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Billet de blog 4 juillet 2024

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Retour sur des définitions: pogrome et génocide

Il est regrettable que des historiens reprochent l'instrumentalisation du mot "génocide", mais instrumentalisent à leur tour le mot "pogrome", confortant de sorte la propagande du gouvernement israélien, au mépris des définitions.

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Les définitions aident à comprendre et à éviter la confusion. Or, dans leur tribune du 21 juin (Le Monde) concernant la gauche et l’antisémitisme, des chercheurs, dont de nombreux historiens, critiquent l’instrumentalisation du mot « génocide » à propos de la guerre menée à Gaza, mais instrumentalisent de leur côté le mot de « pogrome » pour qualifier le massacre du 7 octobre.

Le pogrome est un phénomène historique qui a été bien étudié. Il désigne les massacres de juifs encouragés par la police tzariste qui eurent lieu dans « la zone de résidence » de l’Empire russe, puis en Ukraine, et auxquels l’Armée rouge, qui n’était elle-même pas exempte d’antisémitisme, mit finalement un terme.[1] Le 7 octobre, ce sont des citoyens israéliens qui ont été massacrés, abandonnés par un État surpuissant, arrogant et méprisant (notamment à l’égard des soldates qui tentaient de donner l’alerte), un État qui aurait pu et aurait dû les protéger. Si la violence est similaire, les conditions historiques sont différentes. Il suffit, pour s’en rendre compte, de lire « Retour à Jitomir » (Le Manuscrit, 2024), l’un des derniers récits sur le sujet, dans lequel le psychanalyste André Sirota raconte comment son père, alors âgé de 7 ans, se retrouva soudain seul au monde lorsqu’il découvrit les cadavres de ses parents et voisins.

On sait les raisons pour lesquelles le gouvernement israélien utilise le mot : pour réveiller la peur mais, surtout, établir une continuité entre les pogromes et le massacre du 7 octobre afin de faire de tous les juifs des victimes éternelles. Ce qui est indécent quand on pense à ce qui se déroule aujourd’hui à Gaza… Dans L’opinion, un journal en ligne, on parle désormais de « la shoah du 7 octobre ». L’USC Shoah Foundation en Californie, à laquelle le réalisateur Steven Spielberg avait donné les témoignages de survivants de l’holocauste, vient d’entreprendre la collecte des survivants du 7 octobre. Là encore, on décèle la même volonté d’établir une continuité entre les massacres. 

Par de là leur sensibilité individuelle, les historiens qui disposent de l’outil que sont les définitions devraient éviter de tomber dans les pièges de la propagande officielle et ne pas céder à l’air du temps, à la tentation de suivre ce qu’on pense être la pensée consensuelle.   

[1] On l’utilise par extension lors de massacres d’un groupe ethnique privé de toute protection.

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