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Billet de blog 7 avril 2022

Sol V. Steiner

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À propos de Poutine et de l'Ukraine

Les « démocrates » aiment bien ce nom de totalitarisme. Ce mot, c'est le grand repoussoir. Et ce repoussoir les autorise à déclarer, en toute impunité, que les puissances démocratiques occidentales sont l'horizon indépassable de notre monde contemporain. Cette fiction des deux mondes est très importante. Elle opère un glissement, un remodelage pour, in fine, couvrir le réel, il y a un seul monde, celui du capitalisme mondialisé dont la Russie fait partie.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

                                                                                                 Pour Cécile.

Écrire sur ce qui se passe en Ukraine / Russie exige, de mon point de vue, de prendre du recul pour penser et comprendre la situation, autrement que dans la seule chronologie des actes et la déferlante tonitruante des déclarations.

Il y a un agresseur, la Russie qui a envahi un territoire, et il y a un agressé, l'Ukraine. C'est un fait. Il y a dans le déroulement de toute guerre, le cortège des exactions, des morts et des réfugiés.

Il y a, dans celle-ci, un contexte historique fort, des arguments, des explications qui alimentent les campagnes de propagande, de part et d'autre, pour justifier les actions.

Il me semble important d'aller y regarder de près et de prendre son temps.

D'abord, la littérature.

ODESSA.

Le 10 mars, est paru dans le journal Le Monde un texte de l'écrivain Camille de Toledo intitulé « Odessa n'appartient pas seulement à l'Ukraine, Odessa, nous y sommes nés ou nous y renaîtrons un jour ».

Dans le journal Libération, le même auteur titrait « On ne peut tuer Odessa car on ne tue pas les légendes ».

Camille de Toledo adresse à la ville d'Odessa, une prière. Seule l'âme d'Odessa arrêtera Poutine écrit il. « Il n'y a plus aucune prévision qui tienne. Je formule, allez, une prière ; que le dieu d'Odessa car il existe se réveille et aide celles et ceux qui ont été condamnés à prendre les armes , à abandonner leur vie, la joie, l'enfance et la vieillesse pour défendre les rues d'Ukraine ».

Première remarque.

Pour l'écrivain, les discours rationnels sur cette guerre sont dilapidés, taris. Il ne reste que la foi en les dieux, ceux d'Isaac, d'abord, puis ceux de l'art, les dieux européens dont la ville d'Odessa serait le temple profané et meurtri.

La méfiance dans la rationalité et la logique est dans l'air du temps. L'humanité de l'homme, du point de son intelligence à penser le monde est sérieusement remis en question.

Je pense, urgemment, le contraire. Il nous faut plus que jamais la dialectique, les idées, « l'intelligere » au sens de comprendre, discerner, pour prendre distance, s'éloigner des lieux de la doxa, des opinions et des préjugés.

Deuxième remarque.

Ceux qui se battent contre l'invasion russe, seraient « condamnés à prendre les armes et à abandonner leur vie, leur joie » écrit Camille de Toledo. En général, c'est le contraire, prendre les armes est une façon, parmi d'autres, pour les habitants d'un pays envahi de ne pas abandonner leur vie et de ne pas subir la condamnation qui leur a été faite par l'envahisseur.

Par ce mot de condamnation, les voilà désignés à subir leur sort, sommés de devenir, subjectivement, des victimes. Surtout, subjectivement.

Enfin, « l'enfance et la vieillesse pour défendre l'Ukraine » ne sont pas des mots choisis par hasard. Que peut un enfant, que peut un vieillard, face aux bombes, face aux chars, face à la guerre, veut-il nous dire.

En fait, ils peuvent beaucoup, l'histoire de la guerre ne cesse de le raconter. Mais dans ce texte , Camille de Toledo veut nous raconter autre chose. Il veut formuler l'impuissance du peuple, symbolisé par les plus faibles d'entre eux, et la pitié qui en découle.  Pour que nous puissions, là où nous sommes, sans dommage, les plaindre comme des victimes. Ou , comme lui, procéder à une prière.

Le mot est lâché. Victime.

La vocation du texte littéraire est alors de nous présenter le peuple ukrainien comme une victime. La « victimisation » des personnes est devenue, par nos temps désemparés, l'archétype de l'explication des situations conflictuelles, le parangon pour aborder une situation contradictoire dans un rapport antagonique. 

Avec la guerre en Ukraine , cette procédure prend une ampleur démultipliée ; elle devient le curseur majeur de l'opinion dominante européenne sur comment et quoi penser de la situation.

Le texte littéraire va plus loin « Nous y sommes nés et nous y renaîtrons » dit Camille de Toledo, de la ville d'Odessa. « On ne peut pas tuer Odessa, car on ne tue pas une légende ».

Soit la ville d'Odessa est une légende, elle appartient alors au récit universel des légendes. Odessa est un port, un lieu ouvert aux vents, à la mer, qui par définition n'ont ni frontières ni identité. 

Odessa est la ville de tous ceux qui l'habitent, qui l'ont habité où qui la rêvent. Qu'est ce donc que ce « nous y sommes nés et nous y renaîtrons » ? Qu'est ce que ce « nous » obstruant ?

En lisant le second article du Monde des livres écrit par William Marx, la réponse, médusante, se profile. Le titre à lui seul est un manifeste : « Kiev appartient de plein droit aux rêves de l'Europe , mais on ne voudrait pas que Kiev existât que dans nos rêves, nous voulons aussi une Kiev réelle, une Kiev dans la réalité ». J'ai du m'y reprendre à deux reprises pour confirmer ce que j'avais lu.

KIEV

L'article fait appel - comme celui pour Odessa - aux nombreux fantômes de l'histoire de Kiev.

Nous apprenons que Balzac a écrit une Lettre sur Kiev, longue de quelques dizaines de pages, où il nommait « Kiev, la Rome Grecque » « la ville éternelle du Nord » : « Kiev donc capitale de l'Ukraine est la ville sainte de la Russie, l'ancienne métropole, la Rome de Tartares et des Russes, l’aînée de Moscou, la résidence des Tsars ».

Mais le récit s'arrête avant l'arrivée à Kiev.

« La lettre s'arrête devant Kiev comme Moïse devant la Terre promise » écrit William Marx.

Les références à l'Ancien testament, à Moïse et la Terre promise , excusez du peu, alimentent une vision sacrée, éternelle d'une « continuité ukrainienne », une « essence » devenue un rêve européen dont Kiev serait le nom.

Après le sacré « de l'essence» William Marx fait appel à l'art.  

Il cite le peintre Kasimir Malevitch, le pianiste Wladimir Horowitz, le danseur Serge Lifar, tous natifs de Kiev.

Puis advient l'acmé de son texte:

« Kharkhiv, Kherson, Marioupol, Odessa, Kiev ; autant de noms qui sont les Ninives, les Babylones, les Persépolis d'aujourd'hui et de demain ». « Il y a depuis longtemps un rêve européen de Kiev ». « C'est la culture de L'Europe, c'est l’œuvre de l'Europe, c'est l'Europe elle même qui est attaquée en ce moment . »

Le  dispositif procédural est sidérant.

Ninive, Babylone, Persépolis, l'Antiquité grandiose de Mésopotamie et de Perse sont déplacées dans le giron européen. On assiste à un glissement de l'histoire du monde antique à celle de l'Europe dont Kiev et Odessa seraient le nom.  Ensuite, il y a une appropriation identitaire « européenne » de ces artistes et de ces lieux qui participent de l'universel de l'art et de l'histoire. La conséquence de cette confiscation : biffer, annuler le concept d'universel au profit d'une fiction identitaire européenne sanctifiée comme berceau de l'humanité. 

Il y a là, un objet étrange, la littérature, avec ses outils et son style, dont on pourrait penser qu'elle est, a priori, inoffensive au sens où ses écrits ne porteraient pas à conséquence. Je pense, pour ma part, le contraire. Pour saisir, discerner une crise, une guerre, un événement, il faut d'abord lire et écouter les intellectuels car ils formalisent, quelque soient les registres, les propagandes et argumentations des pouvoirs. Ici, le texte littéraire reprend à son compte la narration gouvernementale sur le conflit.  L'Ukraine c'est l'Occident, Odessa c'est l'Europe, Kiev c'est nous, c'est notre histoire, elle nous ressemble. Les conséquences sont immédiates et discriminatoires. La politique dira des réfugiés ukrainiens qu'ils sont des nôtres, ils sont apparentés. Et l'hospitalité les accueillera, tous azimuts. À bras ouverts.

Cette euphorie hospitalière pose un vrai problème, car il y a « deux poids deux  mesures » dans l'accueil des réfugiés depuis la guerre ; les ukrainiens, blonds, blancs et chrétiens, et les autres, pas blonds, pas blancs, pas chrétiens, arrivés du Congo, du Mali, du Sahara, de l'Afrique subsaharienne, débarqués des ex empires coloniaux, estampés musulmans, cette appellation coloniale, et on commence à mieux percevoir ce dont le rêve européen de Kiev est porteur.

Une visions identitaire de l'Europe. Et de l'Occident par conséquent.

Ça lézarde considérablement l'ode littéraire à l'Ukraine. 

Mais qu'est ce que ce nom d'Europe porté sur les fronts baptismaux ?

Qu'est ce ce « nous » d'appartenance revendiquée ?

« NOUS » : UNE « IDENTITE » EUROPEENNE / OCCIDENTALE

Figurer l'Europe comme une entité inédite, différente de ce qu'elle est dans le réel ; un conglomérat d’intérêts économiques libéraux créé pour intégrer rapidement l'Europe dans la mondialisation capitaliste. Comme si l'Europe, saisie par l'opportunité de la guerre en Ukraine, voulait s'inventer un destin, une transcendance identitaire.

En désignant la Russie de Poutine – qui est l'agresseur - comme l'Autre dictatorial, le Mal inconditionnel , elle se donne le « beau »rôle de la défense des droits de la « démocratie européenne » parée soudain de toutes les vertus contre l'autocratisme meurtrier.

Certes le régime de Poutine, est une oligarchie despotique issue des « restes » de l'ancien Parti Communiste Soviétique. Du Parti/État à l'oligarchie ce n'est pas très différent et ce sont les mêmes qui ont confisqué toutes les richesses productives du pays. Et l'Europe, soudain revigorée par la désignation de l'Autre, la Russie, nous somme de choisir, soit le camp du « mieux », ça veut dire le moins pire démocratique, c'est-à- dire « nous », soit le camp du « mal » totalitaire.

Les « démocrates » aiment bien ce nom de totalitarisme.

Ce mot, c'est le grand repoussoir.

Et ce repoussoir les autorise à déclarer, en toute impunité, que les puissances démocratiques occidentales sont l'horizon indépassable de notre monde contemporain. C'est l'enjeu réel de l'agencement idéologique nécessaire pour la poursuite de la guerre et de l'après-guerre.

Mais qui est derrière cette ligne que les démocraties farouchement défendent ?

Un agrégat regroupant L'Europe, l'OTAN, l'ONU, les États Unis.

Je ne retiendrai qu'un seul sigle, un seul signifiant, l'OTAN.

Celui qui parle pour tous.

Qu'est ce l'OTAN sinon le gendarme mondial qui organise, en Europe, en Asie et ailleurs, les rapport de force nécessaires à sa croissance.  Il ne faut pas oublier que l'OTAN est une organisation, politique, économique et militaire crée en 1949 pour empêcher l'extension politique de l'Union Soviétique et regroupant, comme il se disait à l'époque, les pays du « monde libre ». C'est l'OTAN qui a bombardé Belgrade, du 24 Mars au 10 Juin 1999, pendant le terrible dépeçage de la Yougoslavie.

Depuis l'implosion de l'Union Soviétique, l'OTAN a rallié la majeure partie des ex pays satellisés de l'Union Soviétique.  Avec comme conséquence, sa présence sur tout le flan Ouest de la frontière russe.

Alain Frachon, éditorialiste au journal Le Monde, a beau essayé de nous convaincre que l'intervention russe en Ukraine n'est liée à aucun de ces facteurs, on y croit à peine.

Quelques dates.

2004, six républiques ex soviétiques ayant appartenu à ce qu'on appelait le bloc de l'Est européen, et la Slovénie rejoignent l'OTAN.

2007, Poutine déclare que l'extension de l'OTAN est « une sérieuse provocation ».

2008, le sommet de Bucarest annonce que la Géorgie et l'Ukraine deviendront à terme membres de l'OTAN.

2008, intervention militaire russe en Géorgie. L'enjeu ukrainien devient majeur pour les deux parties.

2014 , la crise ukrainienne de Maïdan, - le désir d'Occident d'une partie de la population, soutenu par les États Unis et l'OTAN - a comme conséquence, d'une part, le gel de toute coopération entre la Russie et l'OTAN , d'autre part l'armement massif de l'Ukraine par l'OTAN .

Après la fission de l'Union Soviétique, l'OTAN n'a cessé d'intégrer le plus grand nombre de pays européens à son alliance politique et militaire.

Février 2022 : la France se déploie sur 2400 km de frontières à l'Est au service de l'OTAN. 

De ce point, la guerre de Poutine est logique au sens où elle découle, en partie, des nouveaux rapports de force issus de l’effondrement de l'Union Soviétique. Effondrement idéologique et politique. Le démembrement d'un des deux blocs qui constituait le monde de la Guerre Froide a provoqué un véritable chaos dans cette région du monde et a recomposé un tissu d’États identitaires et nationalistes, conservateurs et impériaux dont la Pologne et la Hongrie sont les têtes porteuses.

Il faut dire que nous ne sommes pas à l'abri de ces courants identitaires et nationalistes. La seule pensée qu'un homme comme Zemmour - qui déclare vouloir expulser deux millions de personnes de France, au prétexte qu'ils ne sont pas « comme nous »-  puisse,  sans problème, participer au cirque électoral, devrait nous rendre très humbles et très inquiets sur la situation.

L'Occident, sous la houlette de l'OTAN, voudrait donc nous faire croire que le seul impérialisme existant serait celui de la Russie, en continuum avec le tsarisme et le communisme, comme le souligne Alain Finkelkraut  qui n'en rate jamais une pour être plus réactionnaire que son ombre.

Cet Occident/OTAN découvrirait avec l'invasion de l'Ukraine, la violation des frontières, la destruction des villes, les morts, les milliers de réfugiés et de déplacés ;  le « boucher » serait Poutine, dixit la dernière déclaration de Joe Biden , président des États Unis. C'est toujours l'Autre désigné qui l'est, le boucher. On ne sait s'il faut rire ou pleurer devant tant d'indécence. Une imposture historique.

Faut il rappeler à cet Occident/OTAN impérial, leurs nombreuses interventions, en Corée, en Algérie, à Madagascar, au Vietnam, en Amérique Latine, en Irak, en Syrie, en Libye, au Mali, au Congo, en Iran, en Afghanistan et aussi prés de chez nous, en Bosnie et au Kosovo.

Il n'y a donc, pour ma part, dans cette situation de guerre, aucun point qui puisse faire prévaloir le soutien d'un camp contre un autre.

Pourtant, l'argument de choisir « un camp » contre l'autre fonctionne comme un impératif très fonctionnel. On le voit tous les jours , dispensé à hautes doses, dans les médias et dans l'opinion.

Comment cette obligation opère ?

« NOUS » : L'EXISTENCE DE DEUX MONDES .

En inventant la fiction du il y a deux mondes, celui de la démocratie occidentale dont l'Ukraine serait le chevalier blanc, et celui de l'oligarchie, de l'autocratisme impérial, dont la Russie serait le chevalier noir.

Cela paraît simpliste, mais c'est aussi simple que çà.

Cette fiction des deux mondes est très importante. Elle opère un glissement, un remodelage pour, in fine, couvrir le réel, il y a un seul monde, celui du capitalisme mondialisé dont la Russie fait partie.

La fiction des deux mondes est construite sur la logique binaire des  « camps ». Soit que tout conflit est pensé et organisé dans la logique de l'antagonisme. Il y a d'un côté le « nous ». De l'autre côté, le « eux ».

Et tout conflit sera consciemment formulé et structuré comme affrontement sous le terme de la guerre idéologique et politique. Ça sert en partie à çà, la fiction des deux mondes. À justifier les guerres coloniales et impériales.

Si il y a un seul monde, le capitalisme mondialisé, alors la logique antagonique du « nous » et « eux » n'est plus à l'ordre du jour. Elle est remplacée par la lutte entre deux visions, deux voies, deux classes, interne au capitalisme mondialisé.

La lutte pour l'émancipation, - réinventer un nouveau communisme, lui aussi mondial, mais du point du sens « des communs » au service de l'humanité comme telle. 

Ça sert surtout à çà, la fiction des deux mondes, à déporter le vrai combat « un autre monde est possible » à d'autres totems porteurs de guerre, la nation, l'identité, l’État.

Et c'est cette fiction qui triomphe aujourd'hui. Avec ses totems.

Partout dans le monde, c'est l'hymne des nationalismes et des identités. L'incantation du souverainisme. La fugue hors du système européen. La clôture des frontières. Le glas de l'universel. L'acmé du chacun chez soi, du chacun pour soi, de son potager à la nation.

Or, ce nationalisme étatique, contradictoire avec la mondialisation capitaliste, est lui même structuré par une logique expansionniste et impériale. On connaît la suite. Le dispositif est rodé et sans fin.

Sur les miettes dispersées de l'ancien monde soviétique, encadré et surveillé par l'OTAN, le nationalisme de l’État Russe et ses rêves de grandeur perdue ne pouvaient accoucher d'autre chose que d'une guerre impériale aux accents identitaires.

L'ARGUMENT DE LA DÉNAZIFICATION DE L'UKRAINE.

Quand à la présence de groupes nazis en Ukraine, argument poutinien, ce n'est pas une nouveauté. L'histoire de l'Ukraine est lourde en ce sens. Il y a des groupes nationalistes et fascistes qui ont joué un rôle important dans la crise de Maïdan en 2014, soutenu par l'OTAN.

Dans l'excellent article d'Ivan Segré, du 21/03/22, intitulé « le Trio infernal, Poutine, Otan et les néo-nazis » paru sur le site Lundi Matin, je le cite :

« L’argument officiel de l’agression militaire lancée par Poutine le 24 février dernier est la “dénazification de l’Ukraine”. Et les gouvernements qui composent l’Otan s’accordent à y reconnaître une “propagande” du Kremlin visant à justifier l’injustifiable : la répression brutale des aspirations du peuple ukrainien à bâtir un Etat indépendant. »

Le problème est que pour dénoncer la propagande du Kremlin, les démocraties occidentales se livrent à une propagande tout aussi peu reluisante : « Le néonazisme en Ukraine ? A part quelques groupuscules ultra minoritaires, rien à signaler… ». Hélas, la vérité est d’une tout autre nature : de fait, il n’y a pas un pays au monde, aujourd’hui, où les néonazis ont acquis une influence d’une telle ampleur. Des monuments y sont érigés à la gloire de Petlioura, le chef d’une armée de pogromistes qui au sortir de la première guerre mondiale a assassiné entre 60 000 et 100 000 Juifs ukrainiens. Et le nom de Stepan Bandera y est devenu une sorte de signifiant maître de la révolution nationale ukrainienne ; or, sinon Bandera lui-même, emprisonné dès juin 1941, ses fidèles ont été les supplétifs des nazis au moins jusqu’en 1943, ce qui leur donna l’occasion de mettre en pratique leur vision de la nation : ils ont été des nettoyeurs ethniques de l’Ukraine durant l’invasion nazie, massacrant, au nom de la guerre menée contre les « partisans », des Polonais, des Russes et, bien sûr, des Juifs. » La suite de l'article, très détaillé et très documenté, fait froid dans le dos. J'en recommande sa lecture.

Aucun argument sur la « dénazification » de l'Ukraine ou autre défense de la Russie ne peut justifier l'intervention armée poutinienne, sa guerre impériale pour « prendre » ou reprendre les territoires d'un pays souverain. Toute guerre impériale produit l'horreur sur les peuples qui la font et qui la subissent.

CONCLUSION

Les propagandes des deux « camps » écrivent, chacune à leur manière, un récit de guerre qui doit expliquer et justifier leurs actes. Chacune pour leur propre prérogative.

Poutine a besoin de son nationalisme, de sa nostalgie identitaire pan-russe, de sa croisade dite « anti-libérale » pour justifier ses conquêtes  impériales et son système autocrate.

Les États Unis/OTAN souhaitent l'affaiblissement économique et politique de la Russie pour mieux se concentrer sur leur ennemi principal, la Chine. La Chine, en retrait, tel le gros chat Raminagrobis, contemple l'étendue de son futur terrain de jeu. L'Europe quand à elle, n'a pas de rôle à jouer. Malgré les gesticulations de Macron, elle est plus que jamais le bras armé de l'OTAN.

Il n'y a pas à choisir entre l'impérialisme de l'OTAN et celui de la Russie. Entre la défense de l'Occident et la nostalgie identitaire de la grande Russie.

Dans cette guerre, les deux peuples, russe et ukrainien, paieront le prix maximal.

Il n'y a qu'à souhaiter que les négociations entre Ukrainiens et Russes puissent se dérouler sans l'aide de la redoutable et redoutée médiation Europe/OTAN qui ne travaillera que pour la guise de ses intérêts. Les deux belligérants seraient perdants, alors.

Le président de L'Ukraine Zelensky a enfin compris qu'un des fils d'Ariane pour sortir de la guerre consiste à cesser de vouloir, à tout prix, l'adhésion de son pays à l'OTAN. C'est un point fort, un point tangible, à tenir, pour entrevoir, peut être, le bout du tunnel.

Sol V. STEINER - le 05/04/2022 à Paris.

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