Le scandale de la FIFA : une succession de plus en plus compliquée
C’est une nouvelle scène du scandale qui émaille le football mondial qui se joue aujourd’hui, au sein du siège l’UEFA, lors d’une réunion de crise regroupant les 54 fédérations la composant, mais en l’absence de Michel Platini.
Le 8 octobre, Michel Platini (tout comme Sepp Blatter et Jérome Valcke, président et secrétaire général de la FIFA) ont été suspendus 90 jours de leurs fonctions par le Comité d’éthique de la FIFA, censé préserver la bonne gouvernance de l’institution (notons aussi que le sud-coréen Chung Mong-joon est lui suspendu pour 6 ans). Cette suspension, qui en plus de semer le doute sur l’intégrité du champion français, met à mal la candidature du favori à l’élection. En effet, la suspension qui frappe le français l’empêche normalement d’exercer toute activité liée au football pendant ces 90 jours. Or, la date prévue pour le dépôt officiel des parrainages nécessaires à la candidature est fixée au 26 octobre, soit dans 11 jours, donc au milieu de sa suspension. M. Platini a fait appel de cette décision, et des recours restent ouverts, des points de procédure peuvent être évoqués pour lui permettre de se présenter, mais il n’empêche que cette suspension ne facilite pas la suite de sa (éventuelle ?) campagne.
Ce jeudi 15 octobre, lors de la réunion de crise de l’UEFA, une partie du scénario se joue et déterminera certainement les orientations à venir. D’une part les avocats de celui qui est encore président de l’UEFA devraient exposer leurs arguments destinés à dissiper les doutes. D’autre part, la réunion doit évoquer un éventuel intérim, décider si l’UEFA demande un report de l’élection FIFA et surtout permettre de compter les soutiens du français.
C’est donc une étape clé pour savoir si Michel Platini a encore des chances d’accéder à la présidence de la FIFA, notamment face à l’autre « tête de série » de l’élection, le Prince jordanien Ali Bin Al Hussein, déjà candidat face à Sepp Blatter par le passé.
En attendant, ce sont Issa Hayatou pour la FIFA et Angel Maria Villar Llona pour l’UEFA qui assurent les affaires courantes.
Au sein de ce marasme mêlant campagne politique et affaires judiciaires, et au vu de l’importance du poste et de l’organisation, des voix s’élèvent pour réclamer une « autre voie ».
Pour un Président extérieur au monde du football
C’est le Président du CIO, Thomas Bach, qui a jeté un pavé dans la mare en appelant à l’élection d’un Président « venant de l’extérieur, crédible et de haute intégrité ».
Au petit jeu du candidat idéal, une idée pourrait faire son chemin. Celle de choisir une personnalité extérieure non seulement au monde du football, mais aussi au monde du sport. Une personnalité qui pourrait assurer l’intérim et préparer, dans la sérénité, l’organisation de nouvelles élections. Alors certes, les statuts actuels de la FIFA ne permettent pas cette possibilité, et les tenants de l’autonomie du sport verront dans cette proposition une atteinte à ce principe fondamental, reconnu notamment par les Nations Unies. Toutefois, comme l’a rappelé Thomas Bach dans son communiqué, « il y a un problème structurel qui ne sera pas seulement réglé par un changement de président ». Il faut donc repenser les institutions du football pour éviter qu’il ne sombre, et l’impact médiatique qu’aurait la nomination d’un président par intérim au-dessus de tout soupçon n’est pas à négliger.
Alors qui pour jouer ce rôle d’homme providentiel ? Si on raisonne en termes d’intégrité et de stature internationale, un nom sort du lot : celui du Secrétaire Général des Nations Unies.
Cette proposition, volontairement fantaisiste, mérite néanmoins qu’on s’y attarde quelques minutes. Tant Ban Ki-Moon que son prédécesseur Kofi Annan sont des diplomates confirmés, rompus aux négociations et, on peut l’espérer, au-delà de tout soupçon. Ils ont pour eux une grande connaissance des sujets politiques internationaux, et ont participé chacun à ce que le sport soit reconnu comme un outil de paix et de développement par les Nations Unies.
Certes, Ban Ki Moon a bien d’autres sujets à traiter, d’une importance tellement plus grande que de rétablir l’ordre au sein de la FIFA. Vous l’aurez compris, l’idée ici n’est pas d’imposer telle ou telle personnalité, ni de placer la FIFA sous la tutelle des Nations Unies, mais bien d’imaginer le possible recours à une aide extérieure pour casser les habitus d’autarcie et assainir le monde du football.
L’importance de la bonne gouvernance
Au-delà des hommes, le point le plus important du renouveau que doit connaître la FIFA, quel que soit son Président, sera le retour à une « bonne gouvernance », pour sortir des « affaires » qu’elle connait aujourd’hui et qui entachent son action.
Tant dans son fonctionnement que dans ses actions, la FIFA et ses membres doivent revenir à des principes éthiques simples qui sont en grande partie déjà contenus dans le Code d’éthique de la FIFA : transparence (des finances, des règles, des dirigeants…), responsabilité, démocratie, bonne gestion, lutte contre la corruption, non-discrimination, fair-play, égalité, intégrité… De plus ces principes se doivent d’être assortis de mécanismes de contrôle efficients.
Le football a aujourd’hui du mal à s’autoréguler, et c’est en ce sens que l’injection de sang nouveau peut lui être bénéfique. Encore une fois, ce n’est pas changer un homme pour le changer, mais pour permettre d’impulser une dynamique, un renouveau dans une instance vitale pour le sport mondial.
Enfin, si le mouvement sportif dans son ensemble ne priorise pas questions de gouvernance, il sera possible pour les autorités européennes de régulation de prendre le relais, comme ce fut le cas avec l’arrêt Bosman, ce qui pourrait porter atteinte à l’autonomie du sport. Loin d’être une menace sans fondement, l’idée suit son cours actuellement dans les hautes sphères européennes…
Julian JAPPERT, Directeur du think tank Sport et Citoyenneté