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Billet de blog 8 août 2024

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HYDROGÈNE 1 - QU’EST-CE QUE L’HYDROGÈNE ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 21ème siècle bien entamé, la maison monde brûlait toujours plus que les humains s’abîmaient dans des écrans, reflétant les profondeurs absurdes d’un désarroi nihiliste collectif. Malgré les réalités de crises climatiques s’accentuant - les 21 et 22 juillet 2024 la terre avait battu d’affilé le record de température moyenne mondiale du 6 juillet 2023, avec respectivement 17.09 et 17.15°C - les climato-sceptiques échauffaient les réseaux de dénis emplis de mépris, à propos des couleurs des cartes météo. De quoi perdre un temps précieux, au lieu de collectivement s’organiser. L’effroi solastalgique grimpant exponentiellement, comme le mercure et les comportements irrationnels fascisants, l’ère des pénuries, des pandémies et des guerres de proximité allait bon train. En France, sa Majesté Manu 1er avait décrété la « fin de l’abondance » et l’avènement du Service National Universel volontaire, suite à l’invasion de l’Ukraine par le triste Tsar Proutine. Le dynamitage des gazoducs Nord Stream 1 & 2, qui reliaient l’Empire russe à l’Union Européenne, faisait le jeu des USA, qui voyaient l’UE comme un marché régional à alimenter en gaz naturel liquéfié. La guerre avait également mit un sacré coup de pied aux fesses des européens, qui avaient alors accélérés la mise en place du plan REPowerUE : gagner en souveraineté énergétique tout en réindustrialisant une Europe décarbonée, grâce à l’hydrogène.

Exaltés par les promesses d’essors technologiques miraculeux, les recherches acharnées de scientifiques dévoués et autres nuits blanches d’ingénieurs doutant de la faisabilité des décisions illuminées d’Urlula Fan Deo Lyen, déterminés à sortir du marasme moral et économique post covid, les européens - qui faisaient pleinement confiance à la Commission Européenne - avaient tout misés sur l’hydrogène pour se réindustrialiser. Un inespéré ticket garantissant de gagner en souveraineté énergétique. Ainsi qu’en compétitivité, en développant des filières d’hydrogène « renouvelable », dont les infrastructures vertes se déploieraient à travers le Vieux Continents, ainsi décarboné. Le mode survie activé, afin d’attirer des capitaux en ouvrant de nouveaux marchés, il restait néanmoins de nombreux obstacles à surmonter pour qu’advienne ce salvateur rajeunissement adaptatif. Le Salut à portée d’attractives et profitables décisions géopolitiques, les solutions magiques de technologies à teneur hautement spéculative garantiraient paix, prospérité et félicité à qui saisirait d’une main invisible, mais ferme, les parts de marchés associées. Si les Chinois l’avaient fait, pourquoi pas nous !

-ooOoo-

De son côté, Jammy se demandait depuis combien de temps il n’avait pas pleuré. « Enfin libéré. » Séchant ses larmes, il posa son téléphona et s’effondra dans son lit, d’un soulagement qu’il n’osait plus espérer. On l’avait appelé pour du travail, et pas n’importe qui : Rudolf Sahadey. En personne. Profondément secoué, entre passé et futur, dans un monde aussi proche que lointain, Jammy se rappela quand, 18 mois auparavant, il avait reçu sa lettre de licenciement de Big Broloré, lui indiquant qu’il était « trop humaniste et pas assez raciste ». Une tournure sincèrement méprisante pour signifier qu’il était de gauche dans un monde fasciste.

Qu’importe ! Désormais il avait du travail ! Aussi Sahadey avait été clair : s’il avait racheté BRMC-TV, ça n’était pas pour cultiver les petits enfants, pour ça il y avait déjà Youtube et les jeux vidéos. Non, c’était pour promouvoir le nouvel espoir d’une mondialisation heureuse, à coconstruire ensemble, main dans la main, toutes et tous connectées autour d’une planète globalisée, dont les portes conteneurs AMC GCM, entreprise phare de Rudolf, assureraient d’apporter le bonheur au plus grand nombre. Notamment grâce à de nouveaux gigantesques navires, d’une capacité de 30.000 conteneurs, alimentés avec du e-methanol, produit grâce au Saint Hydrogène Renouvelable.

Et qu’importe si Sahadey était un proche de Manu 1er, ou même qu’il faisait partit des milliardaires les moins imposés de France, grâce à un système d'optimisation fiscale auquel personne ne comprenait rien, Jammy avait une mission, et ce coup-ci il la réussirait. Ne restait plus qu’à contacter la Petite Voix. Et surtout Freud, cet éternel pessimiste au pragmatisme ramenant les pieds sur terre. Jammy avait ouïe dire qu’au chômage, il était retombé dans la cocaïne, ce qui ne laissait présager rien de bon...

ACTE 1 - QU’EST-CE QUE L’HYDROGÈNE ?

- Bonjour les amis. Comme vous le savez, le climat change et il est urgent de décarboner nos sociétés, en transitant vers l’usage d’énergies renouvelables. Vous avez sûrement constaté la présence croissante d’éoliennes ou de panneaux solaires autour de vous, et c’est bien normal, puisque l’Europe s’est fixée comme objectif de réduire d'au moins 55 % ses émissions nettes de gaz à effet de serre d'ici 2030, pour parvenir à la « neutralité climatique d'ici 2050 », mima Jammy de quatre doigts entre guillemets. Pour cela, nous misons sur un minuscule élément chimique, dont l’atome est le plus léger de l’univers, mais qui offre d’infinies promesses : le pouvoir de révolutionner l’industrie et les transports. J’ai nommé l’hydrogène, l’énergie du futur ! Et pour en parler, pas besoin d’aller loin, on va juste demander à Marcel d’ouvrir le capot et nous montrer le nouveau moteur du camion, alimenté par une pile à combustible.

GÉNÉRIQUE - Guitare ROCK’N’ROLL - Trop cool.

PShiiiiiiiii - Le camion s’arrête. Marcel ouvre le capot et pointe du doigt un moteur banal, avec des tuyaux bleus et deux gros symboles H2 sur les caches supérieurs.

Les mains sur les hanches, sceptique, Jammy fit signe à Marcel de refermer le capot : « Bienvenu dans cette nouvelle émission à propos de l’hydrogène, l’élément chimique le plus abondant dans l'univers. Sa composition est très simple : il est constitué d'un noyau contenant un proton, avec un électron périphérique. C’est l’interaction chimique de milliards de petits atomes d’hydrogène, contenus dans une pile à combustible, qui fait avancer ce gros camion, pas vrai Marcel ? Jammy se retourna, mais Marcel était déjà parti vaquer à ses occupations, dont personne ne savait rien. « Classé en première place du tableau de Mendeleïev, le symbole de l’hydrogène est H. Sauf que dans notre cas, il s’agit précisément de dihydrogène, noté H2. Mais par convention on dira hydrogène.

Illustration 1

- C’est donc le gaz « H2 » l’énergie du futur ? questionna la Petite Voix.

- Petit point technique, le dihydrogène n’est pas une énergie, mais un vecteur énergétique. Comme l’électricité, l’hydrogène n’est pas une énergie en tant que telle. Il permet de transposer de l'énergie « primaire », par exemple issue de combustibles fossiles prélevés dans la nature, vers une utilisation finale, comme dans un moteur ou une pile à combustible. Mais avant ça, il faut dépenser de l’énergie afin de produire du dihydrogène, pour ensuite délivrer l’énergie transformée dans une machine, que des usagers pourront utiliser. Comme ce nouveau camion, qui n’émet que de l’eau. Jammy pointa un petit tuyau d’où une goutte perlait.

- Oula ça semble un peu compliqué tout ça...

- T’inquiète pas la Petite Voix, on va prendre le temps d’expliquer les tenants et aboutissants le plus simplement possible. C’est important pour comprendre ce qui se trame à l’échelle planétaire. De quelle transition énergétique nous serons les acteurs et actrices.

- Ah ce point là ?! surjoua la Petite Voix. « Mais alors si ce n’est pas une énergie, c’est quoi le dihydrogène, d’où vient-il ?

- Le gaz dihydrogène est très peu présent à l'état naturel sur Terre. Dans la nature, on le retrouve souvent combiné à l’oxygène, comme dans la molécule d'eau (H2O), ou à de longues chaînes carbonées, comme dans les hydrocarbures (HC).

- Ah je vois, les hydrocarbures c’est le pétrole, le charbon et le gaz.

- C’est ça. Les deux principales ressources qui contiennent de l’hydrogène sont l’eau et les hydrocarbures. Et il y a plusieurs manières d’en extraire l’hydrogène. Je crois que Freud a préparé des visuels pour expliquer au mieux les différents procédés.

- Tout à fait Jammy ! Pour commencer, on peut produire de l’hydrogène à partir d’eau et d’électricité, en faisant une électrolyse de l’eau. L’électrolyseur scinde les molécules d’eau en isolant l’oxygène de l’hydrogène. Mais cette pratique est aujourd’hui très coûteuse.

Illustration 2

La méthode la moins coûteuse, c’est le vaporeformage de gaz fossile à la vapeur d’eau. Sans rentrer dans les détails, retenons que c’est la technique la plus répandue, et qu’elle émet du carbone. Par contre, si on utilisait en entrée du bio-méthane, du méthane issu de la fermentation de la biomasse, cela permettrait d’obtenir de l’hydrogène décarboné.

- Ah oui de l’hydrogène « vert », dit la Petite Voix.

- Patience on y vient. Pour finir avec le troisième procédé, la gazéification consiste à chauffer du charbon à près de 1.000°C, dont la combustion produit un mélange de dihydrogène (H2) et de carbone, ce qui est problématique en terme d’émission de gaz à effet de serre.

Illustration 3

Rassuré que Freud soit aussi enthousiaste, Jammy poursuivit comme prévu : « Et oui, aujourd’hui, plus de 95% de l’hydrogène est produit à partir de ressources fossiles, notamment lors de la cokéfaction, du raffinage du pétrole et la fabrication de gaz. On dit que cet hydrogène est « gris», parce qu’il est très polluant ! C’est pourquoi, grâce à des filtres novateurs, les industriels cherchent activement à développer des moyens efficaces pour capter le carbone émit lors de la transformation d’énergies fossiles en hydrogène, qui sera alors dit « bleu ». Donc à différencier de l’hydrogène «gris », lorsque les émissions de CO2 produites ne sont pas captées.

- Paraît-il que l’hydrogène bleu est une énième manière de verdir les pratiques polluantes d’industriels peu scrupuleux en terme de respect de l’environnement, dit amèrement Freud. Sans lois les obligeant à ne pas polluer, au nom du libre profit, les industriels continueront à tout dégrader sans sourciller. D’où l’importance des pressions qu’exerce l’opinion publique sur les dirigeants, afin qu’ils légifèrent les transformations énergétiques en cours, selon des critères socio-économiques véritablement écologiques. Bref, l’inverse de ce qui se fait aujourd’hui...

Jammy se racla fortement la gorge : « Il faut bien commencer quelque part si l’on veut s’en sortir...

La Petite Voix enchaîna gaiement : « J’ai ici une présentation simplifiée des différentes formes d’hydrogène, plus ou moins carbonées :

Illustration 4
Illustration 5

De son côté, Freud ne semblait désireux de soulever le tapis jusqu’au bout : « On n’en entend pas encore parler, le temps de préparer les esprits, mais le nucléaire va jouer une part non négligeable dans la production d’hydrogène renouvelable et bas-carbone. Parce qu’à terme, en France, on mise sur l’hydrogène pour remplacer le gaz naturel dans les centrales qui produisent de l’électricité. Mais avec l’inévitable baisse du nucléaire dans le mix énergétique, va falloir recouvrir la moitié du territoire de panneaux solaires et d’éoliennes pour produire de l’hydrogène vert...

- Oouh, t’as l’air sceptique mon p’tit Freud, s’amusa la Petite Voix. Pourtant l’hydrogène porte de  belles promesses pour transiter vers un monde plus durable. Par exemple en décarbonant les secteurs les plus polluants, comme la sidérurgie, l’aciérie, la métallurgie et les cimentiers.

- Limiter leurs émissions la Petite Voix, juste limiter leurs émissions. Faut garder en tête que les techniques de capture et stockage du carbone sont rarement aussi efficaces que prévu. Bleu ou vert, l’hydrogène que l’on produira à court, moyen ou long terme ne sera pas si bas carbone que ça. Ni « renouvelable ». Loin de là, vu le coût environnemental d’une éolienne ou d’un panneau solaire, ou même leur rendement et leur durée de vie, sans parler des terres rares qu’il faut pour les faire fonctionner. A nouveau on fait miroiter l’hydrogène comme une solution toute trouvée, mais les promesses pleines d’espoirs médiatiques d’un hydrogène vert va surtout légitimer l’hydrogène bleu, et donc in fine perpétuer l’exploitation de combustibles fossiles. Les lobbies industriels font miroiter l’hydrogène vert, tout en se tenant prêt à vendre de l’hydrogène bleu, voire du gaz fossile, une fois le voile tomber, qui révélera l’irréalisme des objectifs initiaux. Parce qu’à l’hiver venu, on a tous envie de se chauffer. Et qu’au vu des étés qui se profilent, les climatiseurs ont aussi de beaux jours devant eux…

Silence gênant.

S’imaginant enchaîné en fond de cale d’un porte conteneur géant, fouetté par Sahadey pour le forcer à alimenter en e-methanol les 95.000 chevaux du moteur, Jammy répliqua : « En voyant le verre à moitié plein, on se rend compte que l’hydrogène est nécessaire dans de nombreux secteurs. Il permet le raffinage des matières fossiles brutes en produits pétroliers manufacturiers, dont les dérivés sont présents partout autour de nous. Il permet également la production de carburant et biocarburant pour se véhiculer, grâce au méthanol et au e-methanol. L’hydrogène sert également à faire de l’ammoniac de synthèse, indispensable pour produire des engrais dédiés à l’agriculture.

Illustration 6

- Et des explosifs, utiles pour démolir de vieux immeubles, ouvrir ou agrandir des mines, ou pour réarmer le complexe militaro-industriel, ça on ne l’entend pas souvent, ajouta cyniquement Freud. De toute évidence, on ne videra ni remplira aucun verre sans moyen de stocker l’hydrogène, qui est un gaz très volatile, en raison de la petite taille de sa molécule. D’autre part, il faudrait des quantités astronomiques d’hydrogène pour substituer aux fossiles, et j’ai cru comprendre qu’on était loin du compte à ce niveau là, n’est-ce pas Jammy ?

- Tout à fait mon cher Freud. Jammy imagina soulever Freud par le col et lui cogner fortement la tête contre le mur de son cynisme réaliste : « L’industrie de l’hydrogène est confrontée à un développement plus lent que prévu. Entre décroissance économique, ambitions surévaluées et réglementations de plus en plus compliquées à contourner, des vents contraires contraignent l’expansion des filières hydrogènes.

« Y sont graves...ça a pas changé depuis la dernière fois, constata la Petite Voix. Conciliante, elle expliqua sereinement : « En janvier 2024, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) a revu à la baisse, d’au moins 35 %, ses prévisions de croissance pour la production d’hydrogène vert d’ici 2028, en comparaison des prévisions établies en 2023. Au niveau mondial, seulement 7 % des projets annoncés pour la période 2023-2028 devraient aboutir, en terme de production d’hydrogène vert additionnels. Et au niveau européen, la demande en hydrogène électrolytique bas carbone estimée pour 2030, serait huit fois moins importante que l’objectif européen prévu dans le plan RepowerEU, qu’on abordera plus tard.

Freud enchaîna, sans plus respecter le script prévu : « De fait, une multitude de facteurs ont de quoi doucher les espoirs enchantés d’industriels trop ambitieux. Sauf si l’hydrogène, vert ou bleu, devenait extrêmement lucratif pour l’industrie fossile... Aujourd’hui, les coûts futurs de production d’hydrogène bas carbone sont encore très incertains, ce qui freinent les investissements, tandis que les énergies fossiles demeurent plus compétitives. Par ailleurs, les cadres réglementaires, qui diffèrent d’un pays à l’autre, sont jugés désavantageux, instables ou trop contraignants, d’autant plus que les infrastructures sont encore en grande majorité à construire. De la production à la distribution, en plus du stockage - Freud commença à énumérer une liste en comptant sur ses doigts - il faudrait équiper les chaînes de valeurs avec des batteries, des piles à combustibles et des électrolyseurs de grande puissance, alimentés par des « fermes solaires et éoliennes », en gros des panneaux solaires et des éoliennes à perte de vue, interconnectés par des kilomètres de câbles électriques à extraire du sous-sol en ouvrant de nouvelles mines, avant de les enfouir. Pour transporter l’hydrogène, il faudrait des gazoducs, des terminaux portuaires et des navires spécialisés. Sans parler du contexte économique global, qui oscille entre inflation et austérité, avec des taux directeurs et des crédits aux coûts rehaussés...

Ironiquement satisfait, Freud se garda d’ajouter qu’en ces temps de crise, chaque secteur industriel attendait des autres qu’ils soient les premiers à respecter les normes environnementales. Et tant qu’aucune norme ou subvention ne les avantage, attendant patiemment, les multinationales plaçaient stratégiquement leurs pions sur le grand échiquier des marchés financiers. Il fallait ménager Jammy. Et l’audimat.

Lèvres pincées, Jammy fulmina de tant d’insolence. Prenant sur lui autant que possible, il improvisa comme il pu : « Effectivement, il y a beaucoup à faire pour transiter. Comme on dit, le 21ème siècle est le siècle de tous les défis. Aussi, 1 kg d’hydrogène contient autant d’énergie que 3 kg de pétrole, ce qui a de quoi donner envie de se retrousser les manches et faire de notre mieux ! Pour continuer à propos des limites actuelles de l’hydrogène, un des principaux défis est le stockage, n’est-ce pas la Petite Voix ?

- Oui, si il est compliqué de stocker l’hydrogène dans des citernes pressurisées à 700 bar, ce qui nécessite beaucoup d’énergie tout en étant onéreux, tout comme le fait de liquéfier l’hydrogène à une température de - 253°C dans des cuves, notamment pour les moteurs des fusées, on parvient de plus en plus à le stocker dans des batteries. Ou dans des cavités salines, selon l’usage souhaité. L’intérêt du stockage d’énergie sous forme d’hydrogène serait de pallier l’intermittence des énergies renouvelables, en disposant de ressources pilotables. Stables et disponibles à n’importe quel moment de jour comme de nuit, quand il n’y a ni vent ni soleil. En plus, l’hydrogène permettrait de stocker la production d’électricité inutilisée des éoliennes et panneaux solaires, en lissant la distribution sur les réseaux.

Jammy poursuivit : « Et pour ce qui est du transport, si l’hydrogène est difficilement acheminable sur de grandes distances via des pipelines, il est possible de transformer l’hydrogène en ammoniac liquide. Plus facilement stockable et transportable. Pour cela, on y ajoute de l’azote, disponible en grande quantité dans l’air, avant de faire transiter l’hydrogène sous forme liquide via des navires spécialement conçus pour. Ne reste qu’à extraire l’azote à l’arrivée, relarguée dans l’air, pour disposer d’hydrogène vert, là où il aura été expédié. On a donc des solutions pour stocker et transporter de l’hydrogène, qui ne demandent qu’à être développées.

Freud persifla : « En espérant que le Saint Hydrogène ne fasse pas trop pousser des ailes aux industries fossiles, avides d’ouvrir de nouveaux puits d’hydrocarbures, pour extraire et produire toujours plus de biens inutiles, de véhicules individuels « électriques » formant d’inévitables bouchons, dans un effet rebond tristement connu... Et ce en relançant un énième cycle industriel basé sur les fossiles, qui nous ferait perdre 10 ou 15 ans, au nom de la transition et de je ne sais quelle sobriété à assumer individuellement. Culpabilisation démoralisante qui empêche de s’organiser collectivement...de lutter contre les classes dominantes, sans plus désirer leur ressembler, en redonnant du sens à nos existences. Mais pour ça, individuellement, nous devons savoir ce que nous voulons collectivement. D’ici là, ce qui est sur, c’est que les puissants nous mènent à la guerre !

Jammy manqua de s’étouffer. Poings serrés, il se retint de se découper un bout de gencive. Il était temps de conclure ce premier épisode : « Comme dit Freud, à sa manière..., les perspectives futures sont immenses. Pour résumer, l’hydrogène offre des perspectives dans deux grandes dimensions, que sont l’industrie et la mobilité. De nombreuses industries sont en voie de décarbonation grâce à des filtres innovants, et il y a également beaucoup à inventer pour décarboner les transports routiers, aériens, ferroviaires et maritimes. La jambe droite de Jammy tremblait comme jamais, mais son intonation gardait idéologiquement le cap, tandis qu’en arrière fond de son esprit, d’une double pensée encourageante, il se répétait lâchement « il faut faire rêver a dit Sahadey, il faut faire rêver » : « Toutes ces innovations présentes et futures vont continuer de se développer dans les décennies à venir, en transformant profondément nos sociétés. D’abord en décarbonant nos moyens de productions et de transports, puis nous pourrions vivre de manière totalement renouvelable, tout en aspirant à la sobriété. Non subie parce que désirée, conclut hypocritement Jammy, sans oser prononcer le terme « décroissance », pour ne pas leur déplaire.

Pour ne plus honteusement se culpabiliser, Jammy aurait préféré détester Freud, mais c’est lui-même qu’il haïssait. A nouveau il avait accepté une mission de merde, mais s’il voulait s’acheter une bonne bouteille de rhum pour s’y noyer, il lui fallait gagner de la caillasse. Quitte à s’y briser l’âme. Telle était le prix de sa pénitence

A perpétuité soumis

Au Capital

-ooOoo-

Face aux pics pétroliers et gaziers, et à l’inexorable hausse des températures, les énergies renouvelables s’imposaient comme les incontournables énergies additionnelles de demain. L’urgence climatique pressant les opinions publiques, qui anxieusement désiraient que ça change tout en continuant de confortablement jouir de privilèges néocoloniaux, plus question aux États de faire semblant que tout allait bien, était venu le temps de sérieusement montrer que les prochaines décennies seraient une rassurante reproduction du même !

A la manière dont la vie évoluait par sursaut adaptatif lors de crises majeures, les guerres favorisaient les prises de décisions de nations hésitantes, perdues dans la multi polarisation de sociétés aux intérêts multi alignés. Dès à présent, à travers le monde, soutenues par les gouvernements dans d’infernales guerres commerciales, les multinationales se plaçaient stratégiquement sur les marchés régionaux et internationaux de l’hydrogène, via des accords bilatéraux économiques, énergétiques, diplomatiques et militaires, aux morales à géométrie variable.

Les lobbyistes de l’hydrogène bleu allaient-il persuader les politiques et le grand public que le captage et le stockage de carbone était une première marche vers notre résilience collective ? Cette énième illusion capitaliste allait-elle justifier le maintien et la construction d’installations productrices d’hydrogène gris, sans plus investir dans des solutions de préservation et régénération des écosystèmes radicalement décroissantes ? Jusqu’à quand se transmettrait le transfert de responsabilités aux générations futures, encore trop confortablement anxieuses et frileuses pour vraiment s’indigner ?

Comment tout cela évoluerait-il ? Quels moyens structurels seraient déployés, à quelles fins existentielles ? Perpétuer l’ordre mondial narcissique du capitalisme financier numérique, en s’accaparant autant que faire se peut les dernières ressources, ou transiter vers de nouvelles manières d’être au monde plus pacifiées, en harmonie avec soi, son prochain et l’ensemble du vivant ? A nouveau fallait-il une grande réinitialisation guerrière pour refonder les structures institutionnelles, démocratiquement réviser pouvoirs économiques et politiques, en repartant sur des bases sociales plus équitables ? De quelle décroissance l’humanité allait-elle devoir être ? De quelle sobriété les plus aisés allaient-ils s’évertuer, consciemment cesser d’égoïstement tout niquer, ou fatalement, pousseraient-ils les honnêtes gens à se révolter, pour qu’enfin adviennent des modèles de sociétés pérennes, débarrassées des pires parasites ?

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https://www.youtube.com/watch?v=yL0lQtjxrzA&ab_channel=BornBadRecords

ACTE 2 : https://blogs.mediapart.fr/stan-mina/blog/080824/hydrogene-2-morbide-geopolitique-de-l-hydrogene

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