L'Arc de Triomphe ; entre passion excessive et réalité inacceptable.
« On ne juge bien qu'avec son cœur » dit le poète plein d'entrain. À cela le juriste répond « par les faits ». Qui des deux peut se targuer de détenir la vérité ? Souvent l'expérience n'est qu'une lanterne qui n'éclaire que le chemin de celui qui la porte. Souvenons nous des actes commis contre l'Arc de Triomphe. Certains s'en offusquent y voyant un sacrilège contre un symbole expertisé républicain, d'autres dont je fais parti un acte de rébellion contre un système qui depuis le 17 novembre est simplement inique, violent et liberticide. L'Arc de Triomphe est bien un symbole, ne nous voilons pas la face mais un symbole impérial bâti à la gloire d'un despote, fils néanmoins de la révolution, Napoléon Bonaparte. Je respecte cette vision que des millions de françaises et de français pensent objective et respectable. Pour ma part, j'y vois tout autre chose. J'y vois un empereur qui n'a rien à envier à des despotes comme Néron ou César si ce n'est leurs victoires coûteuses en vie humaine, en souffrance et en rancœur accumulée par d'autres peuples européens soumis à leurs jougs. J'y vois les ombres filandreuses de l'esclavage aboli une première fois par la révolution des sans-culottes mais rétabli en 1803 par ce même empereur pour convenir à un système économique colonial lui aussi injuste et prédateur. J'y vois personnellement le sang noir d'esclaves coulant dans les veines de mon fils et de ses fils originaires de la Réunion. J'y vois Toussaint-Louverture, premier président noir d'une république haïtienne autoproclamée en 1804 fait prisonnier puis enchaîné pour mourir de froid dans le Fort de Joux (Jura). J'y vois tout cela, et pire encore. J'y vois cette misère sociale pour satisfaire à un pouvoir qui se sent supérieur. J'y vois la raison d'état pour bâillonner les voix discordantes qui osent réclamer justice. J'y vois l'amnésie d'une nation remplacée par des symboles guerriers au détriment de la paix, de l'amour ou de la fraternité. J'y vois la tristesse du peuple haïtien que l'on a condamné à rembourser une dette incommensurable pour le prix de sa liberté. Tout cela est gravé dans chaque pierre de ce monument dont les sculptures pour le moins guerrières incitent à la violence. Oui, Gilets Jaunes, je vous comprends mille fois mais j'avoue que mon jugement est partisan dicté par un sentiment d'universelle fraternité où la justice doit être rendue à tous les peuples opprimés, du passé, du présent et du futur car demain d'autres peuples subirons encore la violence d'un tyran. À ce nouveau tyran qui aura fait coulé le sang de victimes innocentes, en éborgnant qui sait certains opposants, les plus zélés s'empresseront de bâtir un temple à sa gloire oubliant de facto ses forfaits les plus odieux. Méfiez-vous des tyrans, petits ou grands et offrez votre compassion à ce soldat inconnu qui a offert sa vie pour que d'autres vies soient épargnées. Ce soldat je le respecte. Il est ce maçon né à Quimper ou ce paysan du Morvan. Il est cet ébéniste aux mains calleuses ou ce tirailleur sénégalais venu de sa terre lointaine. Il est un citoyen ordinaire qui voulait vivre auprès de ses enfants, les voir grandir, les chérir le plus longtemps possible. Mais les tyrans se moquent des petites vies pour peu que leurs ambitions soient folles et vertigineuses. Alors oui, vous pouvez raser l'Arc de Triomphe et le remplacer en ce qui me concerne par un monument symbole de vie ; une immense esplanade ouverte aux quatre vents où seul le soldat inconnu aura sa sépulture. Rien d'autre que cela sauf peut-être un poème qui célébra la vie.
Je vous laisse le choix du poème car tant a été dit sur l'amour.
Spartacus.