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Billet de blog 8 août 2024

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HYDROGÈNE 2 - MORBIDE GÉOPOLITIQUE DE L’HYDROGÈNE

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bien qu’ils se soient réconciliés, à nouveau la Petite Voix se retrouvait à travailler avec les deux pénibles. En entendant Jammy la supplier au bout du combiné, sachant qu’il avait besoin d’argent pour payer son loyer parisien avec vue sur Montmartre, elle avait accepté le boulot. Surtout, la Petite Voix attendait de voir comment Freud torpillerait l’émission. Non pas qu’il veuille nuire à Jammy, qui n’était qu’un simple pion dans une machine médiatico-politique qui le dépassait totalement, mais Freud en avait gros sur la patate contre les nouveaux milliardaires, qui rachetaient les médias à des fins propagandistes.

Tel un sabot déterminé à enrayer le lavage de cerveau généralisé, Freud arpentait les plateaux télés pour mieux piétiner les idéologies nauséabondes du fascisme 3.0. Comme lorsqu’il avait été invité par Hanoubaba sur CXtrem pour y tenir des discours réactionnaires, attendus de sa part du fait de sa réputation, et qu’il s’était en direct amuser à psychanalyser le présentateur névrosé au dernier degré. Narcissique émotionnellement immature et socialement irresponsable, inféodé à la toute puissance morbide de son papa Big Broloré, qui vampirisait les marchés culturels de l’audiovisuel et de la littérature, en plus des colonies, Hanoubaba avait fondu en larme quand Freud lui avait expliqué que ses besoins de contrôle et d’humiliation relevaient de profonds et douloureux complexes obsessionnels, ancrés en lui durant l’inévitable passage du stade anal. Et que, malheureusement pour lui, les douloureuses épreuves traversées avait durablement pervertis son corps et son esprit, remplis de déjections symboliques et autres frustrations refoulées, à exprimer pour conjurer les traumatismes passés. Pour Freud, c’était normal que le pauvre petit en vienne à embrasser l’anus d’un chien en direct, symptôme hystérique d’une quête de pouvoir hégémonique, au travers d’une sexualisation omnipotente. D’autant plus affirmée que l’acte délibéré en révélait les aspects scatologiques au grand jour, tout en suscitant l’adhésion d’un audimat scabreusement séduit. Suite à cette énième polémique, Freud regardait la télé depuis chez lui, sans jamais avoir été invité à revenir de l’autre côté de l’écran.

La Petite Voix ne savait pas quelles raisons avaient poussées Jammy à rappeler Freud. Peut-être était-ce une demande de Sahadey, qui misait sur l’attractivité du duo pour gagner en audience. De son côté, avant de s’en retourner à ses podcasts féministes, la Petite Voix avait vu au moyen de ces émissions sur l’hydrogène de quoi informer le grand public, tout en alertant sur certains aspects critiques, à révéler, si ce n’était dénoncer. Mais pour cela, il ne fallait pas que l’émission vrille de trop à cause de Freud, sinon Sahadey mettrait fin à l’aventure. Il allait falloir la jouer plus fin que prévu. La question de l’hydrogène était trop importante pour que le sujet leur échappe. Les aspects géopolitiques et géostratégiques qui se tramaient autour de ce nouveau vecteur énergétique définiraient le monde à court et moyen terme. Face à la propagande, les gens devaient savoir à quoi s’en tenir, dans toute la complexité du sujet !

Et ainsi mieux prévenir les guerres à venir.

ACTE 2 – MORBIDE GÉOPOLITIQUE DE L’HYDROGÈNE

4h44 du matin – En sursaut, Jammy se réveilla détrempé de sueur, les tempes battantes d’images cauchemardesques. Violemment affecté, tétanisé dans son lit, l’intensité de ses émotions mit de longues minutes à redescendre. Regagnant péniblement la maîtrise de lui-même, Jammy revoyait Patrice Pougnanié lui susurrer de « revenir à la vie réelle », pour « sécuriser l’approvisionnement énergétique au coût le plus efficace », tout en lui dévorant l’oreille, le tympan, puis tout le crâne, en boucle. La demi bouteille de rhum bue la veille ne l’avait pas endormi aussi longtemps qu’il l’espérait, à tout jamais et sans regret. Jammy se força à vomir de deux doigts, puis relu ses notes. Aujourd’hui il interviewait Patrice Pougnanié, le patron de la multinationale Global’Energies - un type qui ne rigolait pas avec les questions d’énergie, au point de dénier les alertes scientifiques au sujet du réchauffement climatique - pour parler du fameux plan REPowerUE. Trop affaibli pour introduire le sujet, sans introduction Jammy lança le générique :

GÉNÉRIQUE - Guitare ROCK’N’ROLL - Trop cool.

PShiiiiiiiii - Le camion s’arrête sur le parvis de La Dépense à Paris, devant la tour de Global’Energies, une goutte d’eau tombant du tuyau d’écoulement.

- Bonjour les amis. Bienvenu dans cette seconde émission au sujet de l’énergie du future : l’hydrogène vert, dit renouvelable ! Précédemment, nous avons vu que l’hydrogène avait des applications dans deux grands domaines, l’industrie et les mobilités, à des fins de décarbonation de nos moyens de production et de transports. Jammy aurait voulu ajouter « en vue de décroître », mais face au regard d’acier de Pougnanié, la boule au ventre, il se retint. « Nous avions également évoqué le plan REPowerUE, mis en place par l’Union Européenne, et aujourd’hui nous vous proposons d’expliciter cela en présence de Patrice Pougnanié, PDG de Global’Energies, un fleuron de l’industrie française.

- Bonjour Jammy. Merci de votre invitation, et Cocorico à tous les françaises et français qui nous écoutent en cette heure matinale.

« C’est Sahadey, ton super pote milliardaire, qu’il faut remercier surtout... » pensa Jammy, avant d’enchaîner tout sourire : « Permettez-moi de poser le contexte avant que vous ne présentiez le plan REPowerUE. - « Permettez-moi...mais quel laquais je fais... - brève déprime morale - bordel ressaisis-toi mon Jammy ! » Ravalant sa gueule de bois, Jammy se racla la gorge autoritairement : « Hreum. Le 24 février 2022, l'invasion de l'Ukraine par la Russie a eu de graves répercussions sur l'économie de l'Union Européenne. Notamment en terme d’approvisionnement énergétique, alors qu’un cinquième de l’énergie consommée en Europe provenait des combustibles fossiles russes. Dont 45 % de gaz. Dès le mois de mai, afin de se défaire progressivement de la dépendance au gaz, au pétrole et au charbon russes, l'Union Européenne a proposé un plan d’action sans précédent : REPowerUE. Pourriez-vous nous en dire plus ?

- Tout à fait. L’agression militaire injustifiée et non provoquée de la Russie contre l’Ukraine a considérablement perturbé le système énergétique mondial. Cela a entraîné des difficultés liées à la hausse des prix de l’énergie, en plus d’accroître les préoccupations des États membres en matière de sécurité énergétique. Qui plus est, l’attaque de Mr Proutine a mis en évidence l’excessive dépendance de l’Union Européenne à l’égard des importations de combustibles fossiles russes, ce qui demandait une réaction forte et immédiate de l’Union Européenne, d’où le plan REPowerUE.

- Et donc, de quoi s’agit-il ?

- J’y viens. Mais avant laissez-moi vous avertir qu’à l’avenir, l’Europe doit être prête et préparée à une rupture grave de l’approvisionnement en gaz ! C’est très important pour comprendre les choix de la Commission Européenne. C’est donc pour faire face à « la fin de l’abondance », que le plan REPowerUE apporte un second souffle à une Union Européenne d’autant plus renforcée, que nous sommes maintenant déterminés à remplacer rapidement les combustibles fossiles. Et ce en accélérant la transition de l’Europe vers une énergie propre : l’hydrogène renouvelable. Voici ce qui se met actuellement en place, dans une solidarité encore jamais égalée sur notre fier et ambitieux continent, pour économiser l’énergie. Pougnanié se redressa et énuméra de vive voix : « Nous allons diversifier les sources et voies d'approvisionnement énergétiques, tout en instanciant des marchés de l'hydrogène bleu et vert au sein de l’Union Européenne. Dans le même temps, nous allons améliorer et développer l'interconnexion des réseaux de gaz et d'électricité européens, ce qui accélérera le développement des énergies renouvelables. Et pour garantir la pérennité d’investissements aux gains assurés, nous allons renforcer les plans d'urgence de l'UE en matière de sécurité d'approvisionnement. - Jammy se gratta l’œil, cela n’annonçait rien de bon pour les populations d’ici comme d’ailleurs, surtout d’ailleurs. - Vous comprenez que nous avons là un plan redoutable, où s’articuleront judicieusement investissements et réformes, ce qui favorisera la circularité d’échanges énergétiques dont l’efficacité est en plein essor, au vu des pépites, notamment françaises, qui dynamisent la réindustrialisation de l’Europe. Pour résumer, la transformation écologique du système énergétique de l’Europe renforcera la croissance économique, et ce en asseyant notre primauté industrielle dans un monde bas carbone. Notre principal objectif est et restera la neutralité climatique d’ici à 2050.

Illustration 1

- Tout cela paraît effectivement bien ambitieux. Si je ne doute pas que nous saurons nous donner les moyens de transiter, comment les États membres vont-ils parvenir à s’accorder sur un tel projet, alors que durant la pandémie de Covid 19, face aux pénuries la concurrence a semblé prédominer sur la solidarité ? demanda naïvement Jammy.

- L’Union Européenne a su dans un second temps favoriser la coopération avec une politique de vaccination efficace. Et quelle réussite au final, n’est-ce pas. Non seulement on n’entend plus parler de virus, mais cette épreuve a rapproché les États membres, qui aujourd’hui continuent de coconstruire grâce à l’hydrogène, un vecteur de solidarité à développer ! Pour accroître la part des énergies renouvelables, le plan REpowerUE consiste à établir de grands corridors verts à travers l’Europe.

Illustration 2

- L’hydrogène semble converger vers l’Allemagne et les grands ports marchands de Belgique et des Pays-Bas. Que pensez-vous des quantités aujourd’hui produites d’hydrogène, en comparaison des besoins annoncés ?

- Il y a encore beaucoup de travail ! Pour satisfaire les demandes futures, nous allons continuer de développer la production d’hydrogène renouvelable, en multipliant les sources d’approvisionnement, jusqu’à ce que nous soyons énergétiquement indépendant. Ce qui nécessite de créer des connexions transfrontières, afin d’enrichir un marché intégré de l’énergie, qui garantisse les approvisionnements dans un esprit de solidarité. Il faudra bien sur éliminer de nombreux goulets d'étranglement internes et autres contraintes transfrontalières, en matière de distribution et stockage d'énergie. En plus de soutenir les transports de personnes et de marchandises à émissions nulles, dont le renouvellement des infrastructures attirent déjà les investisseurs. Il faut vous imaginez voyager dans des trains à hydrogène, le long d’axes routiers où circuleront des véhicules légers et des camions longs courriers à hydrogène, tandis qu’à quelques mètres sous nos pieds, de l’électricité décarbonée transitera à la vitesse de la lumière.

La Petite Voix s’initia dans la discussion : « Comment allez-vous surmonter les différences de manières de faire entre États centralisés ? Il s’agit un peu plus que de vacciner les populations européennes, bien que la peur du black out puisse favoriser l’adhésion à des solutions non concertées...

Pougnanié évacua l’aspect politique de la critique antidémocratique : « C’est là que l’hydrogène est révolutionnaire. Il n’y aura plus un, deux, ou trois gros tuyaux qui achemineront dans un pays du gaz, ce qui donne de grands pouvoir aux pays qui tiennent les robinets, mais un maillage énergétique qui connectera les territoires. Voyez-là une articulation innovante entre production et distribution d’énergie, du local au global. Les nouvelles chaînes de valeurs que nous mettons en place sont déjà favorables à chaque tissu industriel territorial. Le renouveau énergétique de la mondialisation sera décentralisée, ou semi-centralisée, selon les usages. A l’avenir, les nombreux lieux et moyens de production-distribution-conversion-stockage d’hydrogène s’inscriront dans une multi polarisation des marchés des énergies. Et en plus d’atténuer les tensions sur les chaînes d’approvisionnement, on s’est grandi des leçons tirées du Covid, multiplier les ententes stables à long terme garantira une paix durable. Je vous l’assure, le futur sera bien différent de notre présent.

Illustration 3

Impressionné par l’envergure du projet, qu’il ne soupçonnait pas aussi démesuré dans son impossibilité matérielle, Jammy resta songeur. Freud saisit l’occasion pour intervenir, dans toute son impertinence : « Monsieur Pougnanié, vous avez stipulé « injustifiée et non provoquée » à propos de l’agression de la Russie contre l’Ukraine, peut-on envisager que la guerre ait favorisée la mise en place express du plan REPowerUE, qui devait être déjà bien élaboré en mars 2022 ?

Pougnanié dévisagea Freud, qui, yeux dans les yeux, d’un froncement de sourcil réciproque, tira fort sur son cigare : « Parfois les évènements se combinent de manière avantageuse. En l’occurrence le calendrier s’est bien aligné. Aussi, le fait que l’UE envisageait depuis longtemps de gagner en souveraineté énergétique, en investissant massivement dans l’hydrogène, n’était pas un mystère pour quiconque suivait l’actualité. Et je ne vois pas de mal à cela.

- Aucun mal là dedans, bien évidemment. Freud expulsa la fumée jusque-là gardée dans ses poumons, recouverts d’une couche protectrice de goudron : « Et pour ce qui est de mettre un gros coup de frein à la dépendance au gaz russe, il arrive parfois qu’un gazoduc explose, voire deux en même temps, comme Nord Stream 1 & 2 en septembre 2022. Gazoducs qui devaient, in fine, approvisionner en GNL et hydrogène l’Europe. Des explosions qui ont pu aider à propulser toute une industrie européenne, qui jusque-là peinait à s’en sortir face à la concurrence mondiale.

- Ce sont également des choses qui parfois arrivent. Mais ce n’est pas moi qui écrit l’Histoire. Et on raconte tellement de choses sans vraiment savoir... Peut-être qu’il faudrait demander quelques éclairages à certains généraux ukrainiens, sinon directement aux Américains, qui en plus d’avoir de grandes quantités de gaz à vendre, pourfendaient le projet Nord Stream 2 depuis des années. Lors d'une conférence de presse en février 2022, en présence du chancelier allemand Olaf Scholz, Joe Biden n’a-t-il pas avertit que si la Russie envahissait l'Ukraine, il mettrait fin au gazoduc ?

- Qu’ils sont taquins ces Américains...sympathisa Freud, sans se laisser amadouer. Pour en revenir à l’Europe, les échanges gaziers avec la Russie auraient eu de quoi garantir la sécurité des approvisionnement énergétiques pour les deux ou trois prochaines décennies, peut-être même en évitant une guerre qui semble pousser à une dangereuse escalade des tensions, non ?

- Peut-être oui. Mais à Bruxelles, l’idée dominante est de produire notre propre énergie au plus près des consommateurs, qui ne veulent pas se chauffer ou rouler avec des combustibles provenant d’une dictature menée par quelqu’un qu’on dit fou. Comme je vous l’ai dit, nous avons un plan énergétique efficace, qui commence par développer des réseaux circulaires intra-européens.

Freud s’agaça : « Au-delà de la mise en place du SNU en France, le complexe militaro-industriel se réjouit des profits générés par la guerre...sans parler de vos bénéfices qui crèvent les plafonds depuis le début du conflit.

- Qu’insinuez-vous !? s’indigna Pougnanié.

La Petite Voix tenta de tempérer la situation : « Ce que Freud tente de comprendre, ce sont les rapports tacites qui, à des strates psycho-affectives subconscientes, orientent implicitement les stratégies géopolitiques. Mais sans plus chercher à lire entre les lignes, revenons-en au plan REPowerUE. A combien est chiffré le projet et comment se décline-t-il au niveau des États membres ?

Sa colère tactiquement ravalée, Pougnanié regagna un état propice pour dérouler sa propagande, d’une langue de bois aussi lisse et poncée qu’un godemichet en bois vernis. Il allait n’en faire qu’une bouchée de ces écolos bobos de merde : « Les initiatives de REPowerEU devraient s’élever à plus de 300 milliards d'euros, réparties entre subventions et prêts. Des investissements des secteurs public et privé seront nécessaires pour atteindre nos ambitieux objectifs. Par ailleurs, en février 2023, l’Union Européenne a achevé une réforme qui permet d’ajouter nos objectifs d’indépendance énergétique au fond de relance de 800 milliards d’euros NextGenerationEU, adopté durant la pandémie.

- Ah quand même, ajouta la Petite Voix.

Pougnianié se demanda si elle se fichait de lui, ou si elle allait s’écraser comme tous ces chiens de garde qui attendaient leurs nonos en fin d’émission. Il lui proposerait de partir tous frais payés par Global’Energies en Ouganda, commenter la mise en service de la centrale Sosorry, la plus grande d’Afrique de l’Est, qui enfin apporterait de l’électricité aux populations déclassées qui vivaient dans les zones les plus reculées. Ça faisait toujours bien sur un CV d’humaniste progressiste : « Pour vous répondre, je vais prendre le cas de la France, où comme chacun le sait, le Président Manu 1er a courageusement initié le plan France Relance 2020-2022, afin de relancer l'économie française à la suite de la crise économique liée à la pandémie de Covid-19. Dans la continuité de ces initiatives, a été annoncé le plan d’investissement France 2030. A hauteur de 54 milliards d’euros, ce plan va permettre de rattraper le retard industriel français, en investissant massivement dans des technologies innovantes, afin de soutenir la transition écologique. Il vise également la création de nouvelles filières industrielles et technologiques, dont l’hydrogène, pour ré-industrialiser intelligemment la France et l’Europe. Stratégiquement, il convient de mettre la compétitivité au service de la décarbonation d’anciens et nouveaux marchés valorisés. Toujours avec pour objectif la neutralité climatique en 2050.

- C’est la seconde fois que vous parlez en même temps de ré-industrialisation et de neutralité climatique, pourriez-vous préciser la chose ? questionna Jammy, en essayant d’être piquant.

« Lui il va couvrir la construction de l’oléoduc du port de Tanga en Tanzanie, en payant ses notes de frais », ragea Pougnanié : « La neutralité climatique, c’est devenir le leader de l’hydrogène vert et des énergies renouvelables en 2030, afin de décarboner nos industries, pour ne plus émettre aucun gaz à effet de serre en 2050. Et croyez-moi que la France est bien placée, avec pour ambition de produire dans nos territoires près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides, ainsi que le premier avion bas-carbone. Pour ce qui est de l’alimentation, on désire profondément que les Français mangent sainement, avec des productions durables et traçables. Il s’agit de mieux vivre, en accélérant la révolution agricole et alimentaire, où là aussi la France est un pays leader. France 2030 c’est également la production de bio-médicaments, l’innovation dans les dispositifs médicaux de demain, la production de contenus culturels et créatifs, en plus de technologies immersives. Sans parler de l’aventure spatiale et la quête des grands fonds marins, pour mieux comprendre le monde. Les enfants éclairés d’aujourd’hui seront les adultes éveillés de demain.

- On dirait une liste de fausses belles promesses, lâcha spontanément Jammy. Dépassée, sa complaisance morale ayant changée de bord idéologique, sans retour en arrière possible, Jammy s’emporta en délivrant toute son aversion jusque-là retenue : « Comment comptez-vous parvenir à réaliser tout cela durant la décennie, alors que le gouvernement utilise la puissance de l’État pour casser les services publics, en précarisant de plus en plus de Français dans une austérité qui sent la récession économique, du fait de choix politiques venant de la Commission Européenne ?

Pougnanié fulmina intérieurement, sans qu’une once de sang ne rougisse ses joues maquillées : « Vous n’y connaissez rien en matière d’économie, Monsieur le vulgarisateur de plateau télé. Global’Energies s’assure que les Français puissent vivre confortablement, et vous me parlez de l’appauvrissement d’une population ingrate, alors que le Président Manu 1er leur a octroyé des chèques énergies. Qui croyez-vous être à l’origine de ses dons ? Nous avons longuement réfléchis à comment aider les Français en ces temps de crise, et vous vous permettez de me faire la morale ? - Pougnanié tapa du poing sur la table - Avec Rascal Pro sur N-News, cela ne serait jamais arrivé ! Vous n’êtes pas professionnel pour un sou, comme votre compte en banque est certainement aussi sec que vos compréhensions du monde réel sont limitées. Nous on sécurise l’accès aux matières premières et on fait émerger les startups décisives pour le déploiement de l'innovation, pendant que vous les gauchiasses, vous fumez des joints de CBD sur le balcon de vos apparts parisiens en location.

Jammy vacilla dans tout son être, aussi violenté que fier de s’être fait agresser par un Pougnanié sorti de ses gonds. Ça allait alimenter des vidéos d’analyses durant des semaines, voire devenir un même sur internet. La classe.

Tandis que l’ego de Jammy scintillait numériquement, Freud revint à l’offensive, viril et très peu cordial : « Hey tête de pougnette, ta putain de multinationale numéro 2 mondial du GNL est liée à 25 des pires projets climatiques, tu sais les « bombes carbones » qui flinguent la biodiversité, donc tu repasseras niveau décarbonation. Avec ou sans hydrogène « renouvelable », tout ce que vous voulez c’est poser des pipelines ou des panneaux solaires partout où vous le pouvez, et pour ça vous exploiter la détresse des paysans du monde entier. Et là vous venez nous raconter une belle histoire où nous serions les victimes de Proutine, et que la gentille maman Europe va protéger les petits peuples européens du méchant papa ours. Mais vous avez oublié de dire que Global’Energies est toujours actionnaire à hauteur de 20 % du projet Yapademal LNG, en Sibérie. Avec pour engagement de vendre 4 millions de tonnes de gaz russe par an en Europe. Vous crachez sur la Russie dans les médias, mais en coulisses vos lobbyistes forcent auprès des institutions européennes pour exploiter les failles des sanctions contre la Russie et pour que vous puissiez continuer à extraire à mort des ressources fossiles du sous-sol, en continuant d’enrichir le Kremlin. Vous êtes des hypocrites avec du sang sur les mains !

- Je ne vous permets pas !

- Oh si on se permet, enchaîna la Petite Voix, vous êtes accusés de complicité de crimes de guerre en Russie, et votre ligne de défense consiste à assurer que vos activités à Moscou contribuent à la stabilité du marché européen de l’énergie. Avez-vous pensé aux centaines de milliers de morts russes et ukrainiens, ainsi qu’à toutes les personnes qui pâtissent des crises climatiques, Monsieur le meurtrier de masse ?

- Et c’est pas le fait que 12 députés, 6 sénateurs et 3 ministres français sont actionnaires de Global’Energies, qui empêchera l’Histoire de vous juger, en espérant que la justice aura eu raison de vous avant que vous n’ayez condamnés l’humanité, acheva Jammy, le regard déterminé.

- On s’expliquera au tribunal ! Croyez-moi, vous aurez à faire à tellement d’avocats que votre vie va devenir un long et interminable procès.

- Et nous on se fera une joie de dénoncer publiquement à quel point vous et vos copains êtes responsables du merdier ambiant et du pire à venir.Monsieur, je ne vous dis pas au revoir, conclut Jammy, tout en prenant conscience que sa carrière de journaliste télé était définitivement terminée. Ne lui restait qu’à devenir youtubeur…

Tristement furax, Jammy se sentait puissant. Très puissant. En résonance avec Freud et la Petite Voix, d’une symbiose retrouvée, il se sentait infiniment rayonner. Le paradigme s’étant inversé, l’esprit clair dans un soi recentré, Jammy comprenait maintenant pourquoi il avait rappelé Freud. Sans lui il se laissait happer par le pouvoir, quitte à s’y corrompre opportunément. Mais si Jammy avait renoué avec de vieilles amitiés, soudées dans la confrontation, leurs joyeuses retrouvailles n’allaient pas durer. Dès que Pougnanié aurait informé Sahadey, ils leurs seraient plus compliqué de rire gaiement, d’une si petite victoire. Mais nos trois compères ne s’arrêteraient pas là…

Loin de là !

-ooOoo-

Si sa majesté Manu 1er rêvait sa France chérie future exportatrice d’hydrogène, c’était sans compter sur le fait que la Chine détenait la moitié des capacités de production d’électrolyse dans le monde, ce qui la mettait dans une position idéale pour baisser les prix, en se rendant plus compétitive que prévue. Par ailleurs, une quarantaine de pays avaient dévoilé une feuille de route hydrogène avec de très fortes ambitions d’exportation, dont certains géographiquement proches, comme le Portugal, l’Espagne et le Maroc. Acculé au pied du mur comme il en avait l’habitude, Manu 1er commençait à se résoudre à in fine devoir importer de l’hydrogène.

Face aux pays énergétiquement rentiers, dotés de cash pour investir dans les énergies renouvelables - comme les USA, le Canada, l’Arabie Saoudite, Oman, Brunei ou l’Australie - la France parviendrait-elle à positionner ses entreprises sur les nouvelles chaînes de valeur hydrogène, afin d’augmenter son pouvoir de négociation à l’international ? Parviendrait-elle à garder dans ses territoires la Nouvelle-Calédonie, avec ces gisements d’hydrogène naturel potentiellement exploitables à long terme ? Couverte par Manu 1er et l’Union Européenne, Global’Energies allait-elle couvrir des champs entiers de panneaux solaires, tout en continuant d’extraire des combustibles fossiles dans des pays exploités ?

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https://www.youtube.com/watch?v=jwnLgI2umh4&ab_channel=TheBrianJonestownMassacre-Topic

ACTE 3 : https://blogs.mediapart.fr/stan-mina/blog/130824/hydrogene-3-le-fabuleux-essor-occitan-du-merveilleux-corridor-h2-iberique

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