La violence
La violence est constitutive à toute société humaine. Elle s'exerce contre une personne ou un groupe de personnes et peut prendre toutes les formes possibles et imaginables : violences conjugales, économiques, sociales, politiques, policières ou judiciaire pour ne citer que les principales. La construction européenne s'est bâtie pour éviter la violence la plus dévastatrice du XXe siècle ; la guerre entre pays d'un même espace. Néanmoins, toute violence n'a pas été éradiquée pour autant. Loin s'en faut. Il reste la violence d'état du quotidien : la plus pernicieuse car la moins critiquable par une partie des citoyens qui préfère pour de multiples raisons se taire ou se soumettre. Quelle soit justifiable ou non, la violence d'état se nomme répression politique, policière ou judiciaire et elle tend à s'abattre sur des personnes réclamant fréquemment une plus grande justice sociale. Dans notre pays de nombreuses luttes ont marqué l'histoire sociale donnant toujours lieu à des répressions sanglantes, parfois meurtrières. Je prendrais comme premier exemple les mineurs de Carmaux qui, en 1892 réclamant plus d'équité, se révoltent. Le gouvernement de l'époque envoie la troupe. Plusieurs grévistes sont arrêtés et condamnés puis relâchés sous la pression. Dans ce cas précis, la lutte a payé. Autre exemple plus tragique avec les grèves des mineurs en 1948 dans le Nord-Pas de Calais où plusieurs mineurs sont tués, d'autres sont arrêtés. L'armée est une fois de plus envoyée pour rétablir l'ordre et instaurer le couvre-feu. Pour accentuer son autorité et briser toute résistance, le gouvernement de l'époque interdit tous les meetings et toutes les manifestations ce qui nous ramène bizarrement à notre époque liberticide du Mouvement des Gilets Jaunes. Le milieu viticole n'échappe pas à la règle avec une succession de crises dont celle de 1907 au Languedoc appelée « la révolte des gueux » où la violence et la répression policière ne connaissent aucune limite. Mai 68 s'inscrit pour sa part dans un mouvement de libération des mœurs qui s'est fini sous la pression de la rue et des syndicats par les accords de Grenelle. C'était une belle mais éphémère victoire. Depuis cette date, les luttes ont connu différents succès, rarement durables car contraires aux intérêts du grand patronat. Néanmoins une constante se fait jour depuis les années 2000 par l'abandon du dialogue citoyen-police par la mise en place d'une politique du maintien de l'ordre plus autoritaire et donc sujette à l'arbitraire. On constate à cet effet l'abandon des commissariats de quartier et la forte militarisation des forces de l'ordre.
Le mouvement des Gilets Jaunes, né d'une hausse des carburants, revendique en ce qui le concerne une plus grande justice sociale et fiscale ainsi qu'une meilleure répartition des richesses. Le pouvoir pour sa part n'a pas su ou pas voulu comprendre les raisons de cette crise et a donc décidé d'utiliser rapidement et sans discernement la répression policière pour éradiquer toute contestation défavorable à sa politique libérale. Ceci prouve comme l'affirmait Max Weber (1864-1920) que la première violence est celle exercée par un gouvernement aveugle et autoritaire. Les troubles sociaux ou les révoltes citoyennes ne sont donc que la résultante de cette violence d'état et rien d'autre. Affirmer le contraire est simplement une manipulation des esprits pour discréditer ou décrédibiliser ce mouvement aux yeux du plus grand nombre sans apporter pour autant une solution politique à cette contestation. Nous le vérifions aujourd'hui par l'enfumage d'un grand débat stérile et inutile. Emmanuel Macron avec son Ministre de l'Intérieur ont ainsi décidé d'utiliser tout l'arsenal répressif que leur conférait la République allant jusqu'à travestir la réalité aussi bien sur le type de violences policières (gaz lacrymogènes, LBD, CRS voltigeurs, matraquages...) que le nombre et le degré des blessures engendrées par les forces de l'ordre. Pour l’OPP* « la force publique se substitue désormais au dialogue social ». N'oublie-on pas non plus les menaces, les intimidations et les condamnations dont sont victimes nombre de Gilets Jaunes allant bien au delà des sanctions habituelles prononcées par les tribunaux. À ce titre citons Benjamin Francos, membre du syndicat des avocats de France qui déplore une inquiétante « alliance politique-police-justice ». Les prises de positions de l'ONU et la condamnation du Parlement Européen contre « le recours disproportionné à la force » par le gouvernement d'E. Philippe en sont les preuves les plus flagrantes. J'ajouterais disproportionné ou injustifié, notamment contre des personnes ne constituant pas une menace. La loi anti-casseur corrigée par le Conseil Constitutionnel est une autre atteinte fondamentale aux lois républicaines. Le conseil de L'Ordre du Barreau de Paris a donc voté à l'unanimité une motion dénonçant les dérives permises par ce texte qui représente « une sérieuse atteinte à la sécurité juridique et au principe de présomption d'innocence ». Son abrogation dans les années à venir constituera un nouveau combat pour redonner à notre pays sa place dans le concert des nations les plus démocratiques.
Encart avec le nombre de blessés, d'amputés, d'éborgnés,
* Observatoire des Pratiques Policières