SOPHIE TREGAN (avatar)

SOPHIE TREGAN

Autrice

Abonné·e de Mediapart

84 Billets

0 Édition

Billet de blog 15 janvier 2025

SOPHIE TREGAN (avatar)

SOPHIE TREGAN

Autrice

Abonné·e de Mediapart

Il est déjà minuit et 1 minute

L'extrême droite est en roue libre dans les médias, sur les réseaux sociaux et dans nos rues. Elle n'est pas encore au pouvoir, mais sa violence est déjà là. Dans la nuit du 10 juin, des militants lépénistes agressent un homme gay pour fêter la victoire de Bardella. Puis ce fut le déchaînement : appel à nous tuer, nous mettre hors d'état de nuire parce que nous sommes « de gauche ».

SOPHIE TREGAN (avatar)

SOPHIE TREGAN

Autrice

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

      Au mois de juin, nous avions découvert ce couple sympathisants du Rassemblement national filmé par Envoyé spécial. Ils insultent leur voisine noire : "Tu dégages ! On a quitté les HLM à cause de gens comme toi ! On fait ce qu'on veut. On est chez nous. » "Va à la niche !". Marine Le Pen dira par la suite qu'il n'y a rien de raciste dans ces propos. L'une des stratégies pour cacher le racism, c'est de faire mine de ne pas le voir. Combien de fois, sous le règne de Macron, la circonstance aggravante de racisme n'a pas été retenue contre des policiers ou des militants RN qui ont blessé ou assassiné des personnes racisées ? Combien de fois sont-ils tenus pour "irresponsables" ? Combien de fois leurs actes terroristes n'ont pas été qualifiés comme tels par Darmanin ? Oui, certains cadres et adhérents du RN financent, fournissent des armes ou commanditent des attentats et des meurtres. La Macrolepénie tente pourtant de faire croire que les antisémites et les terroristes sont à gauche. Alors ici, je vais me montrer extrêmement factuelle. Pour cette rétrospective, je me suis appuyée sur une vidéo de Mathieu Burgalassi, docteur en anthropologie et en sciences politiques. J’ajoute à son travail retranscrit ci-dessous, les affaires : Priol, William M., Tony F., et Sainrévin.


  Affaire Claude Herman : ancien du service d'ordre du Rassemblement national (ex-Front national). Il a fourni des armes à Amedy Coulibaly qui a tué 5 personnes lors de l'attentat antisémite de l'Hyper Cacher en 2015. Herman a été condamné à 7 ans de prison. Affaire Jean-Claude Veillard : ancien candidat du RN aux municipales de Paris mis en examen par le parquet antiterroriste pour avoir participé à financer Daesh et Al-Qaïda à hauteur de 13 millions d'euros. Il a supervisé la collaboration de Lafarge avec des groupuscules terroristes en Syrie. Affaire Claude Sinké, ex-candidat FN : en 2019, il a tenté d'incendier la mosquée de Bayonne et a tenté d'assassiner deux hommes avec son arme à feu. Affaire Thibault Gond Manteaux, investi tête de liste à Strasbourg par le Rassemblement national en 2019, malgré son passé d' « organisateur de ratonnades » dans « l’affaire des kebabs d’Auxerre » entre 2004 et 2005." Il figure parmi les 9 condamnés pour des incendies à caractère raciste commis notamment à l'aid de cocktails Molotov. Affaire Sébastien Dudognon, ancien secrétaire départemental du Front national de la jeunesse, a voulu commettre des attentats à l'explosif. Il a été mis en examen pour "association de malfaiteurs terroriste et criminelle".


   Federico Aramburu fut lâchement tué par trois militants d'extrême droite : Loïk Le Priol, Romain Bouvier et Lyson Rochemir. Depuis décembre 2022 et malgré sa mise en examen pour complicité d'assassinat, cette dernière n'est plus en prison, elle a été remise en liberté. Lorsque, le 23 décembre 2022, à Paris, William M., armé d'un pistolet semi-automatique et de plusieurs chargeurs, avait abattu trois personnes kurdes et en avait blessé d'autres, revendiquant les motivations racistes de son crime, Darmanin, la justice, les médias avaient refusé de parler de terrorisme. Comment un homme ayant déjà attaqué au sabre un camp de réfugiés, n'était-il pas fiché S quand on sait que des gilets jaunes, des militants écologistes, d'extrême gauche, anarchistes et des journalistes le sont ? Pourquoi le procès de ce homme se tient-il à huis clos ? Quelques jours plus tard, un homme, Tonny F., voulait rendre hommage à ce terroriste ayant tué les 3 personnes kurdes. Il voulait s'en prendre, selon ses dires, à une « voisine bougn*ule », il dénonçait une cité progressivement transformée en « califat » et le rôle du gouvernement, accusé de « sublimer l’africanisation de l’Union européenne » − une xénophobie revendiquée. Il tire donc sur une adolescente de 13 ans d'origine maghrébine et la circonstance aggravante de racisme n'est pas retenue. Lorsque le maire de Saint-Brévin subit plusieurs tentatives de meurtres de la part de groupuscules d'extrême droite, l'État ignore ses demandes de protection. Un mois après la dernière tentative, les réseaux néonazis responsables de ces attentats défilaient à nouveau à Saint-Brévin sous la protection des CRS, qui, selon plusieurs témoins (journalistes), leur ont serré la main. Ces mêmes CRS qui ont ensuite tiré des grenades sur les opposants antifascistes.


   Je repense aussi à cette séquence incroyable qui oppose David Guiraud et des journalistes sur le plateau de BFM. Ces journalistes qui n'hésitent plus à étaler leur racisme envers les personnes noires ou arabes et multiplient les dénonciations calomnieuses d'antisémitisme faisant preuve du révisionnisme et du négationnisme les plus abjects pour pousser la macrolepénie au pouvoir. L'antisémitisme prend ses origines en Europe, dans la suprématie blanche, dans le pétainisme et à l'extrême droite. Répéter à l'infini que la gauche et les musulmans sont antisémites n'en fait pas une vérité, car cette dernière se trouve dans les condamnations, dans les décisions de justice prononcées ces derniers mois. Ainsi, le 29 novembre, 13 personnes ont été arrêtées à Paris pour avoir tagué des croix gammées. Il s'agit d'activistes d'extrême droite et de hooligans néo-nazis, dont certains fichés S. Le 10 octobre, dans les Côtes-d'Armor, un néo-nazi multirécidiviste a été condamné à deux ans de prison ferme pour des propos nazis et antisémites sur les réseaux sociaux. À Fresnes (Val-de-Marne), le 14 octobre, les inscriptions « Heil Hitler » et « White Power » ont été taguées sur des panneaux d'affichage. À Cherbourg (Manche), le 3 mars, c'est Sieg Heil qui est inscrit à côté d'une croix gammée. À Besançon, fin octobre, des étoiles de David ont été peintes sur des murs avec pour signature « les rats », le rat noir étant l'emblème historique du GUD (Groupe union défense, néo-fasciste). Non loin de là, on retrouve des autocollants du groupe néo-nazi local Vandal Besaks. Un des membres, un certain Théo Giacone, a été condamné en février 2023 pour la dégradation de la statue de Victor Hugo. Théo Giacone s'est illustré dans le passé en faisant un salut nazi déguisé en adepte du Ku Klux Klan. Giacone était alors au RN, et avait figuré sur la liste du parti aux régionales, menée par son mentor, l'actuel député Julien Odoul, celui-là même qui dénonçait une « immigration antisémite » le 25 octobre dernier sur Cnews." (Extrait article BLAST, Le souffle de l'fo 23/04/2024).


   Oui, les mensonges, le révisionnisme et les contorsions de la Macronie, de l’extrême droite et des médias ont pour but de nous faire oublier l’antisémitisme « jambon-beurre » encore bien présent dans les rangs du pouvoir et de l’extrême droite. Le fameux « arc républicain » et sa lutte contre l’antisémitisme à géométrie variable. Zemmour se voit toujours dérouler le tapis rouge malgré son fameux propos négationniste « Pétain a sauvé des Juifs » et ses multiples condamnations pour incitation à la haine raciale. Darmanin est toujours ministre de l’Intérieur alors qu’il faisait l’éloge dans son livre de l’antisémitisme napoléonien : « Notre but est de concilier la croyance des Juifs avec les devoirs des Français et de les rendre citoyens utiles, étant résolu de porter remède au mal auquel beaucoup d’entre eux se livrent au détriment de nos sujets. » Gérald Darmanin félicite cette « lutte pour l’intégration avant l’heure ». Et Le Pen est considérée par le premier ministre Attal comme appartenant à l’arc républicain, alors qu’elle est l’héritière d’un parti fondé en 1972 par notamment, Pierre Bousquet, ancien de la division SS Charlemagne, et composé de néo-nazis, d’anciens collaborationnistes, des SS, des colonialistes et des criminels de guerre. La droite et l’extrême droite sont-elles aveugles et sourdes à leur propre antisémitisme ? Non. Mais elles savent se servir de ce sujet à des fins électoralistes. Lorsqu’elles veulent attirer des identitaires dans les urnes, elles savent glisser dans un livre (Darmanin) ou sur Cnews leurs messages judéophobes. Et lorsqu’il s’agit de nuire à l’extrême gauche, aux personnes racisées, aux Musulmans, les accusations d’antisémitisme pleuvent, ne se basant que sur un mot, une interprétation, un sophisme, des mensonges, des diffamations. Si on soutient la Palestine face aux crimes de guerre d’Israël, nous sommes taxés d’antisémites. Si on taxe Zemmour d’ordure raciste, nous sommes taxés d’antisémitisme (et ce dernier a même droit à un coup de fil de soutien de Macron) ; si on accuse Rachel Khan et son entourage d’islamophobie, bis repetita : d’antisémitesme. Les politiques au pouvoir jouent à un jeu dangereux, car si des néonazis ont pu manifester dans Paris la main tendue et le slogan xénophobe chanté haut et fort sans que cela n’émeuve Darmanin et le Préfet, si les médias déroulent le tapis rouge à Zemmour, Bardella et Le Pen, si les flics peuvent en toute impunité éborgner et tuer des personnes racisées ou musulmanes, si Macron a pu rendre hommage à Pétain, c’est bien parce que certains mots, à l’instar de « l’antisémitisme », ont été dévoyés, vidés de leur sens et utilisés comme bouclier pour salir les opposants politiques de la gauche antiraciste.


  Puis il y a eu la séquence « Roger et les Arabes». Double nationalités : pour Roger Chudeau (RN), le fait que Najat Vallaud-Belkacem a été ministre "n'était pas une bonne chose pour la République". Imaginez que Roger ait dit la même chose pour une personne portant un nom juif et qui aurait aussi une double nationalité : ça hurlerait partout à l'antisémitisme. Le RN n'a pas changé, il a juste déporté sa haine vers d'autres sémites. Le RN, s'apercevant de sa "boulette" et du niveau de xénophobie stratosphérique de Roger, commence doucement à faire marche arrière. Mais n'y voyez pas une remise en cause de leur idéologie raciste et ségrégationniste : les binationaux représentent 3,5 millions de personnes et, en pleine campagne électorale, ce serait dommage de se priver d'une partie de ces électeurs. Mais voilà, le problème de Roger et plus généralement du RN, ce sont les personnes racisées. Arabes ou noires. Je n'apprends rien à personne ici. Le RN souhaite donc empêcher les binationaux d'accéder à certains métiers – dont ceux les personnes naturalisées françaises. En interview, Jordan Bardella donnait l'exemple des directeurs de centrales nucléaires. L'exemple est étrange : sous-entend-il une volonté de nuire en créant un accident nucléaire ? Une restriction similaire à celle de 1930 dont le but était d'empêcher les médecins et avocats juifs d'exercer en France. Au-delà d'être discriminatoire, cette mesure se heurte également à la Constitution. Les métiers liés à la diplomatie, à la défense ou au budget sont effectivement réservés aux Français et, n'en déplaise aux xénophobes, un binational est AUSSI un Français. Adopter une telle restriction reléguerait les binationaux dans une sous-catégorie de citoyens : une citoyenneté de seconde zone. Il s'agit là d'une ségrégation.


   Mais cette mesure discriminatoire voulue par certains cadres et sympathisants du RN pose une question plus vaste : celle de la valeur du droit du sol et/ou de l naturalisation. Obsédé par l'identitarisme, le Français se revendiquant "de souche", va ainsi hiérarchiser les "races" en supprimant des droits et des librtés à certaines catégories de citoyens. Mais le citoyen votant RN ignore sûrement qu'un gouvernement d'extrême droite est un danger pour ses propres droits et libertés. Il ignore aussi (ou se fiche) que le RN, au fil des jours, a supprimé de son programme toutes les mesures économiques et sociales destinées au rétablissement des conquêtes sociales et à l'amélioration du pouvoir d'achat. Il ignore que le RN est pour la privatisation du service public et veut adopter des mesures fiscales qui ne vont bnéficier qu'aux plus riches.


   « On n'a jamais essayé". » Alors vous, peut-être de votre vivant, mais d'autres sont en train de vivre l'enfer. En Argentine, 50 % de la population vit sous le seuil de pauvreté depuis l’arrivée de l'extrême droite au pouvoir. En Italie, la suppression du revenu de citoyenneté (équivalent du RSA) par Giorgia Meloni en pleine explosion de l'inflation (+ 8,1 % en 2022, + 5,7 % en 2023) a porté le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté absolue à 5,6 millions de personnes, soit 10 % de la population. En Finlande, depuis juin 2023, la coalition centre droit/extrême droite "a présenté un vaste plan de coupes budgétaires, réduction des droits des travailleur·ses et des prestations sociales en contournant les négociations. De nombreuses mesures transgressent les conventions de l'OIT (Organisation internationale du travail). Le gouvernement envisage maintenant de modifier le système de négociation collective en faveur des employeurs au détriment des représentant·es des salarié·es." En somme , lorsque l'extrême droite est au pouvoir, même le plus souchien, même le cul le plus blanc de la rue, peut être victime de ses mesures liberticides, économiues et antisociales. Mais ça, l'électeur RN, ne le sait pas encore, et lorsqu'il le découvrira, il sera déjà trop tard.


   Il ne reste rien du programme économique et social du RN. Ils sont revenus sur toutes leurs promesses. Il ne reste que la xénophobie, l'islamophobie et des mesures fiscales avantageuses pour les ménages les plus aisés. Ne venez donc pas me dire que l'électeur RN n'est qu'un bougre un peu perdu. L'électorat RN sait que Bardella ne supprimera pas la réforme des retraites, l'électorat RN sait que Bardella s'oppose à l'égalité hommes/femmes. L'électorat RN sait que le parti est pour la privatisation et les profits des plus riches, puisque c'est eux-mêmes qui l'ont annoncé cette semaine. L'électorat RN est raciste ET capitaliste. Pendant 7 ans de macronisme, les libéraux se sont appropriés un discours identitaire, ont banalisé le racisme et l'islamophobie, ont pratiqué le négationnisme et le révisionnisme pour blanchir l'extrême droite de son antisémitisme. Le capital est prêt à toutes les bassesses et tous les crimes pour se sauver, alors les électeurs d'extrême droite sont devenus ses idiots utiles. Médias et instituts de sondage se sont joints à la meute pour organiser la montée et la banalisation d'un parti fondé par des Waffen-SS, des colonialistes et des criminels de guerre. 7 années qui ont permis à l'extrême droite d'arriver aux portes du pouvoir. 7 années de violence en toute impunité : chaque mutilé lors de manifestation, chaque meurtre raciste par une police aux ordres de la bourgeoisie, chaque loi qui venait détruire 60 ans d’acquis sociaux, chaque mesure qui donnait plus de pouvoir à une institution xénophobe et violente, chaque jugement qui venait détruire la vie d’un précaire, chaque jugement qui venait relaxer ou innocenter un délinquant bourgeois…


  Tout est déjà en place. Le tic-tac des heures sombres est enclenché depuis longtemps. Il est minuit et 2 minutes.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.