Est-il encore besoin de revenir sur le constat de l'affaiblissement du syndicalisme par rapport à son époque massive et structurante des Trente glorieuse ? Il a été étudié, il est connu tout comme ses causes :
- l’évolution du capitalisme et des systèmes de productions, l’explosion des concentrations salariales avec la robotisation et la multiplication de petites entités.
- les tentatives du patronat et de l’État de toujours plus individualiser les travailleuses et les travailleurs par la sous-traitance et la dissimulation du salariat (casse des statuts, auto-entreprenariat…) pour diviser et diminuer les droits.
- un contexte de quasi-disparition des polarisations liées à la guerre froide.
Il n’y a jamais eu non plus autant de structures syndicales : CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, CNT(SO), FO, FSU, SUD/Solidaires, UNSA… côté pluralisme, il y a largement de quoi trouver “chaussure à son pied”. Et pourtant il n’y a jamais aussi peu de syndiqué.es en France. Il n’y a jamais eu autant d’entreprises avec une carence d’élections au CSE (comité social et économique, dans les entreprises de plus de 11 salarié.es). Et malgré une capacité de faire l’unité qui se renforce ces dernières années, l’incapacité pour le moment d'engranger des victoires conséquentes au niveau national et interprofessionnel.
Les causes sont évidements multiples et complexes. Mais pour y faire face, nous pouvons imaginer quelque chose de nouveau, qui montrerait la maturité du mouvement syndical français et pourrait faire la différence pour le mouvement syndical : une campagne de syndicalisation unitaire.
Pourquoi ?
On peut mettre en avant trois raisons principales.
- La première est peut être évidente, mais toutes et tous ensemble nous sommes une force de frappe capable, en associant nos forces, de couvrir l'ensemble du territoire, de visiter la quasi intégralité des entreprises, des associations, des administrations.
- La seconde est également logique : plus il y a de syndiqué.es, plus il y a de sections syndicales, plus il y a de capacité pour les travailleurs et les travailleuses de faire collectif et d’agir pour faire respecter leurs droits et en gagner de nouveaux, quelques soient les modalités d’actions.
- La troisième est que l’affichage de nos points communs et de notre capacité à assumer nos différences rendrait plus lisible le syndicalisme auprès de millions de personnes et nous sortirait de l’image de syndicaliste caricaturé dans des oppositions stériles et peu compréhensibles.
La mobilisation de 2023 pour nos retraites a montré quelque chose d’important : quand on marche ensemble et qu’on respecte nos différences, y compris dans les diversités des tactiques d'action, au lieu de les railler ou de les condamner, on est nettement plus crédible, plus fort.es et plus entrainant.es.
Comment concrètement ?
On peut imaginer la mise en place d’un matériel commun (site internet, visuels, brochures, affiches, tracts, campagne dans les médias…) qui assume une campagne de syndicalisation de masse. Un espace qui affiche les valeurs, revendications et actions que nous partageons et qui forment un socle commun et un autre qui renvoie à une définition de nos identités propres, avec les principaux chiffres, les spécificités / points forts que voudrait souligner chaque syndicat, en termes revendicatifs, de fonctionnement démocratique, etc.
On peut également imaginer des tournées communes sur le terrain, des constructions spécifiques dans des secteurs professionnels ou des ensembles géographiques cohérents.
Tout est à inventer, dans le respect des un.es et des autres.
Pourquoi maintenant ?
Il faut profiter de l’exposition et du rapport de force actuels pour aller plus loin et créer une visibilité plus forte pour le syndicalisme.
Et puis on le sait, les moment électoraux dans les entreprises, associations et administrations sont les plus compliqués car ils ravivent la recherche de distinction entre les les différentes organisations syndicales pour aller chercher les voix. Si les élections CSE se font beaucoup au “fil de l’eau” il y aura dans un an, fin 2026, les élections de la fonction publique qui vont raviver des tensions de différenciation.

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La maturité collective acquise durant la période unitaire de 2023 et qui continue jusqu’à ce jour doit pouvoir se traduire concrètement. Nous pouvons nous développer sans dévaloriser les autres mais en assumant et acceptant nos différences, parfois très importantes, que ce soit sur le fonctionnement interne, l’analyse du capitalisme, de la crise écologique et des dominations spécifiques ou les modalités d’action et de lecture du rapport de force.
Mais nous avons en commun le fait de vouloir défendre et améliorer le quotidien des travailleuses et des travailleurs. Nous pouvons aussi assumer que personne n’a eu “raison” contre les autres, qu’aucune forme syndicale n’a écrasé ou fait disparaître les autres. Disons le clairement au maximum de travailleuses et travailleurs, invitons les ensemble à rejoindre l'une de nos organisations, faisons reculer le désert syndical, nous en sortirons toutes et tous renforcé.es.