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Billet de blog 11 janvier 2017

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A propos du "communautarisme", de la République et de la démocratie...

Un invité de Mediapart, le sociologue Fabrice Dhume a publié hier un article titré "Au nom de la "menace communautariste"" qui m'a conduit en réponse à publier le commentaire que l'on trouvera ci-dessous. S'en sont suivis des échanges qu'il m'a paru plus approprié de poursuivre ici. Avec l' accord de leurs auteurs, je les reproduis donc, et invite ceux qui le désirent à poursuivre nos réflexions..

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L'article de Fabrice Dhume figure ici :

https://blogs.mediapart.fr/edition/les-mots-en-campagne/article/100117/au-nom-de-la-menace-communautariste

Mon commentaire en réponse :

Belle découverte : il n'y a pas de communautarisme, il n'y a que des fantasmes, des discours et des actes qui visent à "prépar[er] et accompagn[er] une mutation militaire et guerrière de la politique, menée au nom de la protection de la nation" -sous entendu la protection des natifs blancs contre les minorités ethniques, religieuses ou sexuelles- "le mot ser[vant] unilatéralement à stigmatiser ethniquement (ou sexuellement, lorsqu’il est appliqué aux mouvements LGBT, aux demandes de parité femmes-hommes...) et à disqualifier politiquement des gens et leurs voix", minorités qui sont systématiquement soumises à l"expérience incessante du soupçon et de la discrimination"....

Et d'ailleurs, nous dit l'auteur, ce discours a "déjà justifié de nombreux passages à l’acte. C’est par exemple au nom de la « lutte contre le communautarisme » que sont organisées des discriminations légales dans les politiques éducatives (école, petite enfance, etc.), au prétexte de protéger une « laïcité » significativement qualifiée par certain.e.s de « glaive » ou de « bouclier »"...

Bref, le seul problème résiderait en réalité dans l'incapacité des natifs (et donc de leurs représentants politiques) à accepter l'Autre, injustement discriminé.

C'est le discours de la "France d'en Haut" ou de la "gauche haschtag " comme la désigne Guily dans son dernier livre ("Le crépuscule de la France d'en Haut"): tout discours tendant à remettre en cause le modèle mondialisé et multiculturel est immédiatement diabolisé, sinon fascisé, comme on peut le voir ici, l'objectif étant de détruire ce qui est commun, c'est à dire le modèle républicain, au profit de l'exaltation de la "diversité", afin de péreniser la domination de la classe dirigeante et supérieure qui tire profit de la mondialisation, ajoute-t-il, à raison à mon avis.

Sont donc condamnables et décrites comme discriminatoires la loi de 2004 qui interdit, à l'école publique, aux écoliers "le port de signes ou de tenues par lesquelles ils manisfestent ostensiblement leur appartenance religieuse" et celle de 2010 qui interdit de se dissimuler le visage dans l'espace public. J'aimerais bien savoir au passage si l'auteur pense la même chose du projet de loi qui vient d'être annoncé au Maroc et qui vise à interdire la fabrication, la vente et le port de burqas en public, pays ou doit sévir également, si je comprends bien, une discrimination systématique envers les musulmans... 

Au delà de ce discours idéologique et anti-républicain (qui au passage ne dit pas un mot sur la dérive terroriste de certains), il y a cependant un point juste, c'est que l'on parle de communautarisme à tort et à travers, ce qui permet à l'auteur du billet, une déconstruction aisée du terme et de ses usages.

Il faut donc être clair sur le terme afin de tomber dans le paneau : le fait que certains vivent en communauté n'est pas, en soi, un problème. C'est leur droit, et leur choix jusqu'à preuve du contraire et à dire vrai, il n'y en a pas beaucoup. Olivier Roy a raison de dire qu'il n'y a pas de communauté musulmane en France. Il y a, tout au plus, des communautés algérienne, marocaine ou tunisienne, et encore est il excessif de les qualifier de communautés car ces groupes ne sont pas endogames. Les seuls groupes qui, en France, se rapprochent à l'occasion d'un comportement communautaire sont les Juifs sépharades et les Chinois.

Le communatarisme, ce n'est pas cela. Le communautarisme commence lorsque la puissance publique concède à ces prétendues communautés des droits particuliers en renonçant à imposer imposer la loi commune alors que la Constitution lui donne instruction de n'en reconnaitre aucune. C'est le modèle ségrégatif anglo-saxon qui reconnait l'existence de communautés et qui passe des deals avec leurs leaders en leur concédant des droits particuliers afin d'assurer l'ordre social.

Il n'y a donc pas pour le moment de communautarisme en France, hors quelques cas locaux ou les élus ont cédé à des revendications communautaires au lieu de faire respecter la loi commune. En revanche, il y a de nombreux partisans de ce modèle, à la fois parmi les leaders auto-proclammés de ces prétendues communautés, et surtout parmi tous ceux qui cherchent à liquider le modèle républicain et à faire prévaloir le modèle mondialisé.  

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