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Billet de blog 18 avril 2024

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LE SIONISME EN QUESTION. Trois tribunes sur la situation palestinienne/israélienne.

Décoloniser le narratif sioniste, débusquer ses torsions entre mythologie et réel, tel est le sujet de cette seconde tribune

Sol V. Steiner

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sol V. STEINER : DÉCOLONISER LES CONSCIENCES  (Le sionisme en question - 2)

La première tribune a traité du séisme ouvert par les événements du 7 Octobre 2023 pour l’État 
d’Israël et les Israéliens. Le 7 Octobre a produit, entre autres, une béance irréversible dans le 
dispositif idéologique du sionisme entre promesses et dénis. La promesse du nouvel État comme 
garant sécuritaire « pour les juifs du monde entier » a volé en éclat tandis que le déni structurel de 
l'existence du peuple palestinien révèle une histoire falsifiée - dont le mythe du « retour sur la terre 
sacrée » - pour mieux cacher le fait colonial.
Décoloniser le narratif sioniste, cerner ses failles, débusquer les torsions multiples entre 
mythologie et réel, tel est le sujet de cette tribune

Remarque
Le Hamas a demandé officiellement et publiquement « pardon » au peuple Palestinien pour les 
souffrances subies par la guerre meurtrière de l’État Israélien menée en réponse à l'intervention 
sanglante du 7 octobre 2023.
Le carnage du Hamas se révèle être ce qu'il est : la pire des pires des impasses politiques pour le peuple 
palestinien, Gaza étant devenu le théâtre d'une destruction jamais vue jusqu'alors. Les chiffres sont 
terrifiants : en l'espace de sept mois, plus de 33. 000 Palestiniens ont été tués. Le nombre d'enfants 
tués, on ne le sait plus. Les déportations et déplacements de populations, non plus. La famine s'installe. 
(Pour ma part, je n'arrive plus à lire les témoignages et reportages sur le terrain)
Les Africains ont un proverbe « Quand on se noie, on s'accroche aux crocodiles ». Les crocodiles sont, 
en l’occurrence, de très mauvais « amis » pour ceux qui tentent de maîtriser le courant. Dont acte.


Liminaire
« La question palestinienne » est revenue, dans les pires conditions, hanter ceux qui ne cessent de la 
nier depuis 75 ans. Son retour affirme une vérité qui s'impose comme son réel.
Aucune armée, aucun mur, aucune loi fondamentale suprémaciste, aucune mythologie messianique ne 
protégera un pays qui décide, pour judaïser une terre arabe, d'effacer jusqu'aux traces de la mémoire du 
peuple habitant.
Rendre la justice au peuple palestinien meurtri, humilié, dépouillé, déporté, déplacé, ne pourra s'opérer 
sinon dans un processus de décolonisation du sionisme.
Pour les Israéliens qui veulent vivre en paix, en égalité et en justice avec leur voisin, dans le respect des 
identités et des histoires, décoloniser leur histoire sont les mots de leur devenir.


1. Jonathan Glazer et l’esprit colonial
Dans un article du Monde du 30 janvier 2024, le réalisateur Jonathan Glazer s'exprimait à propos de son 
film la Zone d’intérêt :
« Nous avons besoin que cette catastrophe ne soit pas un moment calcifié de l'histoire, qu'elle ne 
soit pas dans une bulle d'ambre, nous avons besoin qu'elle nous guide pour le temps présent. Le 
couple Höss (couple nazi, Hoss étant le gardien du camp d'Auschwitz habite avec sa femme et ses trois enfants dans une maison contigüe au camp) nous dit quelque chose, par exemple de l'esprit de la colonisation. Il se considère comme un élément pionnier de l'implantation germanique à l'Est, du Lebensraum qui a été largement inspiré à Hitler par le concept de la “destinée manifeste américaine”. »
En effet, le film de Jonathan Glazer n'interroge pas l'extermination des Juifs d'Europe, mais ce qui rend possible le fait de cohabiter, d'habiter, dans la durée, face à l'injustice systémique légitimée. Il répond : l'esprit colonial. Ceci est une vérité que le narratif sioniste s'évertue, avec une obsession frénétique, à cacher depuis ses origines. Et Glazer de poursuivre, imperturbable, en recevant sa statuette à la cérémonie des Césars, le 25 février 2024 - l'audience est, ici, considérable :
« En ce moment même, nous nous tenons ici en tant qu'hommes qui refusent que leur judaïté et l'Holocauste soient détournés pour une occupation qui a causé tant de souffrances pour tant d'innocents. Qu'il s'agisse des victimes du 7 Octobre en Israël ou de celles des attaques 
incessantes qui se déroulent à Gaza, elles sont toutes des victimes de cette déshumanisation ».
C'est de ce point de juifs antisionistes qu'il me paraît urgent, dans les conditions de la catastrophe, d'exprimer le plus fort possible, une judaïté autonome du sionisme et fidèle à son idée d'émancipation.


Cet « esprit colonial » est en fait présent dans les textes des fondateurs du sionisme, - c'est pourquoi il 
nous paraît judicieux de les citer - puis il disparaîtra peu après la fondation de l’État d’Israël au profit 
d'un narratif centré sur « le nouveau Juif » à construire pour « Eretz Israël ».


1-1 Les textes du narratif  sioniste
Vladimir Jabotinsky, premier leader du sionisme, dans un article daté de 1924 intitulé « le Mur de fer »,
écrit :
« Tout peuple indigène résistera à des colons étrangers tant qu'il n'aura pas l'espoir de se 
débarrasser du danger de la colonisation. » Il n'y a donc pas d'accord possible entre colons et 
colonisés. Si pas d'accord possible, la seule alternative pour la colonisation sioniste était de se 
poursuivre « sous la protection d'une force indépendante de la populations locale », d'un « mur 
de fer que la population indigène ne pourrait franchir ».
Le vocabulaire est clairement celui du bestiaire colonial.


Benny Morris, historien israélien, dans une interview publiée le 8 janvier 2004 dans le journal Haaretz, 
dit ceci :
« Un État juif ne pouvait pas accéder à l'existence sans l'expulsion de 700.000 Palestiniens. Il 
fallait donc les expulser. Si le désir d'établir un État juif était légitime, il n'y avait pas d'autre choix. 
(…) Le besoin d'établir cet État à cet endroit était plus important que l'injustice faite aux 
Palestiniens en les expulsant. »
Il poursuit :
« Si la fin de l'histoire tourne au désastre pour les juifs, ce sera parce que Ben Gourion [Premier 
ministre d’Israël à l'époque] n'a pas réalisé un transfert complet en 1948. (…) Si l'existence d’Israël 
est menacée, l'expulsion sera justifiée. »
Voilà donc la pensée coloniale sioniste en elle-même.
L'idée de l'injustice faite aux Palestiniens revient comme un leitmotiv dans différents textes. Les 
sionistes savent ce qu'ils font et l'écrivent.


Moshe Dayan, chef d'état-major israélien, à l'enterrement d'un jeune israélien tué près de la frontière 
égyptienne, prononce en 1956 ce discours, certainement le plus connu, qui depuis n'a pas pris une ride. 
Il pourrait s'adresser aux Israéliens de l'après 7 octobre 2023 :
« Ne lançons pas d'accusations contre les meurtriers. Qui sommes-nous donc pour leur reprocher 
leur haine ? Depuis maintenant huit ans, ils traînent dans leurs camps de réfugiés à Gaza et sous 
leurs yeux, nous nous installons sur leurs terres dans les villages où eux et leurs ancêtres ont 
vécu. Nous sommes une génération de colons, et sans casque d'acier, sans canons nous ne 
pouvons ni planter un arbre ni construire une maison. Ne détournons pas les yeux quand nous 
voyons fermenter la haine chez les centaines de milliers d'Arabes qui nous entourent. C'est le 
destin de notre génération, le choix de notre vie – être prêts, être armés, forts et durs, autrement 
l’épée glissera de nos mains et notre existence même partira en fumée ».
Ce texte est un manifeste.
Dayan semble s'adresser à ceux qui ne veulent pas comprendre que le kibboutz, qui incarne le début du 
colonialisme de peuplement, ne peut planter une tomate dans le désert sans l'intervention d'un système 
sécuritaire global. Sans susciter la haine de ceux à qui la terre a été volée pour... planter les dites 
tomates. La réaction de certains kibboutzim, après le 7 octobre 2023, déplorant la destruction de 
l'« Eden vert » , planté à moins de … six kilomètres de Gaza, semble donner raison au texte de Dayan. Ils
ne veulent toujours pas comprendre.
Comment peut-on parler de « rêve » sioniste s'il doit chasser de la terre celui qui y habite et impose de 
se barder de murs par peur de l'autre qu'il a chassé ? L'utilisation du mot rêve ne recouvrerait-elle pas 
celle du mot cauchemar ?
Il y a dans les mots de Dayan les prémisses du cauchemar à venir, une déploration de tragédie grecque sinon que le fatum, ici, le destin, est le choix singulier d'une vie de colon. Dayan ne professe aucune référence à un texte messianique pour justifier le choix de cette vie, sous le signe du glaive et du casque d'acier. Ce texte ne laisse d'étonner par sa vérité lapidaire : les terres « vierges » à fleurir du désert 
n'existent que dans la bouche des colons. Et le prix de cette mythologie a un nom : la guerre.


Ainsi Golda Meïr, Première Ministre socialiste, est à l’origine de cette phrase célèbre qui date de 1969 :
« Qui sont les Palestiniens ? Je ne connais personne de ce nom. Ils n'existent pas. »
Tel est l’ADN du sionisme. Des origines jusqu'à nos jours.


1-2 Le Totem Balfour
La déclaration Balfour de 1917 écrit :
« Le sionisme, qu'il ait raison ou pas, qu'il soit bon ou mauvais, est enraciné dans des traditions 
anciennes, dans les nécessités présentes, dans des espoirs d'avenir, dans tout un ensemble bien 
plus important que les désirs et les frustrations des 700.000 Arabes qui vivent aujourd'hui sur 
cette vieille terre ».
Cette déclaration Balfour confère au futur État sioniste, avec le cynisme dû au rang de la puissance impériale anglaise, le blanc-seing exigé pour sa légitimité. Mais c'est aussi un magister sur les signifiants du colonialisme.
La déclaration dit que le sionisme -versus le colonialisme - n'a de comptes à rendre à personne. Il est au-delà de toute morale. Au-delà de toute justice. Il EST, il est l'Empire, avec ses mythologies, ses messianismes, son vouloir. Ce totem ontologique et politique justifierait donc l'arrogance de l'injustice faite aux 700.000 Arabes expulsés. La « question arabe » palestinienne serait reléguée dans la rubrique 
« pertes et profits » de la colonisation sioniste ainsi légitimée. Passation de pouvoir entre la puissance impériale anglaise, dominant l'époque, et l’État sioniste en devenir. Le sionisme étant de quintessence européenne, il sera un élève, fidèle, du colonialisme européen. Ce n'est pas une moindre des torsions du narratif sioniste que de sourcer sa légitimité à l'Occident impérial qui a autorisé sinon collaboré, par 
différents moyens et son silence éloquent, à la « Destruction des Juifs d'Europe » (Raul Hilberg)


1-3 Sous Israël, la Palestine
La situation ainsi nommée dans les textes évoque le titre du très beau livre (paru en 1987) d'Ilan Halévy, journaliste et homme politique juif, français et palestinien d'origine yéménite, mort en 2013, « Sous Israël, la Palestine ».
« Sous Israël, la Palestine », telle est bien la vérité cachée du narratif sioniste.
C'est la Nakba de 1948 (pour les Palestiniens) que la mythologie messianique de la « terre donnée aux juifs » veut effacer de l'histoire et de la mémoire commune. C'est la judaïsation à marche forcée de la Palestine historique pour en faire une terre juive. Le sionisme pose le « retour » de tous les Juifs du monde sur la terre dite ancestrale d’Israël comme un princeps de son narratif mais interdit tout retour à ceux des habitants, les Palestiniens, qu'il a expulsés. C'est une autre de ses torsions qui peut expliquer sa peur (hystérique) de l'antisionisme. L'idée du « retour de tous les réfugiés palestiniens sur leur terre historique » est le cauchemar des Sionistes.


1-4 Le mythe messianique du retour
Car pour les Sionistes, pas de sionisme sans Palestine. Pas de sionisme sans retour en Palestine. Avant la Palestine, il y a eu des tentatives de « foyer national juif » comme le préconisait Théodor Herzl dans les années 1880, pour mettre en sécurité les Juifs du monde contre la montée des périls antisémites, dans le Birobidjan en Russie, dans l'Ouganda en Afrique, mais cela n'intéressait pas les Sionistes.
Pour le retour en Palestine, le narratif doit justifier les termes bibliques de rédemption juive, de libération spirituelle et certifier son aspect messianique comme fond réel du projet de colonisation de peuplement. 
L'emploi du mot refuge relève quant à lui d'un élément idéologique qui fait le lien avec la « victimisation juive » historique, indispensable au récit sioniste. L'idée du retour sur les traces bibliques est plus importante que celle du refuge.
« Avec les concepts de négation de l'exil et de retour à l'histoire, l'implantation juive sioniste en 
Palestine sera présentée comme la restauration de la souveraineté juive, le retour du peuple juif 
dans un pays présenté comme le sien (et prétendument vide) et comme l'aboutissement de 
l'histoire juive, l'exaucement d'aspirations millénaires. Cette approche établit une continuité, un 
pont entre les temps bibliques et le présent. »
Amnon Raz-Krakotzkin. Exil et souveraineté. Judaïsme, sionisme et pensée binationale. 2007. Éditions la Fabrique.


1-5 Les Palestiniens n’existent pas
Pour mener à terme le projet sioniste, il s’agit de faire venir un maximum de Juifs.
Mais pour s'y installer, il a fallu centrer le narratif sur un mensonge colonial type : « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » que résume la phrase de Golda Meir : « les Palestiniens n'existent pas ».
Mais dans le réel, l'expulsion, la destruction et le nettoyage ethnique des habitants de Palestine (qui existent) devaient se faire au nom du mythe d'une terre sans peuple (qui suppose qu'ils n'existent pas). Cette énième torsion a fondé l'imaginaire israélien, a nourri au biberon les générations des premiers kibboutzniks aux colons de Cisjordanie. Elle décline aussi une loi féroce ; la double appartenance à une mythologie et à un réel qui la contredit favorise un retour violent du refoulé. Qui annonce la mort qui vient.


Si les Palestiniens n'existent pas dans la mythologie sioniste, un autre, de taille, n'existe pas : le Juif de l'exil, le Juif de la Galout contre lequel s'est construit le nouvel État israélien.

2. Israël ou la double négation


2-1 La négation de l’exil et la fabrication du « nouveau Juif »
« Le concept de négation de l'exil, indissolublement lié à celui du retour de l'histoire, met l'accent sur un mythe global qui contribue, aujourd'hui encore, à l'élaboration de la conscience israélienne. La négation de l'exil est le principe autour duquel se dessine depuis toujours, les formes de conscience, le rapport à l'histoire et la politique israélienne ».
Amnon Raz-Krakotzkin. Exil et souveraineté. Judaïsme, sionisme et pensée binationale. 2007. Éditions la Fabrique.

La négation de l'exil, c'est le mépris revendiqué du Juif de la Galout (exil en hébreu) du Juif diasporique :le Juif exilique, le Juif pâle et passif du ghetto, faible et dégénéré, orthodoxe et irrationnel. « Le rejet de la culture de l'exil était le mot d'ordre commun, la base solide sur laquelle se fondait l'esprit du yishouv ».
Ben Gourion, Premier Ministre d'Israël dès 1955, fixa les règles qui devaient à l'avenir dicter l'attitude du sioniste travailliste envers la diaspora et la culture de la Galout :
« Il faut avec un nouveau mètre faire un tri dans votre vieille besace. Tout ce qui est assez grand, assez important pour notre nouvelle route, nous l'emporterons avec nous. Tout ce qui est mesquin, pourri et qui pue l'exil, nous le jetterons, et il disparaîtra avec le mauvais héritage du 
passé mort, afin que ce passé ne projette pas son ombre sur notre âme nouvelle et ne profane pas notre rédemption ».
Le rêve et l'histoire. Amnon Rubinstein. Calmann-Lévy.1985.

Le « Juif nouveau » est jeune, fort, travailleur et productif. Pas forcément religieux. Laïc et moderne. C'est le « sabra » des temps nouveaux du sionisme. Il incarnera ce que Max Mordau, sioniste de la première heure, appelait « le judaïsme musclé ». Short et chemise kaki, la mitraillette en bandoulière pour protéger le kibboutz, chantant autour du feu de bois, c'est l'image du sabra que le film Exodus d'Otto Preminger, sorti en 1960, rendra iconique. Mordau appellera les Juifs à se « régénérer » en prônant l'éducation physique pour faire du juif sporadique un homme fort. 
Une copie… de l'école des cadres d'Uriage qui, dans le cadre de la révolution nationale pétainiste, voulait régénérer par le corps la jeunesse française corrompue par la décadence démocratique (sic).
Pour Ben Gourion, le sionisme est la consécration de l'histoire juive biblique. Le sionisme se réalisera par la création de « l'homme nouveau ». Pour l'homme nouveau, sur « sa terre » (sic), on construit des kibboutz, on plante des arbres et ...des tomates. C'est Ben Gourion qui radie de l'histoire juive, d'un trait de plume, deux mille ans d'exil, supprimant le Talmud pour le remplacer par la Bible. Le mot rédemption reste un concept religieux messianique que Ben Gourion « adapte » en messianisme national et politique.


2-2  Un    Sioniste est-il encore un Juif ?
La colonisation de la Palestine par un nombre croissant de Juifs a mis en relief une rupture radicale avec le passé juif. Dès le début, ces nouveaux Juifs n'ont plus voulu utiliser le terme « juif » ; ils se sont voulus hébraïques. Toutes les institutions ont adopté un même langage ; elles étaient hébraïques, et non pas juives. Les Juifs qui arrivaient en Israël devaient oublier leur langue, leur histoire, leurs traditions 
et apprendre l'hébreu. Les caractéristiques de l'homme nouveau, du sabra, étaient l'hébreu, le kibboutz, le travail manuel, le retour à la terre, l'amour des racines nouvellement acquises. La langue du yiddish, langue du yishouv et de la Torah, donc bannie, reviendra mais pour soutenir l'idéologie victimaire. « La judéité signifiait désormais être un Hébreu, aimer sa terre, s'éprendre de la nature, donner à 
la tradition une nouvelle signification nationale et sociale. »
Le rêve et l'histoire. Amnon Rubinstein. Calmann-Lévy. 1985.

Cette honte du Juif ancien, - le Juif millénaire, le Juif religieux, le Juif communiste, le Juif « Yd » amènera le sionisme à désigner le Juif diasporique responsable de l'extermination des Juifs d'Europe.
« Je considère le Génocide comme étant à l'intérieur d'une chaîne d’événements dont les caractéristiques étaient déjà fixées au début de l'exil. […] Le Génocide est la preuve définitive et absolue de l'échec de la diaspora ».
Abraham B. Yehoshua. Pour une normalité juive. 1981. Éditions Liana lévi.A.B

Pour A B.Yehoshua, l'exil est une « névrose », affirmation reprise par la propagande antisémite sur la « dégénération » des Juifs. Le sionisme est la seule voie pour vivre pleinement « sa vie juive », dit l'écrivain, par ailleurs, militant de feu « La Paix maintenant » avec ses amis, également écrivains, Amos Oz et David Grossman, le trio intellectuel, connu mondialement, de l'ex feu "gauche sioniste".
Il s'étonne de l'attachement toujours fort à l'exil des juifs, du peu d'enthousiasme pour émigrer en Israël, en 1981 :
« Les portes sont ouvertes, les possibilités sont vastes mais les immigrants n'arrivent pas. Les 
vagues d'immigration ont amené des êtres en détresse : des rescapés du Génocide, des réfugiés 
des pays arabes et des pays communistes, etc. ».
Pour une normalité juive. 1981 Éditions Liana Kévi


Les rescapés en détresse, arabe, juif et communiste seraient-ils de... vrais Juifs ?


2-3  Il n’y a pas de Juifs en Israël mais des Israéliens
La réponse à la question réside dans l'énoncé. L’État d’Israël n'est pas l’État de tous les Juifs mais celui 
du « nouveau Juif » pensé, construit, réalisé contre le Juif exilique et universel. Ce « nouveau Juif » est 
désormais appelé israélien, kibboutznik/colon, habitant une terre conquise par l'expulsion de ceux qui y 
vivaient et affirmant une suprématie juive étatique. En Israël, les « nouveaux Juifs » sont devenus 
israéliens, citoyens d'un État nommé Israël. Ils ne sont plus Juifs du point de l'histoire exilique. On 
comprend alors l'utilité de l'amalgame antisioniste versus antisémite. Il faut pour le sionisme garder à 
tout prix la nomination de l’État juif pour préserver le sionisme de toute attaque systémique par « la 
victimisation juive ». Toute attaque d’Israël est nommée pogrom et l'attaque du 7 Octobre devient un 
nouvel Holocauste.


2-4  Le sionisme : une double négation de l’exil juif et du Palestinien
L’État sioniste s'est construit sur une double négation réactive : la négation du Juif diasporique et la 
négation du peuple palestinien. Négation de l'exil pour le premier, mise en exil pour le second. Cette 
structure de continuité dans la double négation induit le refus du multiple et sacre le primat identitaire 
de l'Un. Ce double refus s'incarne sous la forme d'une monade articulée sur un binarisme simpliste : eux 
et nous. Eux contre nous. Nous et eux. Cet édifice ne peut que soutenir l'amplification des racismes et 
antisémitismes. Il est dangereux pour le respect des peuples et des identités. De ce point, le Juif 
diasporique ne peut pas ne pas être antisioniste. Il soutient son frère d'exil

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