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Billet de blog 15 juillet 2025

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La 30e des Suds : Jour 1

Débouler en train à Arles aux heures chaudes du matin et retrouver la ville comme on l’a laissée l’été dernier, en pleine frénésie, entre amateurs de vieilles pierres et de soleil, afotonados, les aficionados de la photo, et amateurs de musiques de tous les Suds, pour la 30e édition des Suds !

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Une semaine durant, la plus grande commune de France qui est aussi une ville mouchoir de poche où tout se vit à pied comme au temps des Romains, est à la fête ! Une teuf orchestrée par l'équipe des Suds qui s’ouvre, petits plats dans les grands, un 14 juillet. La place de la République a déroulé ses drapeaux XXL. Ce jour férié ne l’est pas pour tout le monde. À l’école du Cloître, au bureau du festival, des valises se croisent, des pass changent de mains, glissés autour du cou comme une médaille. Ça part de là. La 30e édition peut démarrer. 

L’Apéro des Suds, l’indispensable rendez-vous du festival

Se pointer à la cool à l’espace Van Gogh, une main sur l’oreille, sans regarder sa montre, donc forcément un chouya à la bourre, c’est louper les premiers mots de Marie-Jo Justamond, la fondatrice des Suds et Stéphane Krasniewski, son actuel directeur.

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Stephane Krasniewski & Marie-Jo Justamond © BS

Rendez-vous informel, l’apéro est un rituel où se déroule en trois mots et 4 notes ta journée, où s’inscrivent dans le temps tes désirs, où tu peux mettre un visage, une voix, un son préparé, augmenté de clarinette basse, sur un nom aperçu dans le programme. Lui, c’est Nils Kassap. Il est ce midi, en solo, avant de retrouver Place Voltaire, en fin de journée Théodore Lefeuvre, son acolyte et créateur du Mange Bal.

« Agit en ton lieu et pense avec le monde »

Ainsi défilent sur la scène improvisée dans un coin de la cour de l’Espace Van Gogh, Rosela Libertad, programmée le lendemain, ou Edwy Plenel. Le journaliste triloguera en fin d’après-midi avec ses acolytes, Farouk Mardam Bey à la tête du département Sindbad des éditions Actes Sud, et Elias Sanbar, historien, poète et essayiste palestinien à qui l’on doit la traduction en français de l’œuvre de Mahmoud Darwich. 

Le créateur de Mediapart rappelle que les Suds, lui ont très tôt proposé ce rendez-vous annuel, cet espace d’échange et de pensée dans le festival « pour ne pas être pris comme un lapin dans les phares de l’actualité ». Jamais à court de citations, Edwy Plenel nommera plus tard Edouard Glissant et sa célèbre maxime : « agit en ton lieu et pense avec le monde » qui selon lui « circonscrit parfaitement le terrain où se retrouvent le festival et le média. ».

Contre une ligne à haute tension.

Autre militant, Jean-Laurent 32 ans, vient lui, nous proposer de sauver la Camargue, La Crau et la Terre Argence. En effet, l’état et RTE (Réseau de Transport d'Electricité) souhaitent tirer une ligne aérienne très haute tension (THT) de 400.000 vols entre Jonquières-Saint-Vincent (Gard) et Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), afin d'assurer la décarbonation de la zone industrialo-portuaire.

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Se battre pour la Crau © BS

« Si nous partageons pleinement cet objectif » explique-t-il sur le site de la résistance au projet (Agir pour la Crau), « nous refusons la méthode utilisée pour le faire. Nous portons une solution alternative qui permet d'apporter l'énergie nécessaire tout en respectant ce territoire et ses habitants. ». Pour lui comme il le souligne lors de cette rapide prise de parole publique : « le plus cocasse dans cette affaire est que ce sont les pollueurs qui étrangement disent la morale ! ». Une pétition forte de plus 35000 signataires est dispo sur le site susnommé.

Sur la piste de Pablo del Cerro

C’est à Croisière, lieu des concerts du matin et des deux premiers afters, qu’est programmé le premier des Moments Précieux, celui de Mandy Lerouge, Originaire des Hautes-Alpes, installée à Marseille, Mandy connait bien les Suds. Le Festival accompagne avec d’autres, Del Cerro, son tout nouveau projet autour de l’œuvre d’Antoinette Pépin. Sous le nom de Pablo del Cerro, la compositrice et pianiste française, née à St-Pierre & Miquelon a signé quelques-unes des pièces de son mari Atahuelpa Yupanqui, figure tutélaire du folklore argentin. Mené comme une enquête, entrecoupé de témoignages sonores et d’anecdotes, le concert dessine sous un d'hombre, les contours d’une femme de l’ombre qui ne manque pas de caractère. Très bien entourée (Veronica Votti au violoncelle, Diego Trosman à la guitare, Javier Estrella aux percussions) Mandy Lerouge qui a gagné en confiance, en simplicité depuis ses débuts, offre une interprétation personnelle délicieusement orchestrée des airs composés par Antoinette Pépin. Elle est aujourd'hui en mesure de s’affranchir des effets sur sa voix qui ne rassurent qu’elle ; à l’image d’un Javier Estrella, qui sait faire entendre et résonner le bois des cadres de ses tambours, vrombir la peau sous ses baguettes, elle peut aller chercher l'os sous la chair, donner à entendre ses faiblesses, son intime conviction. Car, tout concorde comme une évidence dans cette histoire, dans cette filature jusqu’à la ville où a vécu le couple : Cerro Colarado qui signifie Colline Rouge. Pas de doute, plus de doute, Mandy, ce projet est le tien !

Vincent Moon, l’art de l’essentiel !

Aux Suds, il est rare que deux programmations se chevauchent. Sauf, qu’en ce premier jour, il me faut choisir entre le Vincent Moon’s Live Cinéma au Musée Départemental Arles Antique et les concerts de la place Voltaire. Choix cornélien, même pour qui, comme moi, a pu apprécier il y a un peu plus de deux mois, le travail de mix ciné’sique (cinéma et musique) de Vincent Moon, ses créations étant uniques. 

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Vincent Moon, sur la route, en musiques et images © BS

Son mix peut en effet croiser jusqu’à 4 séquences choisies dans une banque de 1400 références - « mon catalogue irraisonné » glissera-t-il - toutes filmées in situ par le réalisateur qui ne fait pas dans le documentaire, mais taquine plutôt le sensible. Ses mouvements de caméra sont comme des chorégraphies au lyrisme enveloppant. Sans routine, ses performances réalisées dans l’instant font remonter en lui, d’anciennes émotions. « Chaque film me rappelle son tournage, évoque des personnes avec qui j’ai passé un moment, des humains que j’aime » précise celui dont les films sont tous disponibles sous licence Creative Commons, « c’est-à-dire libres de droit » commente cet anar’ de la caméra.Ses séquences tissent des liens entre des rites, des musiques et des êtres qui n’ont a priori rien à voir, « C’est ma façon de remembrer ce corps collectif qui nous fait souvent défaut, de remettre en place ue cohésion entre ces cultures qu'on dit différentes et qui e sont qu'humaines » souligne-t-il. Il profitera de son séjour arlésien pour fixer 5 nouveaux instants musicaux avec Salif Keïta, Ballaké Sissoko et Piers Faccini, Tarta Relena… Si c’est son premier passage au Suds, Vincent Moon connait Arles, pour, jeune photographe, avoir collé quelques-uns de ses clichés sur les murs des rues de la ville durant les Rencontres de la Photo. Un jour ici, un autre ailleurs, ainsi va la vie de ce nomade sans port d’attache dont la maison, qu'il n'a pas par choix, tient dans deux sacs à dos  Le temps de me remémorer tout ça, je suis déjà place Voltaire.. 

Vive le bal !

14 juillet oblige, Les Suds ont choisi de revisiter le bal lors de la première soirée de cette 30e édition . Et qui mieux que Le Mange Bal pour ouvrir la soirée place Voltaire et impulser une folle ré-appropriation de l’espace public. Mange Bal, un nom déjà aperçu au programme des stages du festival lors d’une édition précédente.  Le Mange Bal revient sur le lieu où pour la sortie de résidence, il avait déjà provoqué un départ de feu. 

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Théodore Lefeuvre, le créateur du Mange Bal aux balances © BS

« Mange Bal, c’est en référence au mange disque » explique Théodore Lefeuvre. « Notre logo est un ogre ! ». Accordéoniste, maître des machines et gentil punk des bals folks, Théodore Lefeuvre initie en solo ce projet de relecture des musiques de bal tradi’ aux confins des musiques populaires de danses de traditions et des musiques électroniques. Scottish, bourrée et autres musiques d’antan se calent sur un beat orthonormé, radical et puissant. Il sera rejoint par Nils Kassap à la clarinette sous effets. « 4 ans de concerts, plus de 120 bals, ça file des automatismes. » dit celui qui quitte le navire à la fin du concert pour se consacrer à ses projets (Nils Kassap & Friends, Kassap Kitchen). Tout a été préparé, la relève est prête.  

Le Bégui Bègui Bang invite Dédé Saint-Prix.

« Le bal, le baluche » comme dit Dédé St-Prix, « a tout son sens aux Antilles ». Faire danser les gens, les ambiancer fait partie des commandements du flûtiste, qui ce soir est l’invité d’un collectif drômois, héritier d'un ancêtre francilien du début des années 2000. Le nom emprunté à l’époque à un titre d’Eugène Mona, un autre flutiste martiniquais, donne le ton de cette nouvelle réunion de musiciens sans lien avec les Antilles autre que le plaisir de jouer et de partager avec générosité ces musiques (quadrille, mazurka, chouval bwa…). La greffe prend. L’énergie contagieuse de Dédé Saint-Prix pourrait faire chalouper une fanfare militaire jouant le doigt sur la couture de ses uniformes, alors quand il s'agit de musiciens expérimentés et motivés par cette rencontre, la fête est belle !

L'incendiaire Emile Omar.

L’esprit du bal est aussi dans les platines d’Emile Omar. Le DJ dont les Tropical Discoteq enflamment les bars et salles de la capitale et de toutes les villes qui l’accueillent, aime chauffer son public. Arles ne fera pas mentir sa réputation. Casque aux oreilles, il attaque son set dans le droit fil du concert quand certains bars et restos ont déjà tiré leur rideau. Lentement mais avec une belle maitrise, le DJ et aussi producteur au sein du projet collectif Roseaux durcit son propos, renforce le beat taquinant kuduro angolais et autres sons des jeunesses du continent africain ou de ses diasporas. Explosion de sensualité dans la danse et dans la moiteur des nuits arlésiennes ! Merci Emile Omar !

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Emile Omar, des bonnes oreilles et un œil, voire deux sur la piste © BS

Baba Squaaly

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