Agrandissement : Illustration 1
Et partout, dans la bouche de nos dirigeants politiques négationnistes, dans les colonnes d'une presse suprémaciste, on hiérarachise les vies humaines, on relativise des crimes de guerre, on musèle les témoins de la barbarie colonialiste. Toute la réthorique du colon est usée jusqu'à l'os. De Tel Aviv à Washington, on justifie des dizaines de milliers de morts en martelant le 7 octobre, et on oublie les 75 années qui ont précédé. Israël, avec la complicité des puissance impérialistes, est bien un État d'apartheid, colonialiste et violant le Droit international depuis 1948 : institutionnalisation de diverses formes de discrimination, violations systématiques des droits de la population palestinienne, meurtres et crimes de guerre, colonies de peuplement illégales, déplacements forcés des populations, clôture de Gaza et restriction de mouvements injustifiée en Cisjordanie, détentions abusives.
Mais pourquoi ce soutien inconditionnel à Israël malgré les preuves accablantes des crimes des gouvernements successifs ? La colonisation de la Palestine débutée en 1948 est intrinsèquement liée aux empires coloniaux français et anglais. Au milieu des années 40, la Palestine est le seul territoire à ne pas obtenir son indépendance contrairement au reste des territoires coloniaux anglais et français. La Seconde Guerre mondiale touche à son terme et les Juifs d’Europe continuent d’affluer massivement ne se sentant plus en sécurité face à la barbarie antisémite européenne. En 1948, l’empire colonial anglais se retire de la Palestine et l’indépendance d’Israël est prononcée laissant les États arabes de la région sans aucune autonomie. Alors la France, écrasée sous le poids de sa culpabilité liée à sa collaboration avec le nazisme et incapable d’organiser un retour des Juifs fuyant l’antisémitisme encore bien présent sur son territoire, préférera fermer les yeux sur des décennies de politiques impitoyables de confiscation des terres, de colonisation illégale et d’expropriation menées par Israël.
En 2025, la France continue – elle aussi – sa gestion coloniale des territoires d'Outre mer. À Paris, on s'offusque d'une "guerre civile" dans les rues de Nouméa, et on oublie 200 ans de politique coloniale qui ont mené à l'accaparement des terres cultivables, l'exploitation du sol pour le nickel, les exécutions sommaires de chefs de tribu, les enrôlements forcés dans l'armée lors de la Première Guerre Mondiale, les tortures d'enfants, la répression policière. N'oublions jamais les stigmates et traumatismes que le colonialisme a infligé aux peuples locaux. Avant 1957 les Kanaks n'étaient que des sujets n'ayant même pas le droit de vote. Dans les années 60, Pierre Messmer, premier Ministre, souhaitait poursuivre le peuplement pour que les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire et ainsi limiter les revendications indépendantistes, ces derniers se retrouvant en infériorité numérique. En 1988, afin de réinstaurer un climat de paix après les assassinats de 19 kanaks et la mort de deux militaires lors des affrontements d'Ouvéa, les accords de Matignon sont adoptés, acceptés par le FNLKS (Front de libération nationale kanak et socialiste).
Les puissances impérialistes oublient trop souvent que la Déclaration des Droits de l'Homme de 1948 s'applique aussi aux minorités. Lorsqu'en 2021, en Nouvelle-Calédonie, un troisième réferendum pour l'indépendance est organisé, les indépendantistes souhaitent "un report en raison de la pandémie de Covid-19 et du besoin d'une période de deuil prolongé chez les familles kanakes". Dans la continuité des bassesses et sabotages passés, le gouvernement français refuse, les indépendantistes boycottent le scrutin et ce dernier étant trusté par les loyalistes (opposants à l'indépendance) : le non l'emporte à 96%. Suite à cette "défaite" des indépendantistes, le gouvernement tente de changer les règles constitutionnelles afin de limiter la possibilité d’une indépendance future : "ouvrir le droit de vote provincial à tous les résidents de Nouvelle-Calédonie habitant sur le territoire depuis au moins dix ans, ce qui permettrait de mettre petit à petit en minorité les kanaks."
Alors quand Gérald Darmanin prend la parole le 13 mai 2025 à l'Assemblée Nationale pour affirmer qu'il serait plus juste et démocratique d'ouvrir le droit de vote des représentants locaux à des ressortissants calédoniens –notamment issues de la colonisation –, il oublie de préciser que les 35 ans de "paix" sur le territoire étaient conditionnés aux accords de Matignon. Ces accords ayant notamment pour objectif - soi-disant - un processus de décolonisation "durable et irréversible" notamment en limitant le droit de vote provincial aux minorités autochtones, ce gel du corps électoral étant une garantie d'un équilibre politique pour les indépendantistes. Darmanin balaye d'un revers de la main le rejet de ce texte de loi sur le dégel des votes par le congrès de Nouvelle-Calédonie. De plus, en 2022, la nomination d'une Secrétaire d'État loyaliste auprès du ministre chargé du dossier calédonien fût un affront aux indépendantistes et avait déjà fragilisé la confiance de ces derniers envers le gouvernement. Dans la lignée de la violence coloniale, d'un maintien de l'ordre visant à la soumission et l'étouffement de la parole Kanak, cette loyaliste radicale n'avait pas hésité à déclarer sur la dite-loi : "le bordel c'est nous qui le mettrons si vous ne votez pas ce texte". Le "bordel" vient effectivement toujours des colons.
Le passé de la France est lui aussi assombri par les crimes de la colonisation. Les crimes coloniaux de la France en Algérie dès 1830 sont très documentés car les généraux de l’époque étaient fiers de leurs agissements, assumant leur barbarie, cette dernière décrite dans des correspondances entre militaires. En 1830, Alger est sous son contrôle l’armée française qui met en place la stratégie des « colonnes infernales » : une destruction systématique pour empêcher toute reconstruction, un nettoyage ethnique pour remplacer les populations indigènes par des colons. Pourchassés par l’armée française, les Algériens se réfugient, avec leurs troupeaux, dans les montagnes et se cachent dans des grottes. L’armée française opte pour la technique sadique des "enfumades" : allumer des feux à l’entrée de ces grottes, pour que la fumée asphyxie les Algériens. Pendant plus de cinq ans, l’armée française a perpétré cette technique faisant des milliers de morts. Meurtres, tortures, 500 000 Algériens vont être exterminés par la France lors de cette conquête de l'Algérie.
Le colon violent et tout puissant tente d'imposer par la violence sa domination et ses lois iniques puis s'offusque de la légitime défense et de la résistance que lui opposent les peuples spoliés. Toujours prompt à donner des leçons de pacifisme à ceux qu'il qualifie de sauvages, le colon, animé par sa soif inextinguible de suprématie, ne remettra jamais en question sa propre tyrannie et celle de ses ancêtres. En niant que la colonisation est un crime, Edouard Philippe valide un discours négationniste et révisionniste des massacres et des violations des Droits Humains commis par la France : le fameux "roman national" si cher à l'extrême-droite. Mais au fond, il le sait : il est plus facile de nier les atrocités que d'admettre sa nostalgie d'une France criminelle.