Les négociations ont donc échoué entre le gouvernement et les partis du Nfp qui avaient pris le risque de les entamer : le Parti socialiste, le Parti communiste, Les écologistes. Pire, les socialistes n’ont pas voté la motion de censure avec le reste de la gauche avec des conséquences dont on ne mesure pas encore l’ampleur. Dans ce que nous avons présenté comme une façon syndicale de faire de la politique, on s'aperçoit que les parties politiques ont encore de grands progrès à accomplir en savoir-faire pour ressembler à des syndicats et le gouvernement a un patronat négociant sérieusement.
Quelques petites règles pour les socialistes comme pour Bayrou que n'importe quel militant syndical de base - même élu du personnel comme moi dans une structure d’à peine 11 salariés - connaît et qui pourront être utiles à tout le monde pour la prochaine fois (s’il y en a une et c’est pas gagné).
Règle de base numéro 1 : Si tu envoies quelqu'un négocier en ton nom - patron : responsable des ressources humaines, premier ministre : ton ministre de l'Économie -, ce qu'il négocie t'engage et tu ne reviens pas dessus. Tu fais un point régulièrement avec lui pour être sûr qu'il n'outrepasse pas le mandat que tu lui as donné. Sinon, l’interlocuteur avec qui tu négocies va avoir un sacré problème de confiance, ton négociateur risque de le prendre mal et retourner au chaud dans son poste confortable et bien payé. Et la prochaine fois, les partis demanderont à négocier directement avec toi ce qui t'expose en cas d'échec des négociations. Vu que ta cote de popularité n'est déjà pas très haute, c'est le risque du grand plongeon dans le Gave (de Pau ou d'Oloron, mais c'est le même, non ?).
Règle de base numéro 2 : Tu échanges régulièrement des écrits, tu actes au fur et à mesure où en sont les avancées, et même si cet écrit ne sera pas encore l'accord qui sera finalisé, il lie les différentes parties engagées dans la négociation. Rien qui n'est écrit n'engage personne : les paroles s'envolent, les écrits restent, c'est pas de la littérature mais c'est bien pratique.
Règle de base numéro 3 : Si tu t'engages dans une intersyndicale (= dans une alliance de partis qui négocient), tu refuses d'aller à une réunion où tes partenaires n'ont pas été conviés. Sinon tu fais comme la CFDT quand tout le monde la détestait (comme dit le slogan) et ce qu'elle n'a pas fait la dernière fois et qui fait que, bon maintenant, on veut bien qu'elle promène son Casimir orange dans nos cortège (une petite demande au passage : peut-on éviter de passer Les démons de minuit ?). Sinon tu brises le front syndical, tu risque d’être tricard pour un moment et à la fin tu finis à poil parce que tu as moins de rapport de force. Ah, tiens, c’est ce qui t’es arrivé ?
Réglé de base numéro 4 : Si toi le patron tu fais des sales coups comme ça à tes interlocuteurs, et si toi le syndicat tu fais des sales coups comme ça à ton inter syndicale, sache que, du coup la prochaine fois que tu négocieras avec les uns et les autres, tu devras payer le coût de tes sale coup et ça te coûtera plus cher que d’avoir respecté initialement tes partenaires. Surtout que dans le cas du NFP, les partis qui ont pris le risque de négocier, ont pris un gros risque. Il va falloir un sacré port de miel pour qu'ils essayent à nouveau.
Règle de base numéro 5 : Si pour avoir un partenaire sur ta gauche, tu risques de perdre un partenaire sur ta droite, alors regardes si tu ne peux pas récupérer autant de voix à l'Assemblée en récupérant un deuxième partenaire sur ta gauche qui compense celui que tu perds sur ta droite (bref : coupé-décalé). Il n'y a rien de plus rentable qu'un renversement d'alliance – et au moins c’est la politique à l’ancienne, de Dieu joueur et pas de Jupiter partisan de l’ordre stable, éternel et ennuyeux - et en plus, tu fais ce que les politiques et les médias adorent : du nouveau ! Ça tombe bien : Les républicains refusant la suspension de la réforme sur les retraites te faisaient perdre aussi les socialistes et donc tu as tout à gagner à les larguer pour récupérer Les écologistes. Ça tombe bien 2 : les républicains et Les écologistes, c'est à peu près le même nombre de députés à l'Assemblée autour de 37-38. Est-ce que tu préfères mener une politique avec Retailleau et Wauquiez ou une politique de transition écologique avec Les écologistes ? Disons que ça dépend ce que tu veux laisser dans l'histoire. Être le nouveau Daladier qui a préféré faire la politique de l'extrême droite en 1938 en larguant la majorité de Front populaire (là, comme renversement d’alliance, c’était bien pourri) ? Où être celui qui passera à la postérité comme ayant mis la France en première ligne de la lutte contre la catastrophe climatique et sauvé le monde ? Super loose ou Super Dupont (qui porte un béret béarnais, je dis ça, je dis rien). Bon, moi, je crois qu'Henri IV – qui a quand même largué le protestantisme de sa maman et dont il était un des princes pour devenir catholique pour devenir roi - il aurait pas hésité une seconde. Il ne s'appelait pas le vert galant pour rien… Mais bon, hein, Bayrou, n’est pas stylé qui veut. On n’a pas tous eu une carapace de tortue comme berceau...
Règle de base numéro 6 : Si tu rentres dans une négociation avec comme seul arme le fait que tu fera grève (et donc son équivalent : voter la censure) si tu n'obtiens pas gain de cause, alors si tu n'as pas eu de gain de cause et que, bin, finalement, tu ne fais pas grève (ou tu ne votes pas la censure), alors non seulement tu passes pour un pignouf, mais tu n'auras plus aucune crédibilité ni avec tes interlocuteurs patronaux, ni avec tes alliés syndicaux. Tout le monde le sait y compris, les plus brêles des socialistes : si tu dis à un enfant ou un patron ou à un mari (et c'est à peu près la même chose) : « attention, attention, si tu fais ça il va t'arriver ça » et que quand l'enfant ou le patron ou le mari (c’est donc la même chose) le fait quand même et que toi tu ne mets pas ta menace à exécution... alors tu n'as plus aucune crédibilité pour la suite. Et surtout si tu es socialistes et que, franchement, depuis le tournant de la rigueur de 84, tu as clairement beaucoup perdu de ta crédibilité, surtout que dans tous tes gouvernements successifs ont continué à trahir la gauche, qu'en plus tu as fait élire comme député le président qui a le plus trail à gauche, alors là franchement, tu es juste mort politiquement. Tu gagneras peut-être ton congrès, mais roi d’un astre mort, c’est une ambition très jauréssienne en terme de rallumer les étoiles. C'est ballot, non ?
Le pire de tout ça, ce n’est pas en soit que les socialistes se soient décrédibilisés en direct. On est habitués depuis 40 ans, même si on avait été séduit par le duo d'Oliv' le taiseux et Bobo le fougueux, en se laissant aller à l'idée qu'ils avaient tourné la page du social-libéralisme. C’est qu’on avait besoin de socialistes dans le NFP, pour au moins récupérer les "pas en colères" et pas encore convertis à l'écologie. Mais le pire est que ça va donner des armes (des bazookas même) à celles et ceux qui dès le début ont dit que la politique comme du syndicalisme, ça ne marcherait jamais. Évidemment, ce n’est pas parce que le PSG est incapable de faire quoi que ce soit dans les compétitions européennes que ça veut dire que des français ne pourront jamais gagner au foot contre des italiens (le Red Star arrive bien à ne pas être relégable, donc, hein). Mais, bon, va falloir ramer quand même.
PS : en travaillant un peu les textes de la bible, on devrait pouvoir établir sans doute des règles aussi à partir des innombrables négociations entre Dieu et son peuple, Dieu et ses prophètes, les faibles et les puissants de la bible... Ce serait marrant de voir si ce sont les mêmes ou d'autres. Si quelqu'un est volontaire pour étudier ça, je publie.
PS mise à jour du 19 janvier. La règle n°2 a été appliquées, le Premier ministre a acté par écrit un certains nombre de points issu des

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négociations (voir ci-dessous) envoyés au PS. La règle 2 pourrait être remplacée par celle-ci : Si tu négocies en mettant en avant une revendication forte (suspension de la réforme des retraites), si tu ne l'obtiens pas, tu as intérêt à sacrément mettre en scène ce que tu as quand même gagné. Si c'est trop techno ("soutiendra la possibilité d'une hausse des droits de mutation à titre onéreux jusqu'à 0,5 point au bénéfice des départements"), tu as intérêt à en avoir des plus cools. Et attention aux chausses trappes : si on te donne d'une main l'abandon de deux jours de carences supplémentaires pour les agents publics, fais gaffe, le gouvernement a mis dans les tuyaux le paiement des jours d'arrêt maladie de 100% à 90%.

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