Cher.es camarades,
Je ne vais pas revenir sur ce qu’est l’extrême-droite, ni sur le pyromane Macron et sa dissolution, gagnons du temps.
Nous faisons face à la pire crise politique que nous ayons connue. Elle peut déboucher de plusieurs façons différentes. La cristallisation politique mène trois blocs à pouvoir concourir pour la majorité parlementaire, donc le gouvernement, les lois, les décrets… Il y a aussi la possibilité qu’il n’y ait pas de majorité absolue pour un bloc.
Le pire n’est jamais certain, mais le mur de l’extrême-droite se rapproche à très grande vitesse.
C’est notre écosystème militant qui est en jeu. Nous pouvons imaginer ce que fera un pouvoir qui promet la collaboration de classe, qui hait la grève, les actions militantes émancipatrices, l’expression démocratique, la solidarité, l’écologie, en plus de sa structure raciste, sexiste, lgbtqiphobe.
Avec un pouvoir RN, nous risquons, syndicalistes, en particulier celles et ceux de lutte et de transformation sociale, de devenir une espèce en voie de disparition. Nous pouvons être réduits très rapidement à ne lutter que pour notre survie militante, à faire face d’une façon démesurée aux discriminations, licenciements, radiations, mais aussi aux agressions de toutes sortes et à défendre l'existence même du droit de grève. Car oui, c’est la pire forme du capitalisme et de l’autoritarisme que nous aurons en face de nous.
Fort heureusement l’intersyndicale CFDT, CGT, FSU, Solidaires, Unsa a réaffirmé nos valeurs communes, posé quelques revendications essentielles et a lancé l’appel à des manifestations dans toute la France les 15 et 16 juin.
Depuis trois jours, les appels à mobilisation, à faire front commun se multiplient tout comme les réunions de syndicats, d’Union locales ou départementales. Dans les entreprises, les associations, les services publics, des réunions de collectif de travail ont lieu, des tracts sont distribués, des discussions vont bon train.
C’est évidemment nécessaire et parfois difficile : face à une parole proRN qui se libère encore plus ces derniers jours, il faut y faire face au maximum. Débunker les mensonges sociaux, défendre une ligne antiraciste claire.
Mais ce n’est pas suffisant. Nous ne comblerons pas en trois semaines ce que nous peinons à faire depuis des années.
Une partie du mouvement syndical a pris conscience depuis (très) longtemps de la nécessaire lutte contre l’extrême-droite. Ce combat n’est pas qu’une dénonciation morale ou de l’imposture sociale. C’est aussi dans nos revendications et nos luttes pour des améliorations concrètes, pour une société plus juste et plus égalitaire. Car nous le disons depuis longtemps : la destruction des services publics et la dégradation des conditions sociales sont un carburant du ressentiment capté par l’extrême-droite. Macron, son gouvernement et ses député.es ont une très lourde responsabilité, en particulier avec le passage en force sur la réforme des retraites en 2023 et avec les attaques incessantes contre la protection sociale et particulièrement les droits des privé.es d’emplois.
Les mobilisations actuelles, en particulier de la jeunesse, sont salutaires. Mais ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : nous ne sommes pas capables par nos seuls outils syndicaux, en particulier par la grève, d’empêcher l’accession de Bardella/Le Pen à Matignon. Nous risquons d’être incantatoires et de n’avoir qu’une faible prise sur le réel.
L’unité large de partis politiques de gauche sous la bannière un peu mythique du “Front Populaire” est aujourd’hui porteuse d’espoir.
Est ce qu’il faut soutenir ce front les yeux fermés ? Certainement pas. J’ai commencé à militer et notamment à manifester contre la politique éducative et sociale d’un gouvernement … de gauche plurielle. Nous avons eu l’occasion de mesurer à de nombreuses reprises les trahisons. Jusqu’à Hollande qui après avoir désigné la finance comme ennemie a massacré le code du travail et tabassé, éborgné et gazé les manifestant.es du progrès social et ouvert la route à Macron.
L’union annoncée est plus large et ressemble plus à la gauche plurielle qu’à la “gauche” de Hollande. Mais de toute façon, ce n’est pas le premier sujet. Syndicalistes, nous développons un contre-pouvoir nécessaire pour nous défendre et changer la société. Si le front populaire gagne, nous aurons de façon certaine la nécessité de nous mobiliser, d’engager des rapports de forces, pour faire avancer nos droits. Mais au moins, nous pourrons le faire. Il faut prendre la mesure de ce qu’est un pouvoir d’extrême-droite. Les expériences internationales montrent globalement les aspects mortifères pour les militant.es des luttes écologiques et sociales, des luttes d’égalités et d’émancipation.
Alors disons le clairement. Notre monde post 7 juillet ne sera pas le même si nous devons manifester pour accélérer l’abandon de la réforme des retraites ou si nous devons protéger nos militant.es, sécuriser nos locaux, faire face à une répression profonde. L’heure n’est plus aux sous-entendus ou aux litotes. Je le pèse d’autant plus que libertaire je privilégie depuis la construction des luttes et la victoire sociale sur les élections. Dans ce moment critique, il faut prendre toutes les positions qui nous permettrons de gagner.
La confédération CGT a montré la voie en adoptant une position claire, nécessaire et courageuse de soutien et d’appel à voter pour le front populaire. Plusieurs appels unitaires, avec la FSU et/ou SUD Solidaires en font de même.
Certain.es ont peur pour le respect de la fameuse et nécessaire Charte d’Amiens. Mais ce texte fondateur du syndicalisme (adopté en 1906) n’est pas une table des lois : il permet de réfléchir l’indépendance du syndicalisme et l’autonomie du mouvement social par rapport aux enjeux et agendas propres des organisations politiques. Nous pouvons facilement affirmer que dans les 3 semaines qui viennent nous partageons les mêmes enjeux et le même agenda que le front populaire : battre l’extrême-droite et mettre en place une alternative favorable aux travailleuses et aux travailleurs, qui prenne en compte l’urgence écologique et sociale, la lutte contre les discriminations systémiques.
Soutenir le front populaire dans sa phase électorale, ce n’est ni choisir un parti plutôt qu'un autre, ni se faire imposer des débats ou des positions dans nos syndicats. Nous restons des contre-pouvoirs critiques et indépendants.
Après la bataille des retraites, le mouvement syndical porte une responsabilité encore plus importante : davantage de personnes ont confiance en nous. Par ailleurs, nous sommes les seul.es à avoir un maillage militant si important sur l’ensemble du territoire, élément indispensable dans cette bataille décisive.
Le minimum que nous pouvons faire c’est appeler à voter pour le front populaire.
Pas une voix pour l’extrême-droite c’est nécessaire mais ce n’est pas suffisant. Il nous faut une dynamique forte dans les jours qui viennent. Le moment est dramatiquement historique, mettons toute notre énergie dans la bataille, soutenons le front populaire, construisons les luttes indépendantes et continuons notre action syndicale !