« La consultation sur le projet d'énergie éolienne à Unión Hidalgo cherche à être relancée malgré la suspension du juge. » Pie de Página, 27/01/2022

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Le conseil municipal d'Unión Hidalgo, dans l'État de Oaxaca, a réactivé une consultation pour le projet d'énergie éolienne "Gunaa sicarú" de la société française EDF, malgré la suspension d'un juge et les violations des droits de la communauté zapotèque documentées.
Texte : Josefa Sánchez Contreras (sociologue et chercheure zoque de Chimalapas).
Photo : María Ruiz / Archive
Le peuple Binnizá ou Zapotèque d’Unión Hidalgo, dans l'Isthme de Tehuantepec, Oaxaca, entame l'année 2022 avec des tensions. Le conseil municipal demande la reprise de la phase délibérative de la "consultation indigène" pour l'installation du projet d'énergie éolien "gunaa sicarú". Le capital provient de l'entreprise publique française Électricité de France (EDF).
L'appel est promu malgré le fait qu'à la fin de 2021, le tribunal collégial de Oaxaca a mandaté la suspension du projet (dossier 302 /2020). Le décision du juge suspend le démarrage de la construction du parc sur les terres communales. Faisant fi de de ce jugement, le samedi 22 janvier, le conseil municipal a convoqué la phase délibérative de la consultation, mais le quorum n'a pas été atteint. En conséquence, elle a été reportée à ce samedi 29 janvier, ce qui a suscité des inquiétudes parmi les habitant.e.s et a généré un climat de tension au sein de la population.
Le parc éolien "gunaa sicarú" est prévu sur 4 700 hectares de terres communales à Juchitán de Zaragoza. La zone comprend les annexes agraires d'Unión Hidalgo et de La Ventosa.
La défense zapotèque contre Électricité de France (EDF)
En 2017, EDF Renouvelables, par le biais de sa filiale Eólica de Oaxaca S.A.P.I. de C.V., a obtenu le permis E/1922/Gen/2017 de la Commission de régulation de l'énergie (Comisión Reguladora de Energía) pour produire 252 MW. Toutefois, la centrale éolienne "Gunaa sicarú" prévoit de produire 300 MW grâce à l'installation de 115 turbines éoliennes. C'est l'un des nombreux arbitraires du projet.
Outre l'imposition des éoliennes, la signature de contrats entre la société et les petits propriétaires fonciers est encouragée. Cette modalité néglige le caractère communal de la terre, en omettant la figure du représentant des biens communaux que l'assemblée comuner@s d'Unión Hidalgo a désigné en 2012.
Depuis, l'assemblée a intenté des amparos contre les violations des droits indigènes et des droits de l'homme comises par EDF à travers son projet éolien "Gunaa sicarú". En conséquence, le ministère de l'Énergie (Sener) et la filiale de l'entreprise française ont dû promouvoir une consultation indigène en 2018. Elle était censée être préalable, libre et informée, conformément à la convention 169 de l'OIT ; cependant, la consultation a commencé alors que les contrats entre l'entreprise et les petits propriétaires fonciers avaient déjà été signés. Cela impliquait déjà une violation du caractère préalable de la consultation et de la tenure communale des terres. En outre, notons que l'entreprise avait déjà obtenu des licences pour produire de l'électricité.
Depuis que la consultation a commencé à être promue, l'assemblée des comuner@s d’ Unión Hidalgo est engagée dans un conflit juridique et une mobilisation communautaire. En 2018, elle a réussi à obtenir d'un juge la suspension de la consultation à deux reprises. Mais cela n'a pas suffi à faire reculer l’entreprise, puisque la phase d'information a été reprise l’année même.
Le conflit sur le territoire a généré un climat de violence dans la région de l'isthme. Cela a constamment été souligné par l'assemblée elle-même et par diverses organisations et instances internationales. Ces dernières ont constaté et dénoncé à plusieurs reprises des violations des droits de l'homme commises par la filiale d'EDF :
En 2012, les organisations AIDA (Association interaméricaine de défense de l'environnement) et CEMDA (Centro Mexicano de Derecho Ambiental) ont demandé au Mexique de garantir les droits humains des communautés de l'isthme de Tehuantepec touchées par l'installation de parcs éoliens.
En 2019, l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme (programme conjoint de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) a enregistré des menaces, ciblages et stigmatisations à l'encontre des défenseur.e.s du territoire de la communauté indigène d'Unión Hidalgo.
L'année suivante, le Point de contact national français a émis trois recommandations au groupe EDF et à EDF Renouvelables. Elle a demandé de prendre en compte les communautés indigènes affectées par "Gunaa sicarú".
Cette même année, l'Assemblée des comuner@s d'Unión Hidalgo, l'Association mexicaine des droits de l'homme ProDESC et l'Association pour la défense des droits de l'homme ECCHR se sont portées partie civile contre EDF par le biais de la loi sur le devoir la vigilance auprès du tribunal judiciaire de Paris.
Bien qu'en 2021, la Cour ait rejeté partiellement cette demande, quatre députés européens ont demandé que la loi sur le devoir et la vigilance soit appliquée à EDF en raison des incohérences de la consultation.
"Les entreprises françaises ne doivent pas se cacher derrière l'impératif de la transition énergétique en France et dans le monde pour faire fi des droits de l'homme", ont-ils fait valoir.
Cette année-là, le collectif Stop EDF Mexique a organisé une tournée en France avec trois défenseur.e.s du territoire de l'Isthme de Tehuantepec. La délégation est venue diffuser ses récits de lutte et dénoncer le colonialisme énergétique exercé par EDF à Unión Hidalgo. Les trois défenseur.e.s du territoire ont visité des territoires touchés par des parcs éoliens et des projets nucléaires, et ont rencontré des réseaux de solidarité internationale.
L'entreprise française insiste
Un groupe des comuner@s zapotèque de l’Assemblée des Peuples de l'Isthme pour la Défense de la Terre et du Territoire (APIIDTT) a déposé un amparo indirecte auprès du tribunal du sixième district de San Bartolo Coyotepec, à Oaxaca. Ils dénoncent dans cet amparo 302 /202 l’État mexicain et EDF. Le résultat a été une suspension du plan de construction, ce qui signifie que la société ne peut pas effectuer de travaux sur les terres communales tant que le procès se poursuit. Le jugement interdisait aussi la reprise de la consultation indigène…
Tout cela n'a pas suffi pour qu'EDF et les promoteurs du projet Gunaa-Sicarú se désistent.
En cette saison de forte contagion du covid-19, le conseil municipal d'Unión Hidalgo a annoncé la réactivation de la consultation pour sa troisième phrase délibérative.
Cette tentative ne tient pas compte de la suspension de la consultation par le tribunal. Elle ignore également la lettre de quatre rapporteurs spéciaux sur les droits de l'homme et les droits indigènes adressée aux gouvernements de la France, du Mexique et de l'entreprise EDF publié en août 2021.
Des maisons sans électricité encerclées par des parcs éoliens
La centrale éolienne "Gunaa sicarú" fait partie d'un corridor beaucoup plus vaste qui jusqu'à l'année 2021 comptait 29 parcs éoliens d'une capacité de 2 360 MW. Cependant, l'un de ses grands contrastes est qu'elle est située dans des territoires dont les habitants n'ont toujours pas accès à l'un de leur droit fondamental, l'électricité. L'énergie qui y est produite est destinée à Wal-Mart, Cemex, Femsa Oxxo, Cruz Azul, Soriana, Nestlé, Grupo Modelo, Grupo Bimbo, BBVA Bancomer, les magasins Chedrahui et même des entreprises minières telles que Grupo México, Minera Autlán et Industria Peñoles.
EDF affirme que la centrale électrique "Gunaa sicarú" produira l'équivalent de la consommation de 473 000 habitants au Mexique et évitera l'émission dans l'atmosphère de 524 000 tonnes de CO2 ; toutefois, cela ne signifie en rien que l'énergie sera destinée à la population zapotèque d’Unión Hidalgo.
Bien que la plupart des foyers soient raccordés au réseau électrique national, les prix de l'électricité restent élevés et souvent inabordables pour de nombreux habitant.e.s d'Unión Hidalgo, comme l'ont constaté les rapporteurs spéciaux des Nations Unies. Il est ironique de constater qu'au moment même où la consultation indigène est encouragée par le conseil municipal et où l'atmosphère entre les petits propriétaires et les agriculteurs communaux se tend, la semaine dernière, la population a été privée d'électricité à plus de deux reprises.
La réactivation de la consultation contribue à une atmosphère de violence et met en danger l'intégrité physique des défenseur.e.s du territoire dans l'Isthme de Tehuantepec.