chine" est en réalité un raisonnement tiré par les cheveux. L'expression «territoire depuis la nuit des temps» découle du discours du géographe $chinois et fondateur des études en histoire-géo en Chine, Tan Qichen, lors du colloque universitaire sur l'histoire des relations ethniques chinoises en mai 1981, «La Chine dans l’histoire et les périphéries historiques de la Chine » :
« Comment traitons-nous la question de ‘la Chine dans l'histoire’ ? Nous avons pris la carte de la Chine après l’achèvement de la réunification de la dynastie Qing, avant l’invasion du pays par les impérialistes. Plus précisément, il s’agit du territoire chinois du 1750 à 1840, avant la guerre de l’opium, en tant que territoire de la Chine au cours de notre période historique. Ce qu’on appelle période historique de la Chine est basée sur cela. Qu'il s'agisse de quelques centaines ou de milliers d'années, on considère tous les groupes ethniques existants dans cette période comme des nationalités de l'histoire chinoise ; le régime établi dans ce cadre est considéré comme un régime politique dans l'histoire chinoise. La réponse simple est ainsi. Au-delà de cette fourchette, ce n'est pas une nation chinoise, ni une puissance politique chinoise. » (Tan Qiwei: Les eaux longues, Hebei Education Press, 2000, p. 4).
Ce passage est très long, mais il n’y a qu’un seul sens : Selon la carte de la dynastie Qing de 1840, ceux qui sont sur cette carte est le "territoire inhérent de la Chine". Le territoire que cette carte ne contient pas n'est pas le "territoire inhérent" de la Chine.
Finalement tout ça pour ça : le soi-disant "territoire inhérent depuis l’Antiquité" n’était que "le territoire depuis la carte de 1840 de la dynastie Qing"!
La théorie de Tan Qichen a été réfutée par les internautes. Parce que la «théorie des territoires inhérents» de Tan Qichen est toujours une théorie de «l’autocertification sélective», la réfutation la plus simple : Si le territoire de la dynastie Qing en 1840 doit être considéré comme le "territoire inhérent" de la Chine contemporaine, la République de Mongolie devrait alors faire partie intégrante de la Chine, et pourquoi la presse officielle de la Chine publie en 1950 "Reconnaître et assurer l'indépendance du statut de la République populaire de Mongolie" réclamant que "seuls les réactionnaires du Kuomintang détestent que la République populaire mongole ait un statut indépendant", et ainsi a causé de confusion chez les compatriotes les critiquant du « chauvinisme han » ? Jusqu’à quand ce visage contradictoire continue de s’éclairer ?
La conclusion est simple : en se basant sur les critères de la Chine continentale, il est très difficile de prouver que "le Xinjiang est le territoire inhérent à la Chine depuis la nuit des temps".
Les conclusions tirées sont simples mais pessimistes :
Si le gouvernement central actuel de la Chine continentale compte prouver par la jurisprudence que "le Xinjiang est le territoire inhérent de la Chine", le résultat sera très embarrassant pour elle.
Et si le gouvernement central incite secrètement l'opinion publique et légitimise le statut territorial actuel avec la loi de la jungle «ce qui est fort a raison» et « j’occupe donc j’ai le droit », cela revient à reconnaître la légitimité des contre-attaques violentes des «forces séparatistes» locales.