Selon les chiffres publiés en début d’année, on compterait en France près de 12 millions de personnes touchées par un handicap, qu’il soit visible ou invisible (80 millions en Europe, soit près de 15% de la population européenne d’après le travail mené dans le cadre de la revue Sport et Citoyenneté n°26, mars 2014). Pour ces personnes, et malgré les avancées prévues dans la loi du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », l’accès à un certain nombre de services ou domaines de la vie sociale reste complexe. On pense bien sûr aux questions relatives à l’emploi, à la scolarité, à la vie quotidienne… mais aussi aux activités culturelles et sportives, qui constituent un « droit fondamental », comme l’a réaffirmé en introduction des débats la Ministre Ségolène Neuville.
L’enquête inédite sur la pratique sportive des personnes en situation de handicap, réalisée par TNS Sofres et révélée hier en exclusivité par Roman Ptaszynski, responsable de l’expertise Sport de TNS Sofres, révèle de nombreuses données sur les motivations des pratiquants en situation de handicap, les freins qu’ils rencontrent au quotidien et les leviers à actionner pour développer la pratique.
Un intérêt réel pour le sport, et des motivations tournées vers le plaisir
Le premier enseignement de cette enquête est que les personnes en situation de handicap ont un intérêt marqué pour le sport, à l’image de la société française dans son ensemble. 70% des personnes interrogées sont en effet très ou assez intéressées par le sport en général. Et contrairement aux idées reçues, pratiquer une activité physique ne signifie pas systématiquement « rééducation » pour les personnes en situation de handicap. Les motivations premières sont à rechercher du côté d’une pratique tournée vers la santé et le bien-être (70%), le loisir (48%), l’intégration sociale (32%) ou encore le développement personnel (28%).
Pour les personnes en situation de handicap mental, les deux raisons principales sont la sociabilisation et les effets positifs sur le comportement.
En ce qui concerne les façons de pratiquer, là aussi les enseignements de l’étude TNS Sofres-Fondation FDJ interpellent. Car pour 77% des sondés, c’est à domicile que s’effectue la pratique, loin devant les lieux publics (59%) ou encore les clubs et centres de fitness (46%).
Des freins multiples
Si les motivations des non-pratiquants, qu’ils soient valides ou en situation de handicap, se recoupent souvent (manque de temps, manque d’argent, manque de motivation…), ces facteurs semblent renforcés par les difficultés que peuvent rencontrer au quotidien les personnes en situation de handicap.
Parmi ces difficultés, comment ne pas parler de l’accessibilité (ou plutôt de l’inaccessibilité) des infrastructures et des services ? Un frein tellement évident mais toujours réel, comme l’a rappelé France Poret-Thumann de la Direction des Sports du Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. En effet, d’après le recensement des équipements sportifs (RES), moins de 1% des 270 000 équipements recensés aujourd’hui sont dits accessibles de façon complète (cadre bâti, mais mode de transport, dessertes, etc.). Même si ces chiffres sont à prendre avec précaution (en raison de l’aspect déclaratif du RES), ils interpellent néanmoins sur la réalité de la situation, et sur l’espoir d’un possible accueil des Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. Pour la présidente du Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF) Emmanuelle Assmann, « les Jeux pourraient nous faire gagner 30 ans en la matière ».
De plus, cette accessibilité est souvent envisagée pour le seul cadre bâti. Or, pour les personnes en situation de handicap mental par exemple,l’accessibilité signifie avant tout un accompagnement humain continu, ce qui est un frein considérable à la pratique quotidienne.
100 heures de direct pour les Jeux Paralympiques de Rio 2016
Au-delà de l’accessibilité, l’un des défis demeure la nécessité de convaincre, pas seulement la personne handicapée mais aussi son entourage, et parfois, paradoxalement, le milieu médical, des bienfaits d’une activité physique adaptée. Sur ce point, l’information est capitale. Le rôle des médias aussi. Invité à présenter le dispositif mis en place pour les Jeux Paralympiques de Rio, le journaliste de France Télévisions Laurent Luyat a annoncé que près de 100 heures de direct seront consacrées à cet événement majeur l’été prochain (sur France 4 mais aussi sur France 2). L’occasion de suivre les exploits de champions tels qu’Arnaud Assoumani (saut en longueur) ou Damien Seguin (voile) ou encore Ryadh Sallem (basket et rugby fauteuil) présents mercredi soir.
Des pistes d’actions concrètes pour développer la pratique
Parmi les leviers évoqués pour rendre la pratique accessible figure également l’adaptation de l’offre sportive aux désirs des pratiquants (loisirs, découverte…). Ces enjeux ne sont pas propres au territoire français, puisque Julian Jappert, Directeur du think tank Sport et Citoyenneté soulignait qu’un débat portait sur le même sujet, le même jour, au Parlement européen. Malgré les avancées soulignées, des défis demeurent selon lui en ce qui concerne la mise en accessibilité des équipements ou encore l’évaluation des politiques menées.
En clôture des échanges, le président de la Fondation d’entreprise FDJ Charles Lantieri a dévoilé trois pistes d’actions qui seront suivies par la Fondation ces prochains mois dans le but de favoriser la pratique sportive. Ces pistes de réflexions sont issues en partie de la consultation d’experts coordonnée par le Think tank Sport et Citoyenneté en amont des Débats*.
La Fondation FDJ lancera ainsi un appel à projets pour encourager la mise en œuvre d’activités physiques et sportives au sein des établissements spécialisés sur tous les territoires, sur le modèle du projet « Tous en Forme ! ».
La seconde piste de réflexion concerne la création de contenus spécifiques sur le réseau communautaire du sport GOALEO, permettant ainsi aux personnes handicapées de trouver des témoignages, des conseils et des lieux de pratique, mais aussi de mettre en relation des personnes handicapées entre elles pour une pratique commune et d’encourager une pratique mixte (personnes handicapées et personnes valides).
Enfin, un travail sera fait afin de sensibiliser au changement de regard sur le handicap, en partenariat avec la Fédération Française Handisport et son projet « en route vers Rio » à destination de tous les élèves scolarisés.
Trois pistes d’action basées sur des données tangibles et confrontées à l’analyse d’experts du sujet, consultés par le Think tank Sport et Citoyenneté. Une conférence de haut niveau réunissant l’ensemble des parties prenantes du sujet, sous l’égide de la Secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées : pour cette première édition, les Débats du Sport Solidaire ont tenu leur promesse : placer la question de la pratique sportive des personnes en situation de handicap en tête de l’agenda politique du gouvernement et du mouvement sportif.
Sylvain LANDA, Directeur adjoint et rédacteur en chef, Think tank Sport et Citoyenneté
* Le collège d’experts se compose de Michaël Attali, professeur à l’Université Rennes 2, Président de la société Française d’Histoire du Sport et membre du Comité Scientifique du think tank Sport et Citoyenneté ; Gilles Barbier, fondateur et directeur du site Handicap.fr ; Mai-Anh Ngo, ingénieure de recherche au CNRS, docteur en droit spécialisée en droit du handicap et droit du sport et Secrétaire générale de la Fédération Française Handisport ; Matthias Gütt, consultant et spécialiste européen dans le domaine sport/handicap, président du réseau « Sport et Handicap » du think tank Sport et Citoyenneté ; Roy Compte, Vice-président de la Fédération Française de Sport Adapté et sociologue ; Jean Minier, Directeur Technique National de la Fédération Française Handisport et Frédéric Reichhart, maître de conférences en Sociologie à l’INS HEA et rapporteur des débats.