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Billet de blog 5 février 2015

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L'Allemagne a t elle intérêt au maintien de la zone € ?

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A l'heure ou les dirigeants allemands et l'opinion publique allemande apparaissent plus hostiles que jamais à des concessions au Gouvernement grec désireux de renégocier sa dette publique, que ses dirigeants semblent avoir poussé le 4 février 2015 la BCE à un comportement intransigeant et irresponsable, une question mérite examen : l'Allemagne a-t-elle intérêt au maintien de la zone euro ?

Contrairement à des pays comme l'Italie où la France qui ne peuvent exporter que dès leur que leur compétitivité prix est bonne, l'Allemagne n'a pas besoin d'une monnaie faible pour ce faire. Certes, avec une monnaie plus forte, ses exportations et ses excédents extérieurs seraient plus faibles, mais pas de façon très importante car ce n'est pas sa compétitivité prix qui explique l'essentiel de ses performances comme l'indique la récente note de la Société Générale ci dessous : 

https://www.societegenerale.com/sites/default/files/documents/Econote/EcoNote%2026%20FR.pdf

Ce n'est pas, contrairement à ce qui est souvent avancé, la compression salariale des années 2000 (aujourd'hui disparue) et les réformes Schröeder qui expliquent les performances de l'économie allemande à l'étranger. Compte tenu de la force structurelle de son industrie, l'Allemagne a intérêt à avoir une monnaie forte, ce qui a toujours été sa politique depuis 1948, et elle considère qu'un bon euro est un euro fort comme l'a encore déclaré en août dernier le président de la Bundesbank : 

http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/08/13/pour-la-banque-centrale-d-allemagne-paris-doit-donner-le-bon-exemple_4470757_3234.html?xtmc=president_de_la_bundesbank&xtcr=8

Depuis l'euro s'est substantiellement déprécié...Par ailleurs, avoir des exportations et des excédents extérieurs importants (excessifs même au regard des règles communautaires) n'est pas une fin en soi. Les Allemands seraient plus riches s'ils avaient une monnaie plus forte. Or les ménages allemands ne sont pas particulièrement riches compte tenu du niveau de leur production. Une étude de la BCE montrait même qu'ils étaient moins riches que les ménages de la plupart des pays d'Europe du Sud, y compris les ménages grecs (1). Une monnaie plus forte leur permettrait, de même que les entreprises allemandes, d'acheter plus d'actifs étrangers (ainsi que les diversifier davantage leurs actifs), actifs qui o,nt vocation à venir compléter leur retraites alors que la population vieillit rapidement. Une monnaie plus forte permettrait également sans doute à l'Allemagne d'avoir des taux d'intérêts encore plus faibles, mais ce point est secondaire compte tenu de leur niveau actuel.

L'Allemagne est un peu dans la situation ou était la Suisse il y a trois semaines. La Suisse a été contrainte de laisser se réévaluer sa monnaie car la baisse de l'euro rendait de plus en plus difficile le maintien de la parité que la banque Centrale essayait de maintenir avec l'euro, étant obligée de vendre des francs suisses et de créer en contrepartie de la monnaie en excès pour ce faire. Du jour ou la Banque centrale suisse a abandonné cette politique, le franc suisse s'est réévalué de près de 30%, enrichissant les ménages suisses qui ont bénéficié d'un "deuxième cadeau de Noël"

La réévaluation du franc suisse a, dans un premier temps comme toujours, été trop rapide et la bourse a plongé, les marchés anticipant que la profitabilité des entreprises exportatrices allait être fortement dégradée. Mais depuis le franc suisse s'est stabilisé à un niveau plus bas et les marchés d'actions se sont appréciés à nouveau.

Un exemple à suivre pour les Allemands ? Il pourrait cependant être utile aux Allemands d'attendre encore un peu avant de sortir de la zone euro. Certes, une bonne partie de l'industrie italienne et française a aujourd'hui disparu, étranglée par une monnaie trop forte (pour elles), mais la poursuite de leur affaiblissement est dans l'intérêt de leurs concurrents allemands. Le moment venu, avec une nouvelle monnaie réévaluée par rapport à l'euro, les Allemands pourront racheter tout ce qui leur paraitra intéressant de racheter, à plus bas prix. En attendant, ils ne souffrent pas trop de l'affaiblissement de leurs clients de la zone euro, l'essentiel de la croissance de leurs exportations se faisant hors de la zone :

A côté de ces considérations, il faut également regarder ce que risque de coûter à l'Allemagne le maintien de la zone euro...

Tant que durera l'euro, l'Allemagne risque d'avoir soit à financer des plans d'aides aux membres affaiblis, comme la Grèce, soit à accepter des transferts massifs vers les pays périphériques de la zone afin de tenter de rémédier à l'hétérogénéité de celle-ci. Les études disponibles montrent que ceci risque de représenter jusqu'à 10% du PIB allemand par an, soit à peu près ce qu'a coûté la réunification du pays après 1990. Clairement, les Allemands ont bien voulu payer pour les Allemands de l'Est (parfois en rechignant), mais ils ne veulent pas payer pour les autres européens qu'ils considérent come des cigales peu sérieuses. 70% des allemands sont opposés à toute concession à la Grèce..

Voilà pourquoi il parait désormais beaucoup moins probable qu'auparavant que les Allemands persistent à continuer à défendre l'intégrité de la zone euro coûte que coûte. Au besoin, la nécessité électorale, c'est à dire la croissance du parti anti-euro Alternativ fur Deutschland fera comprendre cela à Merkel, et en tout cas aux autres dirigeants de la CDU...   

(1) Les résultats de cette étude doivent être pris avec précaution comme l'indique la BCE. Une partie des actifs, variables selon les pays, n'est pas pris en compte, ni les pensions de retraite à venir. Une large part de la faiblesse relative du patrimoine des ménages allemands s'explique par le faible pourcentage de résidences principales détenues par les ménages et le faible niveau des prix immobiliers en Allemagne.

NB: Ce billet reprend, après de légères modifications, deux des commentaires que j'ai publié sur le fil de l'article de Martine Orange du 5 février : "Grèce : la BCE lance un coup d'Etat financier" : http://www.mediapart.fr/journal/international/050215/grece-la-bce-lance-un-coup-detat-financier

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