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Billet de blog 2 novembre 2025

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Ce n'est pas LFI qui a tué la NUPES

La Nouvelle union populaire, écologique et sociale (NUPES), formée à l'initiative de La France insoumise à la veille des élections législatives de juin 2022, n'a pas connu d'« acte II » dans les mois qui ont suivi et s'est rompue à l'automne 2023. Rappel des faits.

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2022 : l'union autour d'un programme de rupture

Le 14 avril 2022, soit quelques jours après le premier tour des élections présidentielles qui a vu Jean-Luc Mélenchon recueillir près de 22% des suffrages exprimés (7,7 millions de voix), contre respectivement 4,63%, 2,28% et 1,75% pour Yannick Jadot, Fabien Roussel et Anne Hidalgo, La France insoumise (LFI) écrit à Europe écologie les Verts (EELV), au Parti communiste français (PCF), ainsi qu'au Nouveau parti anticapitaliste (NPA) pour leur proposer de former une coalition à l'occasion des législatives, sur la base d'« un programme commun partagé » établi à partir du programme de L'Avenir en commun. Le courrier rappelle les « accusations souvent blessantes » formulées pendant la dernière campagne par les candidats Jadot et Roussel, mais ses auteur·rice·s estiment qu'« il faut passer à autre chose ».

Le 7 mai se tient à Aubervilliers la convention de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES), après que les directions de LFI, du PS, d'EELV, du PCF et de Génération.s se sont mis d'accord sur un programme et une répartition des circonscriptions lors des élections des 12 et 19 juin. Entre LFI et le PS, l'accord a été conclu le 4 mai et ratifié par le bureau national du PS le lendemain soir. Son premier secrétaire, Olivier Faure, avait appelé le 16 avril à un « dialogue respectueux des identités et des projets de chacun ». LFI avait d'abord catégoriquement refusé la « main tendue », en raison notamment des dernières semaines de campagne d'Anne Hidalgo, puis finalement ouvert la porte à partir du 27 avril. Suite à l'entrée du PS dans l'alliance, le NPA a décidé de ne pas rejoindre la NUPES.

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Le 12 juin, la NUPES arrive en tête du 1er tour des élections législatives. Environ 80 candidat·es dissident·es font face aux candidat·es investi·es par l'alliance : « Il s’agit en grande majorité de socialistes, soutenus par leur fédération départementale et par quelques barons locaux comme Carole Delga en Occitanie. » Huit dissident·es réussissent à se qualifier pour le second tour, une dizaine d'autres provoque l'élimination de la gauche dès l'issue du premier tour. 

Le 20 juin, Jean-Luc Mélenchon propose que les 151 député·es élu·es la veille sous la bannière de la NUPES se regroupent au sein d'un groupe unique à l'Assemblée nationale, pour empêcher que le Rassemblement national (RN) apparaisse avec ses 88 député·es comme le principal groupe d'opposition à la macronie. Sa proposition est aussitôt rejetée par le PS, EELV et le PCF. Dans les jours suivants, un intergroupe de la NUPES voit le jour, comme prévu dans les accords conclus avant l'élection.

Le 6 juillet, les député·es de la NUPES déposent ensemble une motion de censure, pour répondre au refus de la première ministre Elisabeth Borne d'engager la responsabilité de son gouvernement sur sa déclaration de politique générale. 

Fin août, un·e porte-parole du PCF, d'EELV, de Génération·s, puis du PS ouvrent le meeting qui clôture les universités d'été de LFI, dans la Drôme.

A la rentrée, LFI aurait proposé à ses alliés – a minima au PS – la création d'un conseil politique et d'assemblées locales de la NUPES, selon une note de blog de Jean-Luc Mélenchon et un courrier de Manuel Bompard écrits au lendemain du moratoire voté le 17 octobre 2023 par le conseil national du PS. Le Parlement de la NUPES, créé le 30 mai 2022, se serait quant à lui réuni une première – et unique – fois « à l'automne, malgré l'opposition du PCF ».

Le 13 septembre débute « l'affaire Quatennens », qui sera notamment marquée par la mise en retrait du député lillois de ses fonctions de coordinateur de LFI et la réaction immédiate de Jean-Luc Mélenchon (18 septembre) ; par les déclarations de Céline Quatennens (23 novembre) ; par la condamnation d'Adrien Quatennens à quatre mois de prison avec sursis pour violences conjugales et sa radiation le même jour pour une durée de quatre mois du groupe LFI-NUPES (13 décembre) ; par ses entretiens à La Voix du Nord et BFMTV (14 décembre) ; par sa première prise de parole dans l'hémicycle (en tant que député non-inscrit), puis sa réintégration dans le groupe parlementaire (7 février et 13 avril 2023) ; par sa réinvestiture puis le retrait de sa candidature aux élections législatives (14 et 16 juin 2024).

Le 24 octobre, les député·es de la NUPES votent, à quelques très rares exceptions près, les deux motions de censure déposées en réponse au déclenchement par la première ministre de l'article 49-3 sur les projets de loi de finance et de financement de la Sécurité sociale. Jusqu'à la fin de l'année 2022, Elisabeth Borne aura recours à huit autres reprises à l'article 49-3 de la Constitution. Les quatre groupes de la NUPES déposeront et voteront ensemble deux autres motions de censure (les 2 et 17 décembre) ; le groupe LFI-NUPES déposera seul une motion dans les six autres cas (le 31 octobre, les 4, 25 et 28 novembre, les 11 et 13 décembre).

Le 13 décembre 2022, Marine Tondelier, qui a été élue secrétaire nationale d'EELV trois jours plus tôt, refuse toute liste commune aux élections européennes prévues en 2024 : « Quand c'est non, c'est non. Il faut arrêter de faire les forceurs en fait, on l'a dit, on l'a redit, maintenant stop », déclare-t-elle à l'attention de LFI, qui continuera jusqu'à la rentrée 2023 de proposer aux écologistes de mener la liste (par exemple à Marie Toussaint, à partir de juillet 2023).

2023 : dislocation progressive de l'alliance

Le 19 janvier 2023, les militant·es socialistes ne reconduisent Olivier Faure à la tête de leur parti qu'avec une faible avance (12 020 contre 11 507 voix) sur Nicolas Mayer-Rossignol, qui porte avec Carole Delga, Anne Hidalgo ou Stéphane Le Foll une ligne hostile à la NUPES.

Le 29 janvier, le candidat LFI-NUPES René Pilato remporte l'élection législative partielle dans la 1ère circonscription de la Charente. Contrairement à juin 2022, il n'a cette fois pas eu à faire face à une candidature dissidente. 

Le 4 février, Manuel Bompard, coordinateur de LFI, écrit aux responsables des quatre autres organisations formant la NUPES. Extrait : « Nous pensons qu'il est temps de décliner partout en France des assemblées populaires de la NUPES, à l'échelle des communes, des cantons et des circonscriptions, afin de répondre à la volonté de milliers de citoyens de s'engager en soutien de notre alliance. Nous voulons également prolonger la démarche engagée autour du parlement de la NUPES lors des élections législatives [...] et nous souhaitons qu'elle puisse se réunir le plus rapidement possible. » Seul le mouvement Génération·s donne suite : une rencontre entre les deux organisations se tient le 16 février suivant et aboutit à un relevé de décision commun (lire ici et ).

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Entame du courrier adressé le 4 février 2023 par Manuel Bompard à la direction du PS.

Le 20 mars, tou·te·s les député·es de la NUPES sans exception votent la motion de censure déposée par le groupe LIOT suite à l'adoption de la contre-réforme des retraites via l'article 49-3 de la Constitution ; elle échoue à 11 voix près. Dans les semaines précédentes, des désaccords ont cependant vu le jour au sein de l'alliance, notamment autour de la stratégie parlementaire et du vote de l'article 7

Le 2 avril, la candidate socialiste dissidente Martine Froger remporte l'élection législative partielle dans la 1ère circonscription de l'Ariège face à la députée sortante insoumise Bénédicte Taurine. Déjà candidate en 2022, soutien de Carole Delga et Nicolas Mayer-Rossignol au sein du PS, Mme Froger a bénéficié au second tour d'un « front anti-LFI ». Investie par le PS en juin 2024, elle a finalement rejoint en octobre 2025 le groupe socialiste à l'Assemblée nationale. 

Le 10 avril, Fabien Roussel est reconduit à la tête du PCF avec le soutien de plus de 80% des adhérent·es et sur la même ligne (réaffirmer l'identité communiste) qu'en 2018, alors qu'il vient de juger la NUPES « dépassée » et de tendre la main à Bernard Cazeneuve. Le député du Nord, prompt à se distinguer des Insoumis, adressera de nouvelles critiques en mai et en juillet, avant que la situation ne dégénère en septembre à la fête de l'Humanité, suite à l'annonce de sa quasi-candidature pour 2027, à de nouvelles déclarations problématiques (« la classe ouvrière, elle parle français ») et à un tweet de Daniel Schneidermann. Fin septembre, M. Bompard considère que M. Roussel a été « continuellement en première ligne [pour] détruire la NUPES » et regrette dans un courrier « sa décision de quitter [l'alliance] ».

Le 2 mai, Génération·s plaide pour un « acte II de la NUPES » et fait six propositions concrètes pour « l'amorcer ». La « réunion au sommet » qui se tient le soir même entre les représentant·es des cinq organisations accouche d'une souris. Trois jours plus tôt, Marine Tondelier a de nouveau rejeté l'idée d'une liste unique aux européennes

Le 8 juin, les député·es membres de l'intergroupe de la NUPES font « le serment d'agir sans relâche par tous les moyens institutionnels à [leur] disposition [...] pour rassembler une majorité qui mettra fin à cette réforme [des retraites] injuste et injustifiée ». Une motion de censure est déposée le lendemain, qui échouera le 12

Le 17 juin, LFI adopte le texte « Approfondir la NUPES pour la faire gagner. Extrait : « La NUPES ne doit pas être qu'un accord entre groupes parlementaires à l'Assemblée nationale, elle doit être une coalition politique puissante qui mène la bataille culturelle dans la société, participe aux mobilisations du pays et agit de concert dans les institutions. » Le texte propose notamment la mise en place d'une Agora populaire dans l'esprit du parlement de l'Union populaire, ainsi que d'assemblées à l'échelle des communes, communautés de communes, circonscriptions ou départements. Quelques jours plus tôt, M. Bompard a relayé un appel en faveur d'un « acte II de la NUPES » qui préconisait en particulier la possibilité d'adhésion directe à la coalition, proposition qu'il avait lui-même faite dans un entretien donné le mois précédent (lire ici ou ). 

Le 8 juillet, LFI, EELV et Génération·s appellent à marcher en hommage à Nahel et contre les violences policières, contrairement au PS et au PCF. Ce clivage au sein de la gauche sera de nouveau perceptible lors de la journée de mobilisation du 23 septembre, comme il l'avait été en juin 2022 et en mai 2021. En décembre 2022, le groupe socialiste ne s'est pas non plus associé aux trois autres groupes parlementaires de la NUPES pour saisir le Conseil constitutionnel sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur. 

Le 24 juillet se tient une nouvelle réunion entre dirigeant·es des cinq organisations de la NUPES, après celle du 2 mai. Selon le récit qu'en fait le lendemain Manuel Bompard sur son blog, la délégation insoumise a présenté au cours de la rencontre l'analyse et les propositions contenues dans le texte « Approfondir la NUPES pour la faire gagner ». Le coordinateur de LFI ne dit pas l'accueil que ses partenaires leur ont cette fois réservé, après avoir mentionné les « multiples refus » essuyés jusque-là. 

Fin août, plusieurs tables rondes, notamment aux Amfis, sur le Campus socialiste et aux Journées d'été des Ecologistes réunissent des personnalités diverses de la NUPES. Le 30, Manuel Bompard, Olivier Faure, Marine Tondelier et Fabien Roussel arrivent ensemble et muni·es de propositions communes à la rencontre organisée autour d'Emmanuel Macron à Saint-Denis. 

Un nouveau souffle pour la NUPES | Conférence aux AMFIS 2023 © La France insoumise

Le 6 septembre, les Jeunes de la NUPES proposent un programme commun de 166 mesures en vue des élections européennes du 9 juin 2024. En vain : après EELV en juillet et le PCF en juin, les militant·es socialistes valident à leur tour, le 5 octobre, le principe d'une liste autonome aux élections européennes.

Le 24 septembre, le PS, le PCF et EELV présentent des listes communes aux élections sénatoriales : les insoumis, qui revendiquaient une seule place éligible et de conquête sur la droite (dans le Puy-de-Dôme) ont été tenus à l'écart des discussions. Selon la sénatrice écologiste Raymonde Poncet, « une partie du PS et du PCF a mis comme condition qu’il n’y ait pas un seul LFI au Sénat ». Au final, la désunion a coûté plusieurs sièges à la gauche : « près de dix », selon les calculs de la direction insoumise, qui avait finalement fait le choix de présenter des listes autonomes. Le 30, dans un courrier adressé aux (seul·es) représentant·es du PS, d'EELV et de Génération·s, Manuel Bompard propose une rencontre « pour dépasser le désaccord sur les élections européennes »

Le 7 octobre, suite à l'attaque du Hamas et aux premières représailles d'Israël, le tweet de Jean-Luc Mélenchon et le communiqué du groupe LFI-NUPES provoquent un torrent de réactions, notamment de la part du député socialiste Jérôme Guedj, qui qualifie les insoumis d'« idiots utiles des terroristes du Hamas » et estime le lendemain que « la question [de rester allié au sein de la NUPES] se pose ». Le député de l'Essonne écrira trois jours plus tard qu'« en ne nommant pas le Hamas comme groupe terroriste, mais comme force armée qui commet des crimes de guerre, LFI légitime le Hamas et ses modes d’action ». Cinq mois plus tôt, Jérôme Guedj avait été le seul député de la NUPES à voter contre une résolution « condamnant l'institutionnalisation par l'État d'Israël d'un régime d'apartheid consécutif à sa politique coloniale » (le groupe socialiste s'était abstenu, les député·es insoumis·es, communistes et écologistes avaient voté pour).

Le 10 octobre, le groupe LFI-NUPES est le seul à ne pas applaudir au « soutien inconditionnel » à l'Etat d'Israël souhaité par la présidente de l'Assemblée nationale. Lors de conférences prononcées les 11 et 12 octobre, Jean-Luc Mélenchon explique pourquoi il se réfère au droit international pour qualifier à la fois l'attaque du 7 octobre et les frappes de l'armée israélienne. 

Le 12 octobre, Olivier Faure se prononce en faveur d'un moratoire sur le projet de l'A69 entre Castres et Toulouse. Il rejoint ainsi les positions de ses partenaires de gauche, tout en mécontentant sa camarade de parti Carole Delga

Le 15 octobre, Fabien Roussel appelle à « tourner la page de la NUPES », désormais considérée comme une « impasse » par 92% du conseil national de son parti. Le PCF vote le même jour une résolution sur Israël-Palestine, mais, comme EELV et le PS, ne s'associe pas au rassemblement du 22 octobre à République, « Halte au massacre à Gaza ! La France doit demander un cessez-le-feu immédiat ». 

Le 17 octobre, Olivier Faure propose au conseil national du PS un « moratoire » de la NUPES, qui est validé à 54% (d'autres souhaitaient une rupture plus nette avec LFI). Dès le 19 octobre, le terme « NUPES » est retiré du nom du groupe socialiste à l'Assemblée, et ses député·es cessent de participer aux travaux de l'intergroupe. Pour expliquer ce virage, le premier secrétaire invoque principalement le refus de LFI de qualifier le Hamas d'organisation terroriste, ainsi que la « conflictualisation permanente » et la « bordélisation » dont Jean-Luc Mélenchon serait responsable. Un porte-parole du parti et du groupe parlementaire évoque quant à lui le besoin de lancer « deux chantiers » : « sur le mode de fonctionnement » de l'alliance et « sur le fond [des désaccords] ». Dans un courrier écrit peu après, la direction insoumise demande à son homologue socialiste des précisions sur les contours du moratoire, via une série de 14 questions (lire ici ou ) ; le 29 octobre, Manuel Bompard n'avait pas reçu de réponse.

Le 4 novembre, la direction du PS participe à la manifestation organisée de nouveau par le Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, mais, contrairement à LFI, EELV, Génération·s et au PCF, n'en signe pas l'appel et propose un mot d'ordre distinct. Dans les semaines et mois suivants, Olivier Faure renverra régulièrement à ce dernier communiqué, à celui du 8 octobre, ainsi qu'à sa prise de parole du 10, quand il sera reproché au PS de n'avoir pas dénoncé avec suffisamment de force les frappes d'Israël sur Gaza, en raison notamment d'une série de déclarations faites par des responsables de ce parti. 

Le 12 novembre, le PS, EELV et le PCF participent à la marche contre l'antisémitisme organisée à l'appel de Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, tout en souhaitant la formation d'un « cordon républicain permettant de distinguer [...] un cortège rassemblant tous les républicains et progressistes d'une part et le RN et les forces d'extrême droite d'autre part ». LFI et Génération·s font un choix différent.

Le 19 décembre, 151 des 152 député·es élu·es sur le programme de la NUPES votent contre le projet de loi Immigration porté par le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin, et les groupes insoumis, socialiste, écologiste et communiste saisissent ensemble le Conseil constitutionnel juste avant Noël. La proposition de réunion formulée juste après le vote par Manuel Bompard aux représentant·es des autres formations de gauche restera lettre morte

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