Ici, je vais analyser la hiérarchisation de l'information ; comparer le traitement médiatique, le degré d'empathie et le vocabulaire appliqués à une maison qui brûle à Los Angeles versus des dizaines de milliers de personnes tuées par les bombes israéliennes. Il s'agira aussi de mettre en exergue l'invisibilisation de la souffrance des populations précaires victimes elles aussi des incendies et enfin d'analyser la responsabilité de la « upper class » dans l'aggravation de la catastrophe environnementale actuelle. Presse française et américaine toutes les deux unies dans une trumpisation de l’information.
On pourrait parler de « la loi du mort-kilomètre » ou « principe de proximité ». Cette loi présume que plus un événement est distant de nous, moins il éveillera notre intérêt. Et même si Los Angeles est à 9000 kilomètres et Gaza seulement à 3000, le français s'assimile davantage à l'occidental blanc en proie aux flammes qu'au gazaoui racisé sous les bombes. Il s'agit donc davantage ici de « proximité culturelle ». Dans les médias cela s'est traduit par un racisme exacerbé, une déshumanisation systématique des Palestiniens : les assimilant à des terroristes ou des animaux, en prétendant qu'ils se servent les uns des autres comme bouclier humain, en invisibilisant leurs souffrances ou pire : en diffusant des fakes news comme par exemple, des décapitations de bébés israéliens. Et lorsqu'ils parleront des enfants gazaouis, ce sera pour dire qu'ils meurent de froid, de malnutrition, de manque de soins ou dans un bombardement qui soi-disant visait des terroristes. Mais ils ne diront pas qu’Israël avec l'aide des États Unis a détruit 95% des infrastructures, comprenant tous les hôpitaux, qu’Israël affame délibérément la population, qu’Israël a tué plus de 300 humanitaires en Palestine et 145 journalistes. Les médias impérialistes mentent, se taisent, ou euphémisent un génocide mais lorsque des occidentaux sont touchés par une catastrophe naturelle : en avant toute ! Direction « pathos » et larmes de privilégiés.
Il y a plus d'images en deux jours sur des maisons de millionnaires qui brûlent que sur les bombardements à Gaza en 15 mois. On a plus d'estimation sur le montant des dégâts et le nombre de mort à LA que sur la catastrophe à Mayotte. Alors afin de dissiper tout doute, je suis triste de voir la planète brûler. Triste lorsque c'est en Algérie, en Grèce, en France, au Brésil, dans la forêt amazonienne, en Tunisie, au Canada, aux USA. Triste de savoir que ces incendies sont causés ou amplifiés par le réchauffement climatique et les modes de production et de consommation des pays riches. Mais là encore il est intéressant de voir le traitement médiatique : aucune remise en question du système capitaliste, on saute directement au résultat : ma maison à 3 millions de dollars a brulé". Et là je tombe sur une séquence lunaire. L'interview de James Wood larmoyant car sa maison a été détruite par les flammes. Jusque-là on pourrait se dire que c'est normal et j'aurais pu être émue mais voilà ça fait un an que cet acteur tweete des hashtag #killthemall en parlant des Palestiniens, « tuez-les tous » en Français. Un an qu'il dit « Pas de cessez-le-feu, pas de compromis, pas de pardon » . Un an qu'il pérore « beau boulot » en illustrant son propos de la photo d'une Palestinienne pleurant sur les ruines de sa maison bombardées et la mort de ses proches. Et là James vient pleurer à chaudes larmes sur sa villa et les souvenirs peut être perdus. Je ne nie pas sa souffrance mais mon empathie ne couvre pas les pertes matérielles du génocidaire James.
Oui, j'axe délibérément sur les millionnaires interviewés car la majorité des personnes interrogées dans les médias mainstream ou mises en avant par ces derniers sont des privilégiés. Ceux qui n'auront aucun problème financier à reconstruire leur maison sur des cendres. Encore une fois le système médiatique invisibilise les plus précaires. Ceux à qui leur assurance va envoyer un bout de papier où il sera écrit « refus d'indemnisation ». De plus, Los Angeles est aussi surnommée « la capitale des sans-abris », 75 500 personnes vivent à la rue. Le prix médian d'un logement dépasse le million de dollars, il n'est pas rare de voir dans ces sans abris des travailleurs gagnant 4000 dollars par mois. Mais là-bas, même avec un smic à quinze dollars de l'heure, c'est la misère qui domine dans les rues du centre-ville. Qu'est-il advenu de ces personnes ? Silence ! des millionnaires pleurent.
« 50 % des départs de feux sont causés par l’homme – mégots de cigarette, appareils électriques. Mais ils prospèrent davantage avec le réchauffement climatique, qui fournit le combustible et les conditions : des végétaux secs, des chaleurs extrêmes et un vent omniprésent depuis des semaines. » Notre système capitaliste a décidé d'ignorer le réchauffement climatique, d'ignorer les effets néfastes de la croissance à tout prix, de prendre pour acquis que cette planète était sienne et non celle de millions d'espèces la peuplant. Neuf millions de personnes meurent chaque année dans le monde à cause de la pollution et les élites s'en cognent parce que cela touche majoritairement les pays en voie de développement. Pour les « pauvres », il n'y a pas de décompte des morts, pas de mesures d'urgence, pas d'arrêt mondial de la production, pas de pause dans la croissance. Mais on a du bol : tu vis à Los Angeles et moi à Paris, alors lorsqu'une catastrophe naturelle touche nos zones géographiques, c'est qu'elle touche aussi les élites capitalistes. Alors là c'est branle-bas de combat ! Quand les 1% sont touchés, ils savent veiller à leurs intérêts et prendre les décisions qui les protègent, eux.
Nous continuons de faire confiance à ces criminels en col blanc qui nous chantent le refrain du « There is no alternative » pendant que le fond de l'air brûle NOS poumons. Au mois de juillet 2023 la terre a vécu les 7 jours les plus chauds depuis 100 000 ans. 43 degrés aux USA, 40 en Chine, 37 en Italie. Mais la grande communauté des élites climatosceptiques préfère ignorer les alertes du « Fonds mondial pour la nature » qui nous apprend qu'entre 1970 et 2018, à cause du réchauffement climatique, les populations de vertébrés, poissons, oiseaux, mammifères, amphibiens, reptiles, ont chuté en moyenne de 69 %. Au fil des années, le déclin continue de s'aggraver. En 2020, ce chiffre était de 68 % et de 60 % en 2018. Méfions-nous, à ce grand jeu morbide qu'est le Capitalisme, les élites ne nous protègent pas. Elles se protègent. Les élites ne nous sauvent pas. Elles se sauvent. Et il serait suicidaire d'attendre des solutions pérennes de la part de ceux qui n'ont à l'esprit que leurs propres intérêts financiers et politiques.
Retour à Los Angeles. La upper class, a délaissé les centres-villes pour s’installer dans de nouvelles banlieues chics (surbubs), sur les collines, dominant la ville, propices aux flammes. Je m'appuie ici sur les recherches du géographe Mike Davis, spécialiste de la ville de Los Angeles. Les privilégiés se sont appropriés la nature environnante en « spoliant le patrimoine naturel de la majorité au profit d’une minorité aisée.» Plus il y a d'habitations dans les zones à risque élevé d'incendie (activités humaines), plus cela aggrave ce risque naturel. « Ces riches propriétaires bénéficient d’une protection presque illimitée contre les incendies. […] La “sécurité” des côtes de Malibu et de Laguna, ainsi que de centaines d’autres enclaves de luxe et de banlieues fermées au sommet des collines, est en train de devenir l’une des principales dépenses sociales de l’État.» Il s'agit donc d'un scandale environnemental, social et politique.
Nous vivons dans un monde où la maison d'un millionnaire occidental qui brûle à Los Angeles fait couler plus de larmes et d'encre que les corps des Palestiniens calcinés par les bombes israéliennes. Et le SEUL point commun qu'il existe entre un Angelenos et un Palestinien c'est d'avoir vu le ciel se teinter d'orange et de rouge.
Silence. Ils pleurent.