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Je relaie ci-dessous un texte de Houda Asal, socio-historienne, dont les travaux portent sur l’immigration, le racisme et l’islamophobie en France et au Canada.
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L'article complet est ici :
https://www.contretemps.eu/racisme-anti-palestinien-france-islamophobie/
EXTRAITS :
Alors que le racisme de manière générale et l’islamophobie en particulier sont des phénomènes souvent sous-estimés en France, ils font néanmoins depuis quelques années l’objet d’études, de débats et de mobilisations sociales. Le racisme anti-palestinien quant à lui, demeure un phénomène et un concept quasi-inconnus alors qu’ils permettraient de mieux comprendre les positions de l’État français, de nombre de médias et de personnalités, face au génocide en Palestine.
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Construire la figure du Palestinien comme une menace antisémite et terroriste est au cœur du racisme anti-palestinien : en plus de délégitimer toute résistance à l’occupation, elle infériorise la vie des Palestinien·nes par rapport à celles des Israélien·nes. Cette hiérarchie raciale apparaît de manière plus explicite encore depuis le 7 octobre 2023.
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La plupart des enquêtes empiriques que nous avons pu lire sur le racisme anti-palestinien analysent les impacts de ce racisme sur toute personne qui défend la cause palestinienne. S’il vise d’abord les Palestinien·nes, ce racisme « déborde »[25], comme s’il « contaminait » les allié·es de la cause.
En France, les discours déshumanisants, ainsi que la violence, l’intimidation et le harcèlement contre les Palestinien·nes qui prennent publiquement la parole ne font pas de doute, comme le montre l’exemple le plus visible de Rima Hassan. La suspicion, la haine, la délégitimation de sa parole et le déni de son identité sont omniprésents et d’une violence inouïe[26]. La diabolisation vise également des personnes musulmanes ou racisées qui parlent de Palestine : la diffamation du footballeur Karim Benzema par le ministre de l’intérieur en est un bon exemple, tout comme les sanctions du comité olympique contre la basketteuse Émilie Gomis[27]. Quand elle vise des femmes, notamment sur les réseaux sociaux, cette violence se double presque systématiquement d’injures à caractère sexiste et sexuel (là encore, le cas de Rima Hassan est emblématique).
Les autres allié·es de la cause palestinienne en France subissent également nombre d’intimidations. Parler de la Palestine a toujours été très risqué et coûteux. On ne compte plus le nombre d’intellectuel·les et de militant·es accusé·es d’antisémitisme ou ayant subi des représailles pour s’être exprimé·es sur la Palestine. Il en va de même pour le plus grand parti de gauche, la France insoumise, attaqué de toutes parts en raison de ses positions sur la Palestine.
Ces derniers mois, en plus des accusations d’antisémitisme émanant des médias et du champ politique, ces attaques ont pu bénéficier d’un arsenal juridique répressif, à travers le délit d’« apologie du terrorisme », qui a visé un grand nombre de personnes[28]. Même lorsque les procédures sont abandonnées, elles permettent de disqualifier et d’intimider quiconque défend la cause palestinienne. La spécificité du racisme anti-palestinien qui se déploie pour défendre Israël est qu’il marque ses cibles du sceau de l’infamie : l’antisémitisme, considéré comme le pire des racismes dans l’histoire[29], auquel s’ajoute la complicité avec le terrorisme.
Dans un texte lumineux et tristement visionnaire, Paul B. Preciado inscrit cette dérive répressive dans un contexte plus large :
« il était jusqu’à présent difficile de prédire que le nouveau fascisme néolibéral-numérique de l’Occident allait légitimer sa propre transition autoritaire en utilisant l’accusation d’antisémitisme pour criminaliser toute position dissidente antiguerre et anticoloniale – y compris, mais pas exclusivement, en soutien au peuple palestinien ».
Il voit dans l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme « un masque des plus pervers servant à habiller un nouveau fascisme non seulement en Israël, mais aussi en Europe et aux États-Unis »[30].