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Billet de blog 21 janvier 2024

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LE SIONISME EN QUESTION. Trois tribunes sur la situation palestinienne/israélienne.

Une série de trois tribunes sur le nouveau de la situation israélo-palestinienne ouvert par le 7 Octobre 2023. La première traitera le retour de la Nakba et l'existence d'une autre voie politique. La seconde décryptera le narratif sioniste en crise. La troisième tribune identifiera une singularité juive affranchie de l'identité unitaire sioniste.

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LE SIONISME EN QUESTION (3/3)   par Sol V. Steiner

-1/3 

LE RETOUR DE LA NAKBA.  MAIS UNE AUTRE VOIE EXISTE.

                                                                                                                                                                                        à Cécile Winter

LE REEL

Un chercheur en sciences sociales écrivait dans un article récent, qu'il était fatiguant, de répéter, à chaque explosion, les mêmes fondamentaux pour ceux qui disent ne pas comprendre l'évolution de la situation en Palestine Israël.

A chaque crise, c'est le même étonnement. Le 7 Octobre, ce n'est plus de l'étonnement, c'est de la sidération. Une émission récente de France culture interrogeait philosophes et sociologues autour de la question « Pourquoi la situation au Moyen -Orient est elle un piège pour la pensée » ? Curieuse question. Pourquoi un piège et pour qui ? N'est ce pas la pensée (journalistique) qui est en retard sur la situation ? N'est ce pas la pensée occidentale qui est en retard sur la situation?

Quelle est la situation ?

Depuis le 7 Octobre 2023, le sionisme est en crise et sur le terrain, depuis 2018, une autre voix existe, une organisation One Democratic State Campaign. Ces deux points opposés, à chaque bout de l'échiquier politique Israélo-Palestinien, convergent, malgré eux, dans une situation saturée par l'accélération de la tragédie.

D'un côté, les mythes sionistes sont confrontés à la brutalité du réel qui les vident, un à un. La situation en Israël est inédite, l'histoire du pays semble avoir commencé le 7 Octobre 2023, et l'impact du choc idéologique et militaire laissé des traces profondes. Les témoignages racontent un pays traversé par l'incertitude et le syndrome du maccarthysme.

De l'autre, un long parcours de bilans et de pratiques (depuis 2012) sur le mot d'ordre « Un État démocratique pour tous » et une décision politique courageuse ont initié, en 2018, une organisation commune où Israéliens et Palestiniens, progressistes et antisionistes, travaillent à construire un avenir du commun sur la terre de Palestine recouvrée. Tout cela, même si embryonnaire, même si difficile, même si semé d'embûches, s'inscrivant dans le désir et la réalité du possible pays à venir.

La situation, en apparence complexe, ne l'est donc pas. Le séisme du 7 Octobre 2023 conjoint deux réalités : le narratif sioniste en état de crise et remis en question, et la nouvelle donne d'une organisation commune pour une Palestine démocratique. Ce paradoxe extérieur nous intéresse  parce qu'il travaille dans la bonne direction. D'une part il élargit la faille ouverte dans le discours sioniste, et d'autre part, il révèle l'importance de l'existence d'une autre voie, celle de One Democratic State Campaign.

Saisir ce paradoxe, c'est saisir la situation dans sa gravité et son urgence. La Nakba, c'est à dire la catastrophe arabe de 48, est en cours, plus que jamais. La guerre générale déclenchée par l’État d’Israël contre le peuple palestinien depuis le 7 Octobre 2023 en est la sinistre continuation.

LA NAKBA : UNE DOUBLE MALEDICTION

L'occupation de la Palestine n'a pas commencé en 1967. En rester à cette date ne permet pas de comprendre la situation et la question qui fâche, systémiquement mise de côté : le retour de tous les réfugiés palestiniens. Négocier la restitution d'une partie des territoires occupés est du ressort de l’État qui l'a déjà réalisée.

 « Bien avant 1948, le mouvement sioniste avait entrepris de s’implanter en expulsant de chez eux des palestiniens, notamment par l’achat massif de terres, mais 1948, date de la création de l’État d’Israël, est le moment de la catastrophe : l’exode massif provoqué par les actions armées des milices sionistes, les villages brûlés, les paysans palestiniens et leurs familles jetés sur les routes et immédiatement la décision israélienne de leur interdire le retour, de faire de ce moment de fuite un exil définitif. 1948 constitue le peuple palestinien comme « communauté de destin et de résistance ». Un point fort d’aujourd’hui est la formulation de la thèse – peu importe qu’elle soit « minoritaire », le point fondamental est l’apparition de sa formulation — selon laquelle la Nakba est aussi importante, aussi fondatrice pour les Israéliens que pour les Palestiniens ».  Extraits de la brochure « Palestiniens-Israéliens, un seul pays avec un seul Etat, une proposition politique en sept points » éditée en 2016.

Revenir sur la Nakba est la seule chance de sortir de la double malédiction : destruction pour les uns, forteresse coloniale hérissée de barbelés pour les autres. De (re)trouver et de cette façon inventer un pays possible, un pays pour y vivre.

Pour les Palestiniens, la situation actuelle prolonge celle ouverte par la Nakba de 1948. Le réel de la catastrophe n'a pas bougé. Il s'est même renforcé dans la guerre menée par le gouvernement israélien contre eux. C'est le bombardement continu de Gaza, - tout le monde sait qu'il est impossible d'éradiquer le Hamas, sinon de raser Gaza et de déplacer la population palestinienne. C'est ce qui se déroule sous les yeux de la « communauté internationale », affligée d'une cécité mutique obscène. Qu'est ce que la dite communauté internationale sinon les ex grandes puissances coloniales. Que peut-on attendre d'eux sinon qu'ils légifèrent sur les soutiens à donner aux guerres qui renforcent leur main mise idéologique, politique et économique.

Jeff Halper, anthropologue, cofondateur de One Democratic State Campaign et coordinateur de l'ONG Israélienne « Israeli Comittee Against House Demolitions » auteur d'un livre intitulé « War against the people » explique dans une interview : « Israel's Occupation continues because economic and political Elites around the world benefit from...him. Israël Palestine is the microcosm of the larger world. What Israël is doing to the Palestinians... reflects the kind of war that capitalism is having to fight now...That's what I mean by globalizing Palestin... »

Plus de 20.000 Palestiniens tués dont plus de 8 000 enfants, 200.000, des 2,2 millions d'habitants de Gaza, déplacés. Le bilan mortel de la Nakba de 1948 dépassé en seulement deux mois. Il y a actuellement une bataille sémantique pour nommer ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie avec les colons. Les mots, parait-il, ne pourraient plus dire... Ils nomment très bien une seconde Nakba, en cours. Après celle de 1948, celle de 2023.

DU MYTHE AU REEL

Pour la majorité des Israéliens, pour les sionistes, c'est un choc inouï. La situation sonne comme un « réveil de cauchemar ». Le 7 Octobre 2023 c'est le retour violent du refoulé, -la Nakba, que le narratif sioniste avait, délibérément, effacé, invalidé, éradiqué des mémoires et des consciences israéliennes et remplacé par le mythe « Les Palestiniens n'existent pas » et la guerre d'indépendance contre les Arabes. 

Quelque chose s'est cassé, ce jour là, qui se formule, encore à voix basse, entre la douleur et l'inquiétude; la confiance dans le principe constituant du pacte entre l’État sioniste et sa population :  Israël, sanctuaire pour les juifs du monde entier, Israël et son idée princeps « la sécurité du peuple juif dans les frontières de son État », ce signifiant a volé en éclats.

Plus de 1300 morts israéliens en à peine quelques heures, massacrés, brûlés, seuls ou en groupe, dont plus de 800 civils, plus de deux cent otages, emmenés à Gaza, une armée israélienne absente pendant presque dix heures, sa réaction tardive, - où sont nos soldats, appelaient, désespérés, au téléphone, les habitants du Sud, cernés par le Hamas, les renseignements israéliens et le gouvernement aux abonnés absents pendant plus de 48h, la frontière « électronique » à un milliard de dollars, (40m de haut, 30m en profondeur contre les tunnels) trouée en plusieurs endroits, mille deux cents cadavres entreposés, des milliers de gens ne sachant pas où sont leurs proches, deux kibboutz rayés de la carte : le bilan confine au désastre absolu.  A l’enterrement d'un des trois otages israéliens tués par l'armée israélienne (ils s'étaient fait connaître avec un drapeau blanc, torse nu) son frère a prononcé ces quelques mots : (...)« après l'avoir abandonné, (...)vous l'avez assassiné. »

Le choc est frontal. Les Israéliens ne peuvent pas le contourner. C'est une des raisons du traumatisme. Car, derrière ce désastre résonne en cascade d'échos des questions aussi vieilles que l'histoire de la fondation de l’État sioniste : comment peut-on être « étonné » de l'aggravation tragique de la situation, comment ne peut-on en discerner la logique implacable, pourquoi cette « sidération » répétée devant les catastrophes qui s’enchaînent, sinon ne rien vouloir voir du réel, ne rien vouloir comprendre à la situation. Sinon pratiquer, indéfiniment, le déni de la situation. Définition du déni : refus inconscient d'admettre une situation insupportable. Refus de rendre justice à quelqu'un.

La situation est pourtant claire.

Les guerres de Gaza, la Cisjordanie occupée, la violence impunie des colons, la ville d'Hébron, hérissée de miradors et de checkpoints, les jeunes mineurs palestiniens, emprisonnés sans procès pendant des années, l'identité juive comme une lame de sécession, la Nakba, un processus colonial d'expropriation ininterrompu depuis 1948 qui a pour nom le sionisme. On feint de ne pas voir, on feint de ne pas savoir. On se détourne. Et on s'étonne encore ? Les fondamentaux de la situation sont pourtant là, sous les yeux de tous, depuis 75 ans. 

Mais, « ils » sont rendus invisibles où déclarés non pertinents, sinon « antisémites. Peut-être là se cache la fabrication du déni, la nourriture du mythe. Un « empêchement » de la pensée, une paresse à franchir « l'interdit » à critiquer la politique, l'État, le nom, le sionisme, sous peine d'être taxé de la pire des injures. L'amalgame antisioniste/antisémite placé tel un « mur » pour contrer toute pensée critique, toute alternative au sionisme.

La situation rendue inintelligible est alors remplacée par un récit qui articule à la fois une mythologie, celle du « retour » des juifs sur une terre sacrée dite « vierge » et un discours sur l'antisémitisme vu comme une prophétie destinale. Le mythe d'une « terre sans peuple pour un peuple sans terre », est le propos basique du colonialisme de peuplement qui vient justifier l'appropriation et le vol des terres. « Avant nous, il n'y avait rien ». Quand au mythe du « retour » sur une terre sacrée, il a pour fonction de relier un messianisme national « Je ne crois pas en Dieu mais il nous a donné la terre » avec une vision victimaire d'un juif éternel. (Nous reviendrons en détails sur tous ces points dans la prochaine tribune)

Cette mythologie s'est fracassée le 7 octobre 2023. Le déploiement de l'armée israélienne, les destructions massives, les rodomontades des ministres israéliens n'y pourront rien. La mythologie a pris un sacré coup de réel dans son récit. 

La sidération, l'incompréhension, la colère des Israéliens se sourcent là. Comment cela est il possible , « nous qui avons été élevés » dit une femme israélienne dans un témoignage, (…) avec la certitude que l’État d’Israël nous protégerait de toute menace, qu'est ce qui nous est arrivé » ?  Est ce circonstanciel ou structurel est la question qui hante les Israéliens ; reporter la cause du désastre sur le gouvernement d'extrême droite peut, en une toute petite partie, se justifier, mais la défaite est trop violente pour ne pas s'obliger à poser des questions plus graves qui commencent à circuler dans les témoignages.

Sommes nous encore en sécurité dans les frontières du pays ? Qu'avons nous fait pour en arriver là? 

En effet, qu'ont-ils fait pour en arriver là ?

"Ils", les Israéliens, n'imaginaient pas cela possible, peut-on lire, dans les témoignages divers. Pourquoi pas possible? Parce que il y a le Mur, la technologie, l'armée, le Dôme de fer, les accords d'Abraham qui normalisent les rapports avec les États arabes sous égide Occidentale, incluant la liquidation silencieuse de « la question Palestinienne », bref, tout une mythologie qui autorise une « normalité » de la vie quotidienne, en kibboutz, en ville ou en colonie ; mais une mythologie adossée à un arsenal sécuritaire à coté duquel les Israéliens se sentaient vivre « presque » en paix...intouchables.

Comment comprendre autrement l'emplacement des kibboutz, situés à moins...de deux km de Gaza, où certains kibboutzniks disent regretter « l'Éden », le petit paradis de verdure du kibboutz...incendié par le Hamas.

Rappelons ce qu'est le réel de Gaza pour ceux qui veulent rendre les Gazaouis responsables de leur situation. Gaza est un territoire, mieux une réserve, où vivent des centaines de milliers de gens, privés de circulation et de travail . Environ 2, 4 millions de personnes vivent entassés sur ce territoire de 362 kilomètres carrés ((40km de long, 12 km de large) soumis depuis 16 ans à un blocus israélien, terrestre, aérien et maritime, depuis que le Hamas a pris le pouvoir en juin 2007. Les quatre guerres de Gaza, 2008/2009, 2012, 2014, ont transformé Gaza en un enfer à ciel ouvert.

Comment est il alors pensable de créer un « paradis vert » à quelques encablures de cette « réserve », comment "vivre" à côté de l'enfer des autres - une question existentielle, une raison parmi d'autres pour que certains de ces kibboutzniks soutiennent les « droits » octroyés aux Palestiniens...à sortir de Gaza et se faire soigner dans les hôpitaux israéliens...

Comment entendre l'inaudible, c'est à dire...l'organisation d'une fête musicale de la jeunesse, à moins de six kilomètres de...Gaza?  Même question, même impensable. Dans le journal « le Monde » daté du samedi 28/10/2023, une chronique de Marc Bonomelli nous apprend que le festival de musique était plus qu'une rave party, mais « un avatar de la nouvelle spiritualité occidentale ». Ce festival appelé Tribe of Nova développe une série « de disciplines alternatives ou holistiques, telles que le yoga moderne et les techniques énergétiques comme le reiki ou autres, mais participe activement à des pratiques de mouvement, de danse et de musique en conscience »(...) « L'accent est mis sur l'idée de tribu, d'appartenance à une grande famille mondiale basée sur des valeurs communes ». On hésite entre la stupeur et la consternation : « la nouvelle spiritualité occidentale », toute à son bien-être, est allée expérimenter ses « transes » techno dans le désert du Néguev, sous les oreilles des Gazaouis, sans regarder au delà de sa jouissance. « Valeurs communes », disent ils ; quand à soi indécent qui conduit à la pire des tragédies, peut-on leur répondre.

De l'inconscience, peut-être, mais surtout l'idée infusée depuis la création de l’État d’Israël en 1948, « les Palestiniens n'existent pas » devenue un mythe, la forme du déni israélien et le dispositif qui va avec : le tout sécuritaire et la force militaire protègent et garantissent la vie israélienne. Soyons clairs. Ce déni ne justifie en rien les attaques mortifères du Hamas. Il traduit la commotion cérébrale qui s'est emparée d’Israël suite à l'effondrement du mythe et au retour du réel ; oui, les Palestiniens existent.

Ce déni repris par le monde Occidental comme une certitude existentielle et géopolitique explique la stupide stupeur des médias devant la terreur hamassienne : celle ci serait arrivée, à l'improviste, dans un ciel moyen oriental presque serein où rien d'important n'était à prévoir sinon les habituelles « tracasseries » aux frontières de l’État d’Israël...

La mythologie a ceci de dangereux que si utilisée comme déni du réel, elle ne peut à terme remplacer la politique, c'est à dire l'analyse de la situation. Le « réveil » procède alors d'un vertige brutal.

Mais le retour du réel n'est pas un retour en arrière dans le temps. Ce n'est pas le retour du même dans l'histoire. Le réel d'aujourd'hui, c'est la prise en compte de l'existence, attendue comme « une goutte d'eau dans le désert » disait un militant israélien, d'une autre voie. Une parole commune aux Palestiniens et Israéliens.

UNE AUTRE VOIE EXISTE : ONE DEMOCRATIC STATE CAMPAIGN

Une autre voie existe depuis 2018. Elle s'appelle One Democratic State Campaign. Un État démocratique avec les mêmes droits pour tous, palestiniens, israéliens, sur la terre de Palestine.

En 2016, un collectif de militants, dont je fus, convaincus de l'importance stratégique de la question Palestine Israël, -dissous depuis, avions écrit une petite brochure intitulée:   

                                                        Israéliens Palestiniens un seul pays avec un seul État ! 

                                                               Une proposition politique en sept points » 

                                                          Palestiniens Israéliens, un seul pays avec un seul État !

                          En finir avec l'idée de l'opposition entre juifs et arabes qui fait le jeu de l’État sioniste et autre États puissants !

        Soutenir l'unité des Palestiniens dans toutes ses composantes : La Cisjordanie et Gaza ; les réfugiés des autres pays et en Israël même !

                                          Mettre fin à la destruction coloniale du peuple palestinien par l’état d’Israël !

                                                        Le droit au retour de tous les réfugiés depuis 1948 !

                                                 Travailler à la séparation entre les Israéliens et l’État Israélien !

Soutenir et développer les discutions et l'organisation politique au sein du peuple comme la seule voie pour construire le pays et défaire l’État d’Israël !

Cette proposition politique en sept points résultait d'un travail d'enquête de deux ans sur un marché de Montreuil et d'un voyage en Palestine-Israël où nous avions rencontré des militants israéliens et palestiniens qui, pour certains, formeront en 2018, le noyau commun de l'organisation One Democratic State Campaign, pour un seul Etat à égalité de droits. Lors de ce voyage, nous avions convenu que ces mots d'ordre étaient déjà à l’œuvre, sur le terrain, dans tout un réseau d'activités pratiques, qui voyaient agir conjointement les uns avec les autres dans l'horizon d'un pays en commun. Ne manquait alors que l'organisation commune. C'est chose faite, depuis.

Le manifeste de l'organisation One Democratic State Campaign déclare, entre autres : « La libération nécessite plus que la résistance, la protestation et l’activisme. Cela nécessite un plan politique qui remplace les structures politiques d'oppression par un nouveau système politique et une nouvelle société fondée sur la justice, l'égalitarisme et l'inclusion, mais également sur le respect des diverses identités nationales, ethniques, religieuses et communautaires du pays »

Awad Abdelfattah , militant palestinien de l'intérieur, ancien secrétaire général du parti Balad est le coordinateur de ODSC, Ilan Pappé, historien israélien, Jeff Halper, anthropologue israélien, directeur du Comité Israélien Contre les Démolitions de Maisons (ICAHD) sont co-fondateurs de ODSC.

One Democratic State Campaign (ODSC) a un site "onestatecampaign.org". On y trouve leur manifeste, leur campagne, leur programme politique, des plans et des stratégies pour soutenir cette organisation, neuve et tenace, qui lacère peu à peu le tissu du désastre et du défaitisme. Le processus de développement de One Democratic State Campaign concerne l'avenir de la Palestine pour tous.

Les obstacles sont importants, à la mesure de l'enjeu.

D'abord les organisations palestiniennes officielles, Autorité Palestinienne et Hamas. S'il est devenu courant d'en dénoncer la corruption, il reste comme interdit de les désigner pour ce qu'ils sont, - le massacre du 7 Octobre 2023 par le Hamas en est une preuve supplémentaire, soit des organisations gardiennes du statut quo, dont l’intérêt est de maintenir le statut quo, - quelque soit sa forme, y compris la guerre, en miroir de l’État d’Israël dont elles copient d'ailleurs les méthodes répressives. Cet interdit doit être levé.

Il y a aussi coté palestinien, une trace subjective de la période constituée comme « lutte de libération nationale ». Alors que la situation ne peut absolument pas être pensée en ces termes, il en reste une sorte "d'identitarisme" négatif dont l'effet paradoxal est d'empêcher de considérer ensemble les différentes composantes du peuple palestinien. Pour pouvoir soutenir aujourd'hui l'unité du peuple palestinien dans ses différentes composantes : habitants de Gaza, de Cisjordanie, des camps de réfugiés ou à l'intérieur des frontières d’Israël, et soutenir le droit au retour, il faut pouvoir considérer la situation dans son ensemble, et donc tenir le mot d'ordre : séparer les Israéliens de l’État d’Israël. Tandis que les « identitaires palestiniens » -dont le Hamas sont incapables d'englober dans leur champ les palestiniens dit de 1948 (vivant dans les frontières de l’État d’Israël). Entérinant mentalement la Nakba, ils entérinent la fragmentation de leur peuple et s'opposent de facto à leur unification politique.

Du côté israélien, il y a le poids du cadavre de la gauche israélienne, dite du « camp de la paix ». Cette gauche soutenait la « solution à deux États » autrement dit la séparation entre Israéliens et Palestiniens. « Chacun chez soi,  Aidez nous à divorcer » : ce qui n'était pas si éloigné de la vision « ethnique » propre à l’État d’Israël. Cette soumission l'a conduit à sa perte.

Nous écrivions, il y a quelque temps déjà, que la « solution » dite à « Deux États » était une tromperie impraticable. Il n'y a qu'à regarder une carte. Une tromperie parce qu'elle permet la poursuite inlassable de l'occupation et de la colonisation sioniste. Impraticable, parce que les deux peuples étant totalement intriqués sous domination coloniale, on ne voit pas comment les Palestiniens des « territoires » - sans compter les 20% de la population « israélienne » composée de Palestiniens, - y trouveraient autre chose qu'une prison à ciel ouvert, et bientôt, comme c'est déjà le cas s'agissant des territoires, des réserves, surveillées par les autorités corrompues, et entourées des murs, barbelés, checkpoints tenus par l'occupant.

Si cette gauche est moribonde, il en reste là aussi une trace subjective sous la forme d'une « division des tâches » entre les uns et les autres. Sous sa forme caricaturale la plus marquée de rapport colonial, cela se donne comme : aux uns Israéliens, la politique, aux autres, Palestiniens, « la résistance ». Mais ne vaut pas mieux, à notre sens, la vision symétrique – qu'on peut appeler post- coloniale- qui se donne comme : c'est aux Palestiniens de parler, à eux de prendre l'initiative, nous ne pouvons que « soutenir » ou « suivre ». On l'a vu pratiquée, à propos du 7 Octobre 2023, où les organisations de "la gauche française" se tordaient les mains pour soutenir, au nom du fameux "soutien" à la résistance, les massacres du Hamas, tout en n'étant pas d'accord avec leur politique.

Ce ne sont en fait que les deux faces d'une même pièce. Et là aussi, cela conduit à l'impuissance. S'il n'est certainement pas impossible d'entreprendre un travail politique sur le mot d'ordre « Un seul pays, un seul État » parmi les Israéliens, il est sûr que ce travail ne peut être entrepris qu'à partir d'une parole claire commune proposée par des Palestiniens et les Israéliens. En 2018, cette parole claire commune s'est incarnée dans l'organisation One Democratic State Campaign.

REMARQUE SUR LE HAMAS.

Le déchaînement sanglant et meurtrier du Hamas, le 7 Octobre 2023, pris en lui même pour ce qu'il est, est un carnage politique. Un oxymore ?Non, cela veut dire que ce carnage a été voulu, décidé comme une opération de grande envergure, et préparé méthodiquement. Si politique est la qualification du carnage, quelle serait alors ses enjeux? On peut dégager quatre hypothèses :

1)Dans la conjoncture géopolitique du Moyen Orient, les accords d'Abraham, sous égide occidentale, principalement étatsunienne, (une normalisation des relations des monarchies arabes avec l'Etat d'Israël avec en arrière fond, la liquidation silencieuse de la "question palestinienne") dominent la situation et place de facto, le Hamas, hors du jeu régional. Le 7 Octobre 2023 le replace au centre.

2)Le Hamas est un mouvement islamiste dont l'objectif est d'établir un État identitaire islamiste sur toute la Palestine. Cependant pour garder le pouvoir, il a accepté, dans un premier temps, un territoire actuellement constitué de Jérusalem-Est, la bande de Gaza et la Cisjordanie (d'après les frontières d'avant 67). La poursuite stratégique de la colonisation sioniste met hors sujet tout projet d'un État Palestinien. Le Hamas a du changer de stratégie. Il a choisi celle du pire ; se présentant comme le héraut de la résistance palestinienne, il a choisi minutieusement les cibles de ses massacres et de ses prises d'otages afin que s'enclanche, tel un métronome logique, la riposte du gouvernement israélien ; la guerre totale, -bombardements et expulsions, meurtriers et massifs, contre le peuple palestinien.

3) La riposte de la guerre totale du gouvernement israélien conforte le Hamas dans sa désignation de "l'ennemi sioniste" à abattre. A ce titre, le débat porté par l'Afrique du Sud à la Cour Internationale de Justice sur le caractère génocidaire de la guerre israélienne, -que le mot de génocide ait été nommé, dans une instance internationale, contre l'Etat Israélien, même si symbolique, même sans effet réel sur la poursuite de la guerre, est une victoire politique du Hamas. Le mot de la Nakba revient comme un refoulé explosif.

4) Par le carnage provoqué et la guerre qui s'en suit, le Hamas semble vouloir revenir à la période d'avant 1948, une nouvelle Nakba, pour recouvrer l'hégémonie islamiste nécessaire à la réalisation de son projet identitaire

Il est intéressant à noter que le continuum de la colonisation sioniste crée les conditions de la nouvelle donne politique palestinienne.

Soit celle d'une organisation commune, One Democratic State Campaign, où Palestiniens et Israéliens, parlent et agissent ensemble pour créer les fondations d'un État démocratique pour tous. La logique identitaire du Hamas n'a donc rien à voir avec le pays nouveau à venir des Palestiniens et des Israéliens sur la terre de Palestine.

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