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Billet de blog 9 septembre 2011

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Les vendredis de Sokolo " L'escroc à la manque..."

C'est certain, l'escroc du jour s'est bien rendu à la médecine du travail pour une expertise afin d'être dispensé de présence au procès, laquelle lui fut favorable, mais soyons honnête, à la vue de l'entrée déglinguée et des déchets en guise d'hôtesse d'accueil, on ne pouvait s'attendre qu'à une nouvelle carambouille...

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C'est certain, l'escroc du jour s'est bien rendu à la médecine du travail pour une expertise afin d'être dispensé de présence au procès, laquelle lui fut favorable, mais soyons honnête, à la vue de l'entrée déglinguée et des déchets en guise d'hôtesse d'accueil, on ne pouvait s'attendre qu'à une nouvelle carambouille...

Pour en avoir croisé de près dans ma dernière profession, je peux l'affirmer, l'escroc exerce un métier qui mériterait une reconnaissance, et pour lequel on devrait s'acquitter d'un impôt, comme pour toute activité lucrative... Même si l'on est un grand con buveur de bière à la mémoire défaillante, collectionnant les kimonos et amateur de combats de Sumo, on pioche dans la caisse sans vergogne, mais avec brio. On arrose d'abord les courtisans et les proches afin de couper les langues et, alors seulement, on s'ouvre un compte hors de portée du fisc. Je veux dire que l'entourage reste toujours admirateur du culot, et s'il se présente un atrabilaire en quête de justice, il suffit d'offrir un café, d'une tape dans le dos, d'une blague corsée et le rabat-joie balance entre sourire et grimace.

Tous les fripons m'ayant fait face un jour sortent de la même fabrique. Séducteurs et déconneurs, à rendre petits et grands services, le crédo de la profession. Un éclat de rire anesthésie les soupçons, et les refaits se reprochent de n'avoir pas un comportement identique à la foule des suiveurs, car après tout, on a passé un bon moment. C'est un art remontant à la nuit des temps, et l'escroc sera toujours une caricature, si bien qu'un doute habite les honnêtes gens. Il est si gentil, c'est absurde... Et oui, sinon, s'il avançait avec des manières de fripouille et le costume du bagnard, son numéro ne tiendrait pas une minute.

Ce sont gens charmants et sans prétention affichée, n'hésitant pas à pousser la porte d'une charcuterie, à tremper les doigts dans les confis, s'en pourlécher, en faire la réclame aux clients, à se racler la gorge et rectifier sa cravate avant la photo, sourire crispé, soulignant à quel point l'on est mauvais comédien, malhabile à se prêter à toutes ces singeries. Pour peu, on l'adopterait volontiers, histoire de passer de bons moments au dîner, à s'esclaffer à l'écoute de ses bouffonneries.

Il distille avec habileté la plus vieille méthode du monde pour enfumer le badaud, la flatterie. Ôtez cette dernière du comportement humain, la face du monde s'en trouverait changée. Mais pas de danger, chacun restant dans l'attente d'un encouragement, d'un compliment, surtout s'il est inattendu, et je suis toujours surpris de la jubilation de la victime quand la louange s'avère grossière, grotesque même, et combien elle porte plus. Ne vous aventurez pas à démystifier le tour de passe-passe, vous vous feriez étriper par le couillon lui-même.

Les grugés sont les meilleurs garants de l'honnêteté des escrocs, comme les détenteurs de faux tableaux sont des défenseurs acharnés de l'authenticité des toiles proposées en salles des ventes. Imaginez, vous investissez dans un Braque, un Modigliani, et un Picasso, et un insolent dévoile à la presse qu'il en a peints dans son garage une tripotée, refourguée aux commissaires priseurs... Les surdoués du pinceau sont légion, mais chut, ne faisons pas chuter le marché. Sinon, aussitôt, vous vous tourmentez, et si votre femme a hérité des plus grands noms de la peinture, vous êtes amené à ne plus vous maîtriser, surtout à l'étranger dans une chambre dont vous ne reconnaissez pas le papier peint au réveil, ce qui, vous l'avouerez, ne casse pas trois pattes à un canard. À une canarde encore moins.

Pas de quoi condamner un gros lard oublieux de ses sous-vêtements, en érection matinale à la sonnerie du réveil, suite à une trouvaille la veille à Central Park, un soutien-gorge accroché à la végétation.... Alors, comment voulez-vous débusquer un escroc dans ces conditions ? Ça vieillit plus vite qu'à son tour, et question mémoire, ça vacille immanquablement, autre règle d'or du métier, afficher une cervelle de moineau.

Son comportement public est celui du bateleur, un poil grande gueule, au rire sonore, capable après avoir entraîné au comptoir la nuée de journalistes sur ses talons, de fouiller ses poches de vestes, celles de pantalon, contrarié d'un coup de devoir l'avouer, sa femme ne lui dispense que de la mitraille, langage argotique désignant les pièces jaunes. Lesquelles pièces proviennent d'autres poches, souvent usagées, comme toute monnaie depuis l'antiquité, n'y voyez pas malice.

Pour me rapprocher des billets postés ici habituellement, je vais vous conter vite fait, car à force d'ergoter j'ai déjà noirci bien des lignes, l'histoire d'un escroc raté, celui qui ne fera jamais fortune pas plus que la une de la presse, j'ai désigné sokolo, un minable, n'ayant rien compris au fonctionnement de ce monde, un râleur de première, aigri, toujours à vitupérer, et les gens avertis vous conseilleront de punaiser sa photo plutôt que d'accepter ce curieux zèbre dans votre salon, à casser la vaisselle à l'écoute des informations.

Chez ma sœur, m'étirant sur le balcon, je pensais à la rentrée, ces kilomètres me séparant du village où je réside, à parcourir sans plaisir, suite à une distraction permanente. En effet, chaque voyage entraîne une anxiété. Ne baissant pas sans cesse le regard sur le cadran du compteur, je suis immanquablement flashé, la voiture roulant parfois un soupçon au-dessus de la vitesse autorisée, ou n'ayant pas remarqué le panneau indiquant 110 au lieu des 130 jusqu'alors. Acte répréhensible, d'un km/h en trop au trajet précédent, 90 euros, un point en moins, normal pour un bandit, un chauffard, un contrevenant qui mériterait un stage de rééducation. J'ai honte.

Je tremblote donc au volant et décide parfois de quitter l'autoroute pour les nationales et, chaque heure, citoyen modèle, je me gare dans un village, m'attable au bistro, à récupérer la confiance en moi.

C'est ainsi que j'ai rencontré Nanard, qui, insouciant de mon timing, a engagé la conversation, appuyé au guéridon, décidé à conter sa vie. Depuis quelques temps, j'engage des figurants pour mes billets et, à ma grande surprise, ils en sont fort satisfaits, stimulés à l'idée d'apparaître chez madame Médiapart, que décidément peu connaissent... Nanard rayonne sous l'objectif et je dois user d'un stratagème pour ne pas vous livrer l'image d'un guignol. La chose faite, il me supplie de citer son nom et lieu de naissance, des fois qu'un voisin... Mais, mauvais journaliste, sans carnet de notes, devant mon écran j'hésite à lui attribuer une ville fantaisiste, mon penchant canaille. Qui saura où vit le jour ce fameux Nanard, rencontré alors que j'abordais trois demoiselles pérorant sous les platanes et qui, s'imaginant que j'allais régler la note, se firent fort accortes, pour mon plus grand ravissement. Passons, la vie intime ne transpire jamais dans mes billets et, de toutes les façons, il était temps de reprendre la route jusqu'à la prochaine aire de repos, une priorité.

La vie est pleine de surprises et alors que je mordais dans un sandwich, un casse-croûte si vous préférez, avec la tentation de flexions, de torsions en vue de soulager des reins endoloris, je vois quoi, dans l'herbe? Mais baisse-toi donc, sokolo, ramasse ce truc et file dans ta ouature, claque la portière, enfonce-toi dans le siège pour tripoter cet objet trouvé. Un couple hollandais en caravane s'est installé à l'écart sur des aménagements en béton, table et bancs, concentré sur son repas, les enfants de même. Je suis seul, ou presque, avec ce bidule qui d'un coup s'allume et clignote.

Non de dieu, ça bouge, ça couine, ça vibre! Un téléphone portable avec deux petits enfants noirs en image d'accueil. Tiens donc, c'est la maman qu'appelle... Je patiente, dans l'attente qu'il se calme, puis, méfiant, appuie du bout de l'index sur les touches, des espaces ridicules pour mes gros doigts et déjà je sais, je n'en aurais pas l'usage. Parce que de suite, la question se pose, je garde ou pas ?... Le français est voyou, suffit d'être à l'abri des regards pour que l'auréole se dissipe, poussée par les cornes. Je ne fais pas exception, me demande s'il est possible d'en tirer une anecdote pour le blog, suis tenté de fouiller dans les messages, mais impossible d'en trouver le fonctionnement. Dépourvu de portable depuis trop longtemps, je suis déconnecté du monde, un plouc dans un village, sans même de commerce à l'horizon. Sept kilomètres pour une baguette de pain ! On est sauvage ou pas.

Le casse-croûte englouti œil sur l'écran enfin calmé, je mets le contact, reprends ma route, dubitatif. J'ai vite des cas de conscience, dont je ne sais que faire. Un reste de catéchisme, mon côté évangéliste, comme dit quelqu'un. Et toujours ce dilemme, sauter le pas... ou pas. Après tout, j'ai souvent regretté ce manque dans ma vie, avoir raté l'expérience de la prison, ce serait bête de mourir idiot. Aussi, ça trotte dans la cervelle, et, sous l'emprise de Lucifer, plissant les paupières, je lorgne l'engin.

Près de Saumur, une envie de gâteau au chocolat commence à me titiller et je sais qu'elle aura raison de moi avant longtemps. Un phénomène nouveau, enfin, un nouveau poussiéreux, auquel je ne puis résister. Ça fourmille dans l'estomac, monte au cerveau où un palet au chocolat prend forme, se met à luire comme une soucoupe volante, un palet gros comme une meule, et alors apparait immanquablement la devanture. Une pâtisserie... Le moment où résonne une voix caverneuse, dans mon dos. Sokolo, c'est pas bien du tout, t'es sur une mauvaise pente. Deux fois en une semaine. Et pour couronner le sermon, tu vas grossir...

Moi, grossir ! Une ablette, mais il m'emmerde celui-là ! Franchement, c'est le meilleur moyen de me braquer. Aussitôt, je fais l'inverse, rien que pour l'emm... Justement, je dépasse le panneau indiquant Saumur quand le bidule sur le siège à côté se met à couiner, à progresser sur le velours telle une limace. Machinalement, j'attrape le téléphone. Allo, allo... Ça grésille, une voix lointaine entame un dialogue. On parlemente. Ouais, ouais, j'ai bien l'objet, oui, oui, sur la route, mais près de Saumur. Pas la porte à côté, je sais. Dans l'instant, redevenu l'enfant sage lauréat du prix de la bonne humeur à la maternelle, je me fais conciliant. Accepte de m'enfiler sur l'autoroute à la poursuite du lascar. Je gagnerai du temps, en ai ma claque de me traîner, et la suite n'a rien de folichon, question géographie.

C'est en vérifiant les attaches d'un véhicule sur une remorque que le téléphone en a profité pour prendre la clé des champs et rendez-vous est pris sur une aire d'autoroute, côté poids lourds. La voix sort d'un puits, avec des coupures, des larsens et des bips intempestifs. Ils sont deux, parlent chacun leur tour. C'est pour ça, en dépit de mes airs, je ne suis que voyou d'opérette, malandrin en peau de lapin, plus mol que dur, intraitable pour des riens, pliable à souhait sur l'essentiel. Suffit de connaître le mode d'emploi. Remarquez, tous n'y parviennent pas. Et si l'on triture trop longtemps le trou de serrure avec une mauvaise clé, c'est l'échec assuré, la réconciliation caramélisée. Ad vitam aeternam. Les grands mots sont lâchés. Parait que sokolo n'est pas facile. Ouais, ouais...

À l'entrée de l'autoroute, ça vibre de nouveau. Allo, allo... Les deux acolytes s'impatientent, proposent l'aire suivante, pris comme moi dans la course folle contre le temps qui passe, et c'est comme un gymkhana qui s'improvise. L'aventure commence à m'amuser et, déjà, j'envisage une photo de groupe devant le véhicule, me demandant comment raccorder cette histoire avec le Nanard de nulle part. Un vrai casse-tête et je sais, ce sera du bricolage, un billet pour occuper le terrain, sans enthousiasmer les foules. Je ralenti sur la voie de dégagement, m'enfile côté camions et me gare en douceur le long d'une remorque attelée à une voiture. Ils sont là, radieux, je tends le téléphone et aussitôt, ça couine, ça fibre, il a reconnu son maître. Sa femme l'appelle.

 Ensuite, marché conclu, en échange, tous deux posent en bons figurants. Je repars avec une adresse mail, aussi je vous abandonne, pressé d'envoyer le lien d'un billet avec figurants, mais sans vraiment de scénario. Les temps sont difficiles, et quelle tristesse de ne jamais devenir escroc, ayant oublié de commettre mon premier larcin, de ne pas être convoqué au tribunal...

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