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Billet de blog 26 décembre 2013

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L'hystérie Scorsese

A voir le "Loup de Wall Street", on se demande ce que montre exactement le cinéma de Scorsese. On sort de son film en étant très perplexe quant à la question de savoir ce qu'on a vu au fond ? On entend les critiques dire : c'est une condamnation des années délirantes de la finance, sans règles et sans mesure ?

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A voir le "Loup de Wall Street", on se demande ce que montre exactement le cinéma de Scorsese. On sort de son film en étant très perplexe quant à la question de savoir ce qu'on a vu au fond ? On entend les critiques dire : c'est une condamnation des années délirantes de la finance, sans règles et sans mesure ? On a eu beau regarder pendant trois heures, rien de tel ne saute aux yeux. Aucune analyse des mécanismes de la finance, aucune mention des dépossédés, aucune réalité sociale comme envers de la finance. Le film se déroule dans une sorte d'asocialité générale. Il y a des traders vulgaires, obsédés de sexe et de drogue, hantés par la seule valeur argent, déjantés sur tous les plans. Voilà la seule réalité montrée à l'écran,  à l'image de la finance virtuelle qui n'a pas de correpondant réel.  Nous sommes plongés durant trois heures dans un très petit monde d'individualités hystérisées par l'argent, la dépense en tous genres, financiaire, sexuelle... A première vue, tout cela ressemble fort à Casino ou aux Affranchis. Les traders prennent la  place des mafieux, même convoitise forcenée, même déni du réel, mêmes aspitations des ego les plus bas et les plus frustres à s'accaparer par tous les moyens argent et jouissance. Même déchainement hystérique. Reste que ce qui se justifiait pour filmer la mafia, et son jeu avec la mort, la présence sourde de la mort, ne se justifie nullement ici. Scorsese transpose sa manière hystérique de filmer à toutes les scènes, bureau, orgies, rencontres amoureuses... Hystérie d'une présence sans profondeur. Aucune approche psychologique, sociale, aucune réflexion possible. On est emporté par une sorte de frénésie d'images sensées traduire l'obscénité de ce petit monde. Mais ce qui est obscène, c'est le manque de recul, le manque de distance, le manque de profondeur. C'est de nous obliger à subir cette agitation délirante sans jamais nous donner un seul instant le moyen de nous évader de ce choc et du déferlement des images. Les personnages, à commencer par Jordan Belfort interprété par DiCaprio, ne sont ni attachants, ni répulsifs, ils sont juste hystériques, agités, frénétiques. Pourquoi ? On n'en sait pas très bien la raison. Le film ne tente rien là dessus. Le capitalisme est-il en cause ? Pas moyen de s'en faire une idée. La convoitise, la bêtise, la vulgarité, la stupidité, oui tout cela joue mais on ne sait toujours pas si au fond ils ne sont pas préférables à une vie qui valoriserait autre chose. Pas sûr que ce film ne soit pas pris  au final comme une invitation à vivre frénétiquement  sa vie ! Le manque d'épaisseur sociale et psychologique des personnages est comblé par le gain de jouissance immédiat. Le cinéma hystérique de Scorsese correspond assez bien à notre époque : la dénonciation est toute de parade, on ne sait pas vraiment si elle n'est pas au fond une vraie séduction, une invitation à jouir de ce dont nous sommes incapables, et de ce dont ces personnages sont au contraire capables : à savoir ici, du pire. L'hystérie de Scorsese fait du cinéma une affaire de bourse(s),  et rien de plus. On attend bien plus d'un vrai cinéma d'auteur. Qui heureusement existe ailleurs.

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