Dans les manifestations, les Algériens crient : « système dégage ». De quel système parlent-ils ? Qui détient le pouvoir en Algérie ?
Le pouvoir algérien, depuis sa création en 1962, ce sont les hommes qui portent les armes : la police et l’armée. Au moment de l’indépendance, l’armée a pris le pouvoir et l’a tenu jusqu’à la mort de Boumediene, puis encore lors de la période de Chadli. Ils ont gouverné et ont laissé des gens constituer un pôle d’argent en utilisant la corruption. La révolte d’octobre 1988 à l’époque de Chadli prend sa source dans la crise économique et l’écroulement des prix du pétrole. Un clan dans le FLN voulait alors réformer le système du parti unique socialiste en un système d’économie libérale, mais toujours avec un parti unique. Cela afin qu’ils puissent prendre plus d’argent. J’étais étudiant à ce moment-là et j’ai été arrêté et torturé.
En 1991, des élections législatives libres se tiennent pour la première fois. C’est le FIS, le parti islamique qui a gagné. Les militaires sont revenus par un coup d’État et l’installation de l’État d’urgence. L’armée dirige directement le pays. Elle ramène de son exil Mohamed Boudiaf (un des chefs de la guerre d’indépendance - NDLR) avant qu’il soit tuer. En 1999, le clan militaire a rappelé Bouteflika pour les élections présidentielles. Il y avait 6 candidats, mais ils se sont retirés au dernier moment ayant été informés que les élections seraient truquées.
Bouteflika seul candidat est élu. Ne pouvant rien faire sans les militaires, il a divisé le clan de l’armée en élimant certains au profit d’autres. Il voulait avoir des militaires qui lui obéissent plus que ceux qui l’avaient ramené, et qu’il a éliminés. C’est toujours l’armée qui gouverne, mais avec d’autres personnes. Il a continué à créer son système dans l’armée, dans les services, dans le parti FLN, dans la société civile, chez les patrons et dans les syndicats. Il a créé son propre clan en se faisant beaucoup d’ennemis dans les anciens clans. Il a gardé les médiocres et imposé une obéissance totale : un royaume. L’injustice et la corruption ont continué ainsi jusqu’à maintenant.