La catastrophe du stade du Heysel, en mai 1985, au cours de laquelle trente-neuf supporters ont péri à la suite des exactions commises par les hooligans anglais, a précipité l'adoption, le 19 août 1985, d'une Convention européenne « sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matchs de football » sous l’égide de l’organisation internationale.
Ouverte à la signature des États membres et non membres du Conseil de l'Europe, elle a été ratifiée à ce jour par une quarantaine de pays. La mise œuvre progressive de cette convention, conjuguée aux initiatives prises au sein de l'Union européenne à partir des années 2000, a permis aux Européens de réaliser des progrès considérables en matière de lutte contre le hooliganisme. Mais ce phénomène évolue et persiste néanmoins, comme en témoignent les événements de cette semaine.
Il s'est progressivement avéré que le contenu de la convention de 1985 ne concordait plus avec l’approche et les bonnes pratiques développées au fil des années, et qu'une partie de ses dispositions étaient dépassées. La convention ne prenait notamment pas suffisamment en compte certains facteurs déterminants tels que la sécurisation et les services d'accueil, dont les effets sur le comportement des supporters et les niveaux de risques ont été démontrés. Il a donc été décidé en 2012 de procéder à sa révision.
Le remplacement de la Convention de 1985
Le Conseil de l’Europe a adopté le 4 mai 2016 une nouvelle Convention « sur une approche intégrée de la sécurité, de la sûreté et des services lors des matches de football et autres manifestations sportives ». Elle sera ouverte à la signature des États à Saint-Denis (France) le 3 juillet 2016, date coïncidant symboliquement avec la phase finale de l'Euro 2016 de football. Cette nouvelle convention n'est pas destinée à se superposer à la convention de 1985, mais bien à la remplacer puisque chaque État est tenu de dénoncer la précédente convention avant de signer celle de 2016.
Les dispositions de la Convention du 3 juillet 2016
La nouvelle Convention s'appuie sur celle de 1985, ainsi que sur « la vaste expérience acquise et les bonnes pratiques mises au point en Europe », qui ont permis de développer une nouvelle approche intégrée, fondée sur le partenariat en matière de sécurité et de sûreté des spectateurs. Les dispositions de la Convention s'appliquent aux matches de football qui impliquent des clubs professionnels et des équipes nationales, mais elles peuvent être aussi appliquées par les États membres à des matches de football amateurs ou à d'autres manifestations sportives qui se déroulent sur leur territoire.
L’objectif de la Convention est de promouvoir une approche pluri-institutionnelle intégrée de la sécurité, de la sûreté et des services, ainsi qu’un esprit de partenariat entre tous les organismes intervenant dans les manifestations sportives, en veillant à ce que les responsabilités de chaque organisme public ou privé impliqué soient clairement définies et complémentaires.
En premier lieu, il est demandé aux Parties de veiller à ce que des structures de coordination soient mises en place au niveau national et local. Il s'agit d'offrir un environnement sécurisé et sûr à l'ensemble des participants et des spectateurs, ce qui implique des aménagements appropriés dans les stades. Il faut veiller aussi à ce que soient mis en place des dispositifs opérationnels permettant de gérer efficacement les risques tels que l'utilisation d'engins pyrotechniques, les comportements violents ou racistes.... A cette fin, les personnels chargés de la sécurité, tant publics de que privés, doivent avoir reçu une formation adéquate.
Les risques doivent être évalués en collaboration avec toutes les parties prenantes, et un environnement sécurisé, sûr et accueillant doit être créé dans les espaces publics concernés, y compris les trajets à destination et au retour du stade. Les parties doivent aussi veiller à ce que des « plans pluri-institutionnel de secours et d'intervention en cas d'urgence » soient établis et régulièrement testés.
D'autre part, la Convention met l’accent sur la nécessité d’assurer une communication effective avec les groupes de supporters et la population locale, en vue d'établir une coopération positive et d'imaginer des solutions aux problèmes potentiels. Il s'agit aussi de mettre sur pied des projets à caractère social, éducatif, de prévention de la délinquance ou autres destinés à favoriser le respect et la compréhension mutuels. Cette disposition est inspirée des programmes de « fan-coaching » qui ont été mis en place avec un certain succès depuis des années dans des pays comme l'Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas.
La prévention et la sanction des comportements répréhensibles sont également prévues. Ceci implique en particulier des mesures d'exclusion effective des supporters violents, une coopération internationale pour que les sanctions soient appliquées dans le pays où l'infraction a été commise ou bien celui où réside son auteur, la possibilité enfin d'imposer des restrictions de déplacement à l'étranger.
La coopération internationale est aussi un élément primordial dans la lutte contre le hooliganisme. La Convention préconise la création d'un Point national d'information football (PNIF) faisant office dans chaque pays de point de contact unique pour l'échange d'informations. Ce PNIF vise notamment à permettre l'échange de données à caractère personnel concernant les supporters violents, et à faciliter la collaboration policière entre les pays. A noter que l’instauration de ce PNIF a été imposée dès 2002 à chaque État membre de l’UE par une décision du Conseil.
Quelle efficacité ?
Institution méconnue du grand public, le Conseil de l'Europe a construit une œuvre pionnière en matière de sauvegarde des valeurs du sport et de lutte contre les maux qui l'affectent. On saluera donc l'élaboration d'une nouvelle convention visant à mieux lutter contre les violences qui affectent le sport comme un progrès, en espérant que de nombreux États non membres de l'Union européenne la ratifient, afin d'étendre et perfectionner le dispositif déjà mis en oeuvre sous son égide.
Colin MIEGE, Président du comité scientifique du Think tank Sport et Citoyenneté