Vouloir maintenir Israël comme état démographiquement juif, et pas seulement comme un état culturellement profondément marqué par la culture juive, est une entreprise qui porte en elle une tragédie quotidienne.
Cela implique une gestion ethnique des populations et des ressources : cela implique de contrôler les flux de population selon l'ethnie, de contrôler les mariages interethniques, cela implique un détournement des ressources en faveur de l'ethnie juive.
Dès lors on ne peut pas s'étonner que des Palestiniens meurent régulièrement en Palestine.
C'est cette idée d'état démographiquement juif, qui les tue.
L' extrait d'article ci-dessous nous donne la vision de l'état d'Israël telle qu'exprimée par Tzipi Livni, (Ministre des Affaires étrangères d'Israël), pendant les négociations en 2008, et la critique qu'en fait Alastair Crooke (anciendiplomate britannique, ancien membre des services secrets britanniques, et Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune de l' Union européenne de 1997 à 2003).
Extrait de l'article d'Alastair Crooke (1), dans la « London Review of Books » (mis en ligne gratuitement ce 27 février par le « MEMO », Middle East Monitor):
En janvier 2008, lors d'une session de négociations avec Ahmad Qoreï et Saeb Erekat (négociateurs Palestiniens à l'époque), session décrite dans les "Palestine Papers"(2), Tzipi Livni (Ministre des Affaires étrangères d'Israël à l'époque) précise la stratégie d'Israël:
"Israël a été créé pour devenir un foyer national pour les Juifs du monde entier. Un Juif acquiert la citoyenneté dès qu'il met un pied en Israël, et donc ne dites rien sur la nature d'Israël ... La base pour la création de l'Etat d'Israël est qu'il a été créé pour le peuple juif."
"Israël est l'Etat du peuple juif", avait-elle déjà souligné quelques mois plus tôt, "et je tiens à souligner la signification de cela "le peuple d'Israël" est le peuple juif, avec Jérusalem comme capitale unifiée et indivisible d'Israël, et capitale du peuple juif pour les 3007 futures années. "Votre état", dit-elle aux négociateurs palestiniens, "sera une réponse pour tous les Palestiniens, y compris les réfugiés".
Erekat a interprété sa définition comme une question linguistique et lui a dit: "Si vous souhaitez vous-même appeler Israël "l'Etat juif" - vous pouvez l'appeler comme vous voulez". Il a transmis aux Américains son hypothèse de travail : "les Israéliens veulent la solution à deux Etats ... parfois plus que les Palestiniens eux-mêmes."
Mais ce que Livni disait c'est qu'elle voulait qu'Israël soit un Etat sioniste fondée sur la Loi du Retour et ouvert à tous les Juifs.
Pour assurer un tel état dans un pays dont le territoire est très limité, il faut que la terre et l'eau soient maintenus sous contrôle juif, avec des droits différentiels pour les Juifs et les non-Juifs, ce qui affecte les droits de toute nature - droit au logement et d'accès à la terre, droit à l'emploi, aux subventions, droits dans le domaine du mariages et des migrations.
La crainte est que si Israël devient un état à majorité juif avec des frontières fixes, il y aura inévitablement une demande pour que les droits soient égaux y compris pour les minorités, dans tous les domaines, ce qui annoncerait la fin des droits spéciaux pour les juifs et la fin du sionisme lui-même.
Une solution à deux Etats ne résout donc pas le problème de savoir comment maintenir le sionisme, il l'aggrave. La taille de la population non-juive d'Israël serait réduit de 40 ou 50 % à 20 %, si un Etat palestinien était créé, mais la contradiction inhérente à l'existence d'une minorité non-juive ayant des droits égaux, lui porterait atteinte en tant qu'Etat juif. La seule réponse d'Israël est de garder ses frontières non définies, en s'accaparant les ressources limitées que sont l'eau et les terres, laissant les Palestiniens dans un état d'incertitude permanente, dépendant du bon vouloir d'Israël.
(1)Alastair Crooke est un diplomate britannique ancien membre des services secrets britanniques ( MI6 ) et de la diplomatie de l'Union européenne. Il a été conseiller de Javier Solana pour le Moyen-Orient, et Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune de l' Union européenne (PESC) de 1997 à 2003. Il milite pour un dialogue entre l'Islam politique et l'occident.
(2) documents confidentiels variés concernant les négociations secrètes, qui ont été publiés par la chaine qatari "Al Jazeera" et par le journal britannique "The Guardian".
L'article complet en anglais est ici:
http://www.middleeastmonitor.org.uk/articles/europe/2089-permanent-temporariness