Depuis plus d’une année maintenant fleurissent à l’encontre de la France Insoumise des accusations d’antisémitisme, qui ne prennent même plus la peine de se déguiser en métaphores.
D’où viennent ces accusations, quand, faut-il le rappeler, aucun membre de cette formation politique n’a jamais été condamné pour ce motif, pourtant très sévèrement puni en droit français ?
Le début de ce grand déferlement accusatoire remonte bien sûr au 7 octobre 2023, après le massacre criminel du Hamas en Israël.
Que s’est-il passé dans le paysage politique français ce jour-là ? C’est simple : toute la sphère politique française s’est empressée de qualifier de « terroristes » les auteurs de cette attaque. Toute ? Non. La formation insoumise a employé un autre vocable, inentendable à l’époque : le crime de guerre. Et cette qualification n’a cessé d’être décriée depuis.
Une petite précision avant de poursuivre : depuis les années 2000, le mot terrorisme est systématiquement associé au terrorisme islamique, à Al-Quaïda, Daesh, et consorts. Il est associé à la brutalité et la cruauté gratuites et au fanatisme religieux. On pense tout de suite à Charlie Hebdo, au Bataclan. Mais c’est là une vision déformée du terme : un groupuscule indépendantiste français posant une bombe dans une poubelle faisant 2 morts et 4 blessés commettra aussi un acte terroriste. Et pourtant, personne ne songera à comparer les deux.
Mais revenons au 7 octobre. Ou plutôt à ce que cette date n’est pas. Si on écoute les médias dominants, au Proche-Orient, tout a commencé ce jour-là, par une attaque du Hamas, dans une région du monde où tous les habitants vivaient en paix et en harmonie. Comme si cette attaque du Hamas n’était le fruit d’aucun contexte, d’aucune histoire.
Commençons tout d’abord par énoncer des évidences : oui, les crimes commis par le Hamas ce jour-là étaient abominables et impardonnables, et non, ils ne doivent ni ne peuvent être justifiés et validés. La France Insoumise condamne ces actes, et demande la libération de TOUS les otages depuis le premier jour. Mais là où le qualificatif « crime de GUERRE » n’oublie pas le contexte, à savoir un Etat d’Israël colonisateur, enfreignant le droit international depuis 75 ans, emprisonnant et bombardant à tour de bras tout opposant à son régime, spoliant les terres des palestiniens et reniant leurs droits depuis des décennies, le terme « terroriste » quant à lui néantise cette situation, laissant croire à un préalable pacifique, juste et acceptable, et confisquant par là-même la possibilité pour les palestiniens de dénoncer leur oppression.
Grandeur de l’éditocratie : il est devenu interdit de simplement contextualiser ces 75 ans de colonisation et d’apartheid ou de critiquer la politique du gouvernement israélien, au risque d’être discrédité comme « antisémite ».
L’antisémitisme est un mal trop grand pour pouvoir être instrumentalisé de la sorte.
La suite de cet évènement n’a fait que mettre en exergue cette différence de point de vue : comment voter un « soutien inconditionnel » à un gouvernement d’Israël foulant le droit international, et comment justifier cette inconditionnalité du soutien quand ce même gouvernement se livre à une répression au moins aussi criminelle depuis ? C’est pourtant ce qu’ont voté la plupart des députés français dans les semaines suivant ce drame…
On notera d’ailleurs les déclarations de l’ONU et de la Cour Pénale Internationale dans les mois qui ont suivi, qui concordent totalement avec celles de la France Insoumise en octobre 2023. Pourtant, à part Netanyahu, personne n’oserait traiter l’ONU d’antisémite…
Le déferlement des accusations d’antisémitisme contre la France Insoumise datent donc de ce moment. Mais cela serait réducteur de s’en tenir à ces évènements en particulier. Le problème est en réalité plus global.
Avant les accusations d’antisémitisme ouvertes, elles se cachaient (par les mêmes) sous un autre nom : « l’islamogauchisme ». Terme venu à l’origine de l’extrême-droite, il a ensuite percé rapidement dans les sphères macronistes, avant d’arriver jusqu’à la « gauche de droite ». La France Insoumise serait un repère d’islamistes, d’antisémites « couscous », ne vivant que pour défendre l’intérêt des musulmans et nourrir le communautarisme (l’antisémitisme sous-jacent étant, supposons-le, celui apparemment latent en tout musulman !)
Au-delà du flou artistique entourant la signification réelle du terme « islamo-gauchiste », qui rappellent les heures sombres (mais non moins ironiques) des accusations de « judéo-bolchevisme », au-delà du fait que sa réalité ait été remise en question par la quasi-totalité des études sur le sujet, ceux qui l’utilisent, eux, « savent » de quoi ils parlent : la France Insoumise défend les musulmans, la preuve en étant que les musulmans votent pour eux dans les quartiers populaires.
Et, oui, il y a bien quelque chose de vrai là-dedans. Quelque chose de vrai, et de totalement à l’opposé des motivations qui lui sont portées à charge.
Si on devait résumer ce qu’est la gauche (ou ce qu’elle devrait être…), le résumer à l’extrême, ce serait ceci : la gauche défend le faible contre le fort. En d’autres termes : elle se tient aux côtés des opprimés du système, face aux dominants du même système.
Dans sa forme « originelle » marxiste, la Lutte des Classes, il s’agit grossièrement des ouvriers contre les patrons. Pas en tant qu’individus bien sûr, mais en tant que classes sociales et des intérêts contradictoires qu’elles représentent. Cette lutte des classes se décline en autant de secteurs qu’il existe de groupes dominés et de groupes dominants, qu’il s’agisse des femmes contre le patriarcat, ou des personnes racisées contre le racisme.
La France Insoumise ne défend pas tant les musulmans parce que ce sont des musulmans, mais parce que le reste de la société les identifie comme tel, et les discrimine pour cette raison. C’est la même raison qui fait que la gauche est censée défendre le salarié contre son patron. Et dans un avenir utopique, où être musulman en France ne sera plus un sujet, ou un « musulman d’apparence » ne sera plus l’objet de discriminations au quotidien en raison de sa religion (supposée !), la France Insoumise, ou toute autre formation de gauche qui lui aura succédé, s’attellera à défendre les futurs opprimés du système, et à proposer un idéal dans lequel ces oppressions ne seront plus.
Si on remonte plusieurs décennies en arrière, les juifs étaient un groupe opprimé en France. Opprimé par le système lui-même. Et qui s’est élevé pour les défendre ? dans l’affaire Dreyfus ? contre les nazis et le gouvernement de Vichy pendant la seconde guerre mondiale ?
La gauche est le camp des opprimés. Elle ne défend pas un groupe communautaire parce que ce groupe s’identifie comme tel. Elle défend un groupe parce que celui-ci est stigmatisé par les dominants.
La défense des services publics, le « patrimoine de ceux qui n’ont rien », la retraite à 60 ans, pour préserver ceux qui créent la richesse des entreprises contre le capital, les impôts sur les grandes fortunes, pour mieux répartir les richesses et éviter qu’elles ne s’accumulent entre un nombre de mains toujours plus réduit, sont quelques-unes de ses armes pour atteindre cet idéal.
La France Insoumise est une force politique de gauche radicale, sans concession avec la bourgeoisie et le capitalisme. Elle est du côté des opprimés contre les dominants, pour la construction d’un monde plus juste et plus égalitaire.
L’antisémitisme n’est pas, n’a jamais été, et ne sera jamais un quelconque moteur de ses actes et de ses prises de position. Ceux qui l’attaquent par ce biais n’ont en réalité qu’un seul objectif : la perpétuation du système de domination actuel, qui leur confère aujourd’hui la totalité des pouvoirs.
Ceux qui essentialisent les juifs sont les mêmes que ceux qui essentialisent les musulmans, les femmes, ou les homosexuels. Et ce n’est pas à gauche qu’ils se trouvent. Bien au contraire. L’Histoire l’a prouvé maintes fois. Et il n’est pas fait exception aujourd’hui.