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3 mai. 8h20. Éric N. se réveille en sursaut, en sueur. Il a rêvé qu'il était grand-remplacé.Il a rêvé d'une société sans islamophobie, sans racisme, où les groupuscules néonazis et identitaires ont été dissous. Assis dans son lit, il se remémore avec horreur la scène où il est poursuivi dans la rue par Jean-Luc Mélenchon, Sandrine Rousseau et un islamogauchiste-wokisto-éco-terroriste. Quel cauchemar ! Il enfile ses chaussons Isotoner et se dirige vers son percolateur.
8h40. Comme chaque jour, Éric N. allume son ordinateur et va immédiatement rejoindre sa communauté sur X. Ce petit monde de racisme, de violence et de misogynie le rassure. Ce monde de la post-verité où circulent autant de fake news que de mots inventés par des abrutis perdus entre la haine et l'ennui. D'ailleurs, le dernier mot tendance à l'extrême-droite nous vient du journal le Figaro. Ils ont abandonné le terme "islamogauchisme" qui faisait trop penser au terme "judéo-bolchévisme" inventé par les nazis, ils parlent maintenant d'islamo-wokisme pour cacher leur racisme, leur islamophobie, leur homophobie, leur transphobie, leur misogynie. Éric garde ce mot dans un coin de sa tête pour un futur tweet plein de "géni" et de "profondeur", se dit-il.
8h50. Mais depuis quelques jours, Éric est emmerdé. Sur toutes les chaînes, on parle d'un crime islamophobe, de haine des musulmans, d'un attentat terroriste ayant visé un fidèle dans une mosquée. Éric ne supporte pas l'idée que l'on puisse humaniser ces "individus", il ne supporte pas le mot "islamophobie" parce qu'après tout, pour lui et les siens, haïr les musulmans est un droit, une nécessité et il ne faudrait pas que les citoyens comprennent que l'islamophobie tue. Éric peut toujours compter sur le Ministre de l'intérieur et des cultes pour nier les attentats racistes et islamophobes. Bruno Retailleau qui, comme à son habitude après une semaine parsemée d'actes racistes et islamophobes, décide de dissoudre un collectif antifasciste et Urgence Palestine qui dénonce le génocide en cours et les crimes d'Israël. Oui, un musulman a été tué dans une mosquée, le meurtrier a filmé l'agonie de sa victime en prononçant la phrase suivante "je l'ai fait... ton Allah de m*rde". Juste avant il avait prononcé ces mots : "Je vais m'attaquer à la mosquée ? " Puis, une fois sur place, devant la mosquée Khadidja de La Grand-Combe, Olivier H. lâche : "Il est noir, je vais le faire." Il voulait tuer, il a choisi une mosquée et a ciblé un musulman noir. Mais la Procureure de Nice ne voit ni l'acte terroriste, ni l'acte islamophobe, ni l'acte raciste. Simplement un malheureux hasard et "une fascination morbide" pour reprendre ses termes.
9h15. Éric est content. Il vit dans le "bon pays". Ce pays où un ministre et une procureure sont prêts à nier l'évidence dès lors qu'un attentat meurtrier concerne les musulmans. Éric sait que tout ceci n'est que foutaises... car il connaît la définition de "terrorisme", il sait ce qu'est la haine raciale et religieuse. Il sait que, si ce même crime avait eu lieu dans une église ou un synagogue, le parquet antiterroriste aurait été immédiatement saisi. Oui, Éric vit dans le bon pays, celui de la déshumanisation des personnes de confession musulmane, de leur vivant jusqu'après leur mort. Il vit dans le "bon pays" où des personnes dénonçant le génocide des Palestiniens, elles, sans n'avoir jamais commis aucun crime, sont poursuivi pour apologie du terrorisme.
3 mai. 9h18. Éric exulte. Il va écrire un tweet "intelligent et "profond" pour exprimer sa joie suite à l'annonce de la Procureure. Il veut narguer et clouer le bec des musulmans et des "islamo-wokisto-gauchiasses". C'est ainsi qu'après 2 minutes de réflexion intense, la bave aux coins des lèvres, à 9h20 précisément, il twitta : " Caramba, encore raté !" Agrémenté d'un lien vers un article du journal d'extrême-droite le JDD.
Oui, tous les islamophobes sont heureux et crient leur joie indécente sur les réseaux. Et cette joie "Caramba" est tout de même une manière bien étrange de vouloir nous prouver qu'Aboubakar Cissé n'est pas la victime d'un meurtre islamophobe.