COVID-19. L'après crise sanitaire.
La puissance publique gère la crise, surtout celle de la pénurie car l'État stratège a failli. C'est une évidence que peu de monde peut contester aujourd'hui à moins d'être une mule ou un adepte aveugle du macronisme, les deux pouvant être parfaitement compatibles. Nous voilà donc devant une situation compliquée sur le plan politique, épouvantable sur le plan économique, tragique sur le plan social donc trois niveaux de lecture qui obligent à une complète révision de nos politiques publiques. On doit donc passer d'un monde virtuel libéral où l'humain est une valeur mercantile à un monde bien réel qui place l'humain au centre des préoccupations sociales. Pour le dire simplement, il faut interrompre ces politiques publiques où rien n'est vécu mais où tout est interprété. En effet, Macron s'est imaginé en directeur de cabinet comptable qui, sur la base de chiffres, se permet de conduire arbitrairement une politique libérale apprise uniquement dans des livres et auprès de professeurs de comptabilité. Ces gens là sont complètement déconnectés de la réalité sociale que vivent des millions de françaises et de français. La preuve nous est donnée aujourd'hui où les premiers de cordées sont tributaires des premiers de corvées. Cette crise nous oblige à remettre en question notre modèle économique libéral qui depuis trois décennies creuse les inégalités sociales et renforce la méfiance des citoyens vis à vis de l'état. Tous ces gouvernements, de droite comme de gauche, malgré les mises en garde de sociologues et d'économistes de renom, ont déconstruit l'état providence issu du CNR pour le calibrer aux besoins industriels et financiers de multinationales dont le seul et unique objectif est le profit sans limites et sans contraintes. Le maître mot pour justifier une telle pratique est « compétitivité ». Nous arrivons à la limite de l'acceptable où la réduction des coûts a une répercussion directe sur la vie humaine. Stoppons le libéralisme avant qu'il ne nous tue.
L'exécutif depuis plusieurs semaines tente de nous rassurer. Malheureusement, c'est le contraire qui se passe et ceci pour une seule et même raison, les mensonges initiaux dont Macron et Philippe se sont rendus coupables. Tenter de prendre les français pour des imbéciles a été une erreur grossière. C'est un péché d'orgueil qui sera difficile à faire oublier. Je dirai aussi qu'il y a beaucoup d'impensés face au déclaratif. Macron a affirmé que cette crise sanitaire nous obligeait, je suppose devant les générations futures, à repenser notre société. D'accord avec lui. L'impensé vient des silences ou de l'absence de précisions pour dire concrètement quelles sont ou seront les mesures à prendre pour concevoir un autre monde. Là-dessus, rien. On en revient donc à l'état initial de la pensée jupitérienne ; parler comme un perroquet et agir comme un limaçon.
Concrètement, repenser notre société passe par plusieurs étapes comme par exemple la relocalisation d'entreprises et la réindustrialisation de territoires, ce qui n'est pas la même chose. Ces deux objectifs devant permettre une augmentation des chaînes de valeurs françaises qui profiteront aussi bien aux salariés qu'aux entrepreneurs. Revoir la formation en relation avec les entreprises sera indispensable tout comme enrichir le dialogue social avec les partenaires sociaux sans exclusion. Définir aussi des secteurs stratégiques non délocalisables et non sujets à spéculation comme le médicament. Doit-on nationaliser certaines entreprises ?
Cela passe aussi par revoir notre relation à l'Europe. Doit-on oui ou non accepter toutes les normes européennes ? Quelle solidarité à mettre en place avec les pays les plus touchés ? Quel rôle la BCE peut-elle jouer ? Doit-on modifier la législation européenne sur les travailleurs détachés et comment construire une Europe sociale ? Tout un tas de questions qu'il serait utile de mettre sur la table car beaucoup trop de sujets cruciaux dépendent des technocrates bruxellois et non d'une volonté populaire.
Cela passera inévitablement par repenser les traités internationaux et leurs conséquences sur nos relations économiques afin d'éviter une dépendance aux marchés. En effet mettre tous nos œufs dans le même panier est un risque inacceptable dont on prend aujourd'hui toute la mesure. Doit-on par exemple favoriser nos échanges avec l'Europe centrale et le Maghreb plutôt qu'avec l'Asie ? Les tribunaux arbitraux ont-ils une utilité ? Si oui, laquelle ? Peut-on augmenter les coûts indirects liés aux transports en ayant une taxe carbone comme le prévoit la COP21 ? A-t-on intérêt à instaurer un protectionnisme face à des pays aux normes environnementales et sociales absentes ou insuffisantes ? Toutes ces mesures offensives ou défensives, qu'elles soient économiques, juridiques ou sociales doivent être posées. La liste n'est pas exhaustive.
On voit bien que le « made in France » selon Macron est flou sur ces sujets d'après crise alors qu'il serait nécessaire de les examiner dès à présent, sans perdre de temps. L'impensé macronien puise ses racines dans sa proximité avec la finance mondialisée, domaine qu'il faudra réformer et réguler sans aucune concession au risque de voir une nouvelle crise arriver et être encore plus destructrice. Cette pandémie nous oblige à des choix politiques et économiques qui vont directement influer sur la santé sociale et mentale de notre pays. La question n'est pas de savoir si Macron ou Philippe seront à la hauteur de leurs responsabilités. Leur surdité face à la crise des services d'urgences hospitalières, quelques semaines avant le COVID-19, est déjà en soi une réponse. Et nous asséner de lapalissades du genre « Le jour d'après ne ressemblera pas au jour d'avant » dixit Philippe, n'y change rien. La véritable question qui vaille est de savoir qui peut les remplacer car, faisant partie du problème, ils ne peuvent en être la solution. Je ne sais pas si l'homme ou la femme providentiel existe. Je sais seulement qu'il serait préférable d'avoir une personne qui, loin d'interpréter la crise sur des valeurs néo-libérales financières ou boursières, serait capable de mettre son humanité et son vécu au service de la nation. Quand Jacques Toubon fut nommé « Défenseur des droits », beaucoup de personnes, y compris moi-même, ont trouvé cette nomination absurde et grotesque, presque une farce. Il se trouve que l'homme, depuis sa prise de fonction, s'est montré d'une intégrité, d'une respectabilité hors norme. Il a su faire table rase de son passé marqué à droite pour endosser avec dévouement, générosité et loyauté son rôle. Voilà un homme qui, malgré mes différences idéologiques, trouve grâce à mes yeux de gauchiste. Et j'en ai deux, n'en déplaise à Castaner. Malheureusement, ni Macron ni Philippe ne sont de ces espèces d'hommes qui mettent l'intérêt de la nation au-dessus de leurs ambitions. L'après crise sanitaire sera donc une prise de conscience pour choisir celui qui défendra, non pas une minorité d'assistés vivants de leurs rentes et installés à Neuilly-sur-Seine, mais une majorité de français vivants cette crise dans une grande précarité confinés 365 jours par an dans des HLM à Sevran.
Spartacus 2022