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Extrait du communiqué « Taser Brain Journal n°92 » https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01386430/document
Il est devenu impossible au quotidien de créer une bulle fermée où les données personnelles seraient immobiles et en sécurité, car « les données personnelles sont tout simplement de plus en plus subjectives, relatives, et contextuelles ».[1] Il serait donc plus judicieux de parler de données relationnelles et transactionnelles (Dominique Boullier, 2012). En effet, selon les travaux d’Irwin Altman sur la Social Penetration Theory, les relations avec les autres se créer de la même manière que chaque couche d’un oignon s’ouvre. Au fur à mesure qu’il y a pénétration dans notre sphère privée, nos données s’échappent et deviennent des données relationnelles. De la même manière, lorsque nous installons une application mobile contre l’obtention de nos données, ces dernières deviennent transactionnelles. Alors nous nous apercevons que cette conception d’une vie privée, protégée et cachée n’est plus qu’un fantasme.
À partir de ce constat, il est plus aisé de comprendre certains phénomènes citoyens, à l’image du self-tracking, basé sur l’exploitation de ses propres données. Malgré son récent développement, le self-tracking a donné naissance au quantified self [2], qui consiste à améliorer son mode de vie (nombre de pas dans la journée, qualité du sommeil, etc.) à partir des données révélées par de nouveaux outils, tels que les capteurs connectés (montre, bracelet, etc.) et les applications mobiles. Ces données mesurées permettent de se surveiller, de créer une routine et d’améliorer ses performances (Anne-Sylvie Pharabod, 2013). Acteurs de leur bien-être et de leur santé, les self quantifiers partagent à la communauté leurs données après les avoir captés, puis analysés. A priori, cette pratique de l’autocontrôle et de l’autogestion de ses données personnalisées présente un pied de nez aux acteurs des nouvelles technologies. Or, bénéficier d’un coach électronique tels que ceux proposés par Fitbit [3] oblige à une transaction automatique de ses données auprès des éditeurs de services ou des producteurs de capteurs ; eux-mêmes acteurs d’un second partage à destination de sociétés tierces.
L’objectif connu de ces derniers n’est-il pas de s’établir en tant que plateformes en hébergeant le maximum de jeux de données pouvant entraîner des classifications et segmentations des profils ? Cet outil qu’est le Data Mining — exploration de données — ne va-t-il pas réussir à regrouper non plus des données personnelles, mais des données sensibles en s’intéressant davantage aux données biologiques qu’aux données biographiques ? Les données liées à la santé et volontairement partagées par les adeptes du quantified self, ne vont-elles pas se retourner un jour contre elles, sous fond de discrimination (obésité, données génétiques, problèmes cardiaques, etc.) ? Cette confiance accordée aux objets connectés, traditionnellement accordée au médecin traitant, n’est-elle pas révélatrice d’un malaise de l’interaction humaine ? Nous avons un début de réponse avec l’annonce, en avril 2018, d’un partenariat entre Google Cloud et FitBit, dans le but de fournir aux médecins traitant l’accès aux données provenant des objets connectés FitBit et centralisées grâce à l’API Cloud Healtcare (Google Cloud).
1. Dominique Boullier, « Tout devient-il donnée personnelle ? ». In. Vie privée à l’horizon 2020, Cahiers IP. Innovation & prospective (Paris: CNIL, 2012), page 32.
2. Emmanuel Gadenne, Le guide pratique du Quantified Self. Mieux gérer sa vie, sa santé, sa productivité, FYP éditions, 2012.
3. Fitbit est un bracelet connecté qui suit les activités quotidiennes, qui affiche la progression et qui analyse votre sommeil. Pour consulter le site internet : https://www.fitbit.com/fr.