Le Pew Research Center est un organisme américain indépendant et non-partisan faisant autorité qui publie des statistiques et des études portant principalement sur la société américaine, mais dont les recherches portent de temps à autre sur d'autres sociétés. Il a publié le 29 novembre dernier une étude détaillée sur la population musulmane présente en Europe et son évolution possible d'ici à 2050. Cette étude, titrée Europe's Growing Muslim Population, n'a pas, à ma connaissance, été reprise ou commentée dans la presse française et ce billet vise à remédier à cette lacune en présentant ses principaux résultats (1). Il ne s'agit pas de prévisions, mais de projections de ce qui pourrait se produire selon différentes hypothèses. Dans l'étude, sont considérés comme musulmans ceux qui ont répondu "musulmane" à la question "Avez vous une religion et si oui, laquelle ?"(“What is your religion, if any?”). Cf. Annexe méthodologique citée à la Note 12.
Le premier graphique rend compte de la présence musulmane en Europe en 2016, tant en valeur absolue dans les différents Etats européens, qu'en valeur relative, c'est à dire la part de la population musulmane dans le total de la population de ces Etats. Comme on peut le voir, l'étude estime que le nombre de musulmans présents en Europe en 2016 était de 25.8 millions, ce qui représentait 4.9% de la population totale résidant en Europe (2). En raison de l'immigration régulière, mais aussi de l'afflux de réfugiés, principalement musulmans, au cours des dernières années, cette fraction a connu une croissance importante depuis 2010 (où elle n'était que de 3.8%), et même depuis 2015 (où elle atteignait 4.6%). Fin 2017, il est probable que cette fraction aura dépassé 5%.


On constate que la France est le pays qui compte le plus grand nombre de musulmans : 5.72 millions d'après l'étude (3). Exceptés Chypre et la Bulgarie, c'est également le pays où la proportion de musulmans est la plus élevée : 8.8% en 2016. La Suède suit la France avec 8.1% de musulmans, devant un groupe de pays tels que l'Allemagne, le Royaume Uni, la Belgique, l'Autriche et la Suisse où cette fraction est comprise entre 6 et 7%. A l'inverse, les musulmans ne représentent qu'une très faible fraction de la population des pays d'Europe orientale (Chypre, Bulgarie et Grèce exceptés). Elle est même inférieure à 0.1% en Pologne.
A partir de cette estimation de la population musulmane en Europe en 2016, l'étude établit ensuite des projections jusqu'en 2050 selon trois scénarios distincts : A) un scénario dans lequel toute migration vers l'Europe et en provenance de l'Europe est stoppée, autrement dit les soldes migratoires sont supposés être égaux à zéro B) un scénario haut dans lequel l'afflux de réfugiés musulmans continue au même rythme que durant la période 2014-2016 (4) en sus des flux d'immigration régulière communément observés jusqu'ici C) un scénario intermédiaire dans lequel les flux migratoires réguliers continuent comme par le passé mais où le flux de réfugiés cesse. Les résultats de ces trois projections pour l'ensemble de l'Europe sont résumés par le graphique ci-dessous :

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Le premier constat est que même si les soldes migratoires tombaient à 0 jusqu'en 2050, la part de la population musulmane en Europe augmenterait néanmoins d'environ 50%, passant de 4.9% en 2016 à 7.4% en 2050. Ce résultat résulte quasi-exclusivement de la plus forte fécondité des femmes musulmanes que celle des non musulmanes et de l'âge moyen beaucoup plus faible des premières (Cf. Infra). Si l'on suppose que les flux d'immigration régulière conservent les mêmes tendances que par le passé mais que l'afflux de réfugiés cesse, la part de la population musulmane en Europe atteindrait alors, en moyenne, 11.2% en 2050. Enfin, si ces migrations se poursuivent à ce rythme et que simultanément des réfugiés musulmans continuent à parvenir en Europe au même rythme qu'en 2014-2016, alors cette proportion atteindrait 14.0% en 2050. Une première conclusion que l'on peut tirer est que les musulmans vont donc représenter une fraction certainement croissante de la population européenne et qu'en 2050, celle-ci se situera à un niveau qui pourrait être le double, voire davantage, du niveau actuel. Une autre conclusion est que la taille de la population musulmane en Europe en 2050 dépendra surtout de l'ampleur des mouvements migratoires jusqu'à cette date.
Scénario A : soldes migratoires égaux à zéro jusqu'en 2050
Ce scénario suppose une rupture complète avec l'évolution passée : il n'y a plus d'immigration régulière de populations musulmanes en Europe d'ici 2050, et pas davantage de flux de réfugiés musulmans comme ceux constatés entre 2014 et 2016 ou avant. Dans ce scénario, c'est donc essentiellement la croissance démographique des musulmans déjà installés aujourd'hui en Europe et celle des non musulmans qui détermine la part de la population musulmane en 2050 dans les différents Etats européens. Les résultats de cette projection sont les suivants :

Dans ce scénario, le nombre des musulmans en Europe atteint 35.7 millions (soit environ 10 millions de plus qu'aujourd'hui) et l

a proportion de musulmans résidents en France est la plus élevé d'Europe (après Chypre). Le nombre de musulmans vivants en France est également le plus élevé : 8.6 millions, loin devant le Royaume Uni ou l'Allemagne. Cette représentation de la présence musulmane en Europe en 2050 est peu ou prou celle prévalant en 2016, majorée de 50%, excepté le fait que la fraction de la population musulmane à Chypre et en Bulgarie, les deux Etats où cette fraction est actuellement la plus élevée, demeurerait presque constante.
Scénario C : poursuite de l'immigration régulière mais arrêt des flux de réfugiés
Ce scénario intermédiaire est celui ou l'immigration régulière se poursuit au même rythme qu'antérieurement mais où l'afflux de réfugiés cesse jusqu'en 2050. Entre la mi-2010 et la mi-2016, cette immigration régulière traditionnelle a représenté 5.4 millions d'immigrés, dont 2.5 millions de musulmans (soit 46% du total). La projection repose sur l'hypothèse que ce flux (soit 0.9 million de migrants réguliers par an), sa composition et les destinations par pays demeurent inchangés jusqu'en 2050. Au cours de la période 2010-16 (5), ces migrants musulmans réguliers ont représenté environ les deux tiers du nombre total de migrants musulmans arrivés en Europe, l'autre tiers étant composé de réfugiés (6).
Il y aurait alors près de 58 millions de musulmans en Europe en 2050 (contre 25.8 millions en 2016) et ceux-ci représenteraient alors 11.2% de la population en Europe (contre 4.9% en 2016). Le pays comptant le plus grand nombre de musulmans serait le Royaume Uni (13.0 millions) devant la France (12.6 millions). Mais (excepté Chypre) c'est en Suède que la part de la population musulmane serait alors la plus élevée : 20.5% (contre 8.1% en 2016). La France se classerait au deuxième rang avec 17.4% de musulmans, soit une proportion presque doublée par rapport à 2016 (8.8%). Suivent le Royaume Uni (16.7%) et l'Italie (12.4%). L'Allemagne compterait 10.8% de musulmans (contre 6.1% en 2016). La forte croissance de la part des musulmans au Royaume Uni (16.7% contre 9.7% en 2016) résulte en particulier du fait que ce pays a connu un flux important d'immigration régulière ces dernières années et que ce scénario repose sur l'hypothèse que cette immigration régulière continue au même rythme jusqu'en 2050.

En moyenne en Europe, ce scénario aboutit à un taux de présence musulmane supérieur de 3.8 points au scénario soldes migratoires zéro soit une augmentation d'un peu plus de 50% par rapport à ce premier scénario.

Scénario B : poursuite de l'immigration régulière et poursuite de l'afflux de réfugiés
Dans ce scénario, outre la poursuite de l'immigration régulière, l'afflux de réfugiés, avec la même proportion de musulmans et la même répartition par pays d'accueil se poursuit jusqu'en 2050 au niveau constaté entre 2014 et 2016. Ceci représente un flux de 480 000 réfugiés par an, dont 78% de musulmans (390 000 par an). Ce flux est quatre fois supérieur à celui de la période immédiatement antérieure (7). Le nombre des musulmans en Europe dépasserait alors 75 millions en 2050 et ces derniers représenteraient 14% de la population européenne. Conséquence de la localisation des flux de réfugiés en 2014-2016, la poursuite de cette tendance ferait alors de l'Allemagne le pays comptant le plus grand nombre de musulmans (17.5 millions en 2050), suivi par le Royaume Uni (13.5 millions) et par la France (13.2 millions).
S'agissant de la France, ce scénario diffère peu du scénario intermédiaire en raison du fait qu'elle a accueilli peu de réfugiés entre 2014-16 et n'est donc que faiblement affectée par la poursuite de ce type de mouvement migratoire. Il en va tout autrement des trois pays qui ont accueilli le plus grand nombre de réfugiés en proportion de leur population entre 2014-16, c'est à dire l'Allemagne, la Suède et l'Autriche.


De fait, la Suède compterait alors plus de 30% de musulmans en 2050 tandis que l'Allemagne et l'Autriche en compteraient près de 20%. Dans ces deux derniers pays, la fraction de la population musulmane serait plus de trois fois supérieure à celle de 2016. En Suède, elle serait proche de quatre fois la proportion de 2016. En France (18%), cette augmentation serait plus limitée (8.8% en 2016) et la part de la population musulmane serait proche de celle du scénario intermédiaire (17.4%).
La décomposition des facteurs explicatifs
L'étude décompose les facteurs, essentiellement démographiques, expliquant les variations du nombre de musulmans et de non musulmans, et donc de la fraction musulmane de la population totale en Europe en 2050. Le tableau ci-dessous rend compte de ces décompositions selon les trois scénarios retenus.

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On peut noter que dans le scénario zéro migration, c'est la différence des soldes naturels (taux de natalité - taux de mortalité) entre populations musulmanes et non musulmanes qui explique (presque) à elle seule l'augmentation de la part des musulmans en Europe : la population non musulmane connaîtrait une diminution de 10% en raison de la faible natalité moyenne des pays européens alors que la population musulmane connaîtrait une croissance de 39% du fait de son dynamisme démographique.
Au cours de cette période 2010-16 (7), la différence des taux de natalité et mortalité, c'est à dire le solde naturel, a réduit le nombre des non musulmans de 1.67 million en Europe et augmenté le nombre des musulmans de 2.92 millions, l'indice de fécondité des musulmanes étant de 1 enfant par femme supérieur à celui des non musulmanes (2.6 enfants par femme contre 1.6 en moyenne). On retrouve cette même différence en France (2.9 vs 1.9) mais celle-ci est très variable selon les pays (8). S'ajoute à cette plus forte fécondité le fait que la population musulmane est très sensiblement plus jeune que la population non musulmane -de 13 ans en moyenne en Europe (9)- et comporte donc davantage de femmes en âge de procréer, aujourd'hui ou à l'avenir. Les pays où la population musulmane est la plus jeune et/ou comprend davantage d'enfants qu'ailleurs connaissent par conséquent une plus forte croissance de la part des musulmans dans leur population dans le scénario zéro migration (France, Italie ou Belgique par exemple). Dans les projections, l'écart de fécondité entre musulmanes et non musulmanes est supposé se réduire progressivement passant de 1 enfant par femme à 0.7 enfant par femme en fin de période, en raison du fait que les taux de fécondité des descendants d'immigrés (seconde et troisième génération) tendent à rejoindre ceux des populations des pays de destination.
Un deuxième facteur influe cependant sur cette projection (comme sur celles des deux autres scénarios), bien que faiblement : il s'agit de la part de ceux qui changent de religion, optant pour la religion musulmane, ou au contraire la délaissant. Contrairement à une opinion répandue, cet impact a joué négativement sur la population musulmane comme le montre le tableau ci-dessous : entre 2010 et 2016, le solde net des ces mouvements a réduit de 160 000 le nombre des musulmans vivants en Europe et augmenté d'autant le nombre des non musulmans. Se fondant sur le cas français, l'étude suppose que 10% des descendants de musulmans délaisseront cette religion (10).
Dans les scénarios intermédiaire et haut, aux deux premiers facteurs s'ajoutent les flux migratoires nets (arrivées moins départs) et la natalité de ces migrants (laquelle est supposée être égale à celle des musulmans déjà installés dans les pays de destination), ce qui conduit à des augmentations beaucoup plus élevées du nombre de musulmans. En revanche, la décroissance de la population non musulmane est légèrement plus faible que dans le scénario zéro migration, mais ceci n'a que peu d'impact (11).

Bien qu'ayant davantage contribué à l'augmentation du nombre de musulmans que l'accroissement naturel au cours de la période 2010-16 (3.48 millions contre 2.92 millions, soit environ 60% de l'accroissement total), les migrations (qu'il s'agisse de migrations régulières ou d'afflux de réfugiés) ont cependant moins contribué que les différences de soldes naturels à l'augmentation de la part des musulmans dans le total de la population européenne durant cette période car, d'une part une fraction significative de cette immigration est le fait de non musulmans, et d'autre part le solde naturel est positif pour les musulmans et négatif pour les autres.
On peut noter qu'en l'absence de migrations la population européenne connaîtrait une diminution importante passant de près de 521 millions d'habitants en 2016 à moins de 482 millions en 2050. La population européenne compterait à cette date près de 517 millions d'habitants dans le scénario intermédiaire de prolongement du flux migratoire habituel (mais sans flux de réfugiés) et près de 537 millions dans le scénario haut. Ces projections conduisent donc à la conclusion selon laquelle seule une immigration à un niveau proche de celui constaté ces dernières années serait de nature à empêcher une décroissance démographique de l'Europe.
On peut également remarquer qu'un grand nombre de pays ne connaîtraient aucune augmentation significative de la part des musulmans dans leur population d'ici à 2050 quel que soit le scénario retenu car ils n'ont que peu de musulmans au départ et/ou qu'ils ont de faibles niveaux d'immigration. C'est le cas de nombreux pays d'Europe centrale ou orientale et à un degré moindre du Portugal et de l'Irlande.La poursuite des évolutions actuelles, telles que projetées dans les scénarios B et C, aboutiraient donc mécaniquement à un renforcement très important de l'hétérogénéité de la présence musulmane en Europe.
Un point mérite d'être mentionné car il constitue une source d'incertitude significative : dans le dénombrement de la population musulmane en 2016 et le calcul du flux de réfugiés musulmans observé au cours de la période 2014-2016, le Pew Resear Center n'a pas comptabilisé ceux d'entre eux qui n'ont pas obtenu le statut de réfugié ou qui ne l'obtiendront pas si les taux d'acceptation des demandes de ce statut demeurent constants. Pour la période 2010-16, ceux des demandeurs musulmans qui n'ont pas obtenu le statut de réfugié ou qui sont supposés ne pas l'obtenir représentent une population estimée à 970 000 personnes. Celles-ci sont supposées ne pas s'installer durablement en Europe (et donc ne pas donner naissance à des descendants). Or si celles-ci demeurent durablement en Europe, le nombre de musulmans présents en Europe en 2016 doit être majoré d'autant (26.8 millions au lieu de 25.8 millions) ce qui augmenterait mécaniquement le nombre de musulmans en 2050 dans tous les scénarios (12). En outre, si ceux-ci demeurent durablement en Europe, le flux annuel de réfugiés de la période 2014-16 qui sert de base à la projection du scénario haut doit également être revu substantiellement à la hausse.
Observations personnelles
Le modèle de projection utilisé dans l'étude est une version avancée du modèle de projection démographique standard de composition de cohortes utilisé pour effectuer des projections démographiques. Les résultats dépendent évidement des hypothèses retenues et il est regrettable que ne figure pas dans l'étude d'indications sur la sensibilité du modèle à des variations des hypothèses prises (en dehors de celles définissant les trois scénarios). Quel serait, par exemple, l'impact d'une convergence plus rapide que prévu des taux de fécondité des musulmanes sur celui des non musulmanes ?
Les trois scénarios retenus conduisent à poser la question de leur plus ou moins grand réalisme. Le scénario zéro migration apparaît peu probable tant il tranche avec les évolutions passées puisqu'il suppose non seulement de mettre fin à toute arrivée de réfugiés musulmans, mais également de mettre fin à toute immigration régulière. Son intérêt principal est de faire prendre conscience que même dans ce cas de figure, les musulmans représenteront en 2050 une fraction nettement plus élevée de la population totale en Europe qu'aujourd'hui, de moitié supérieure. Il ne semble pas réaliste de supposer que l'afflux de réfugiés musulmans cesserait jusqu'en 2050, même s'il semble peu réaliste également de supposer que ce flux se maintienne sur toute la période au niveau record enregistré en 2014-16 alors que l'on observe que les Etats européens ont pris récemment des mesures plus ou moins drastiques selon les cas pour le réduire ou le stopper. L'immigration régulière (dont les motivations sont économiques, éducatives ou familiales) n'a probablement pas de raison de diminuer spontanément. Il semble donc probable qu'en 2050, la part des musulmans dans la population européenne sera comprise entre le double et le triple de sa part actuelle qui est en moyenne de 5%.
Plus on entre dans le détail par pays, s'agissant surtout de ceux qui ont connu des flux migratoires importants dans la période récente, moins les projections sont solides : ce n'est pas parce que les réfugiés arrivés récemment ont surtout été accueillis en Allemagne, au Royaume Uni, en Autriche et en Suède (relativement à la population de ces pays) que les futurs réfugiés se concentreront nécessairement dans ces mêmes pays. Le scénario haut vaut donc surtout pour ses résultats au niveau européen, mais moins pour chaque pays pris isolément. Il est donc peu probable que les musulmans représenteront plus de 30% de la population suédoise en 2050 comme indiqué dans le scénario haut.
Le modèle montre que le nombre des musulmans et la fraction de la population européenne qu'ils représenteront en 2050 sont surtout liés aux mouvements migratoires qui se produiront d'ici cette date. Ils dépendent donc des politiques qui seront conduites par les différents Etats européens vis à vis de ces arrivants musulmans, qu'il s'agisse d'immigrants réguliers ou de réfugiés. On constate d'ores et déjà une forte hétérogénéité de la présence musulmane en Europe. Est-il réaliste de supposer que celle-ci s'accroisse très fortement comme c'est le cas dans les scénarios intermédiaire et plus encore haut ? Ce n'est probablement pas compatible avec la libre circulation des personnes au sein de l'UE, ni avec la définition d'une politique d'immigration commune en son sein.
L'hétérogénéité actuelle de la présence musulmane en Europe résulte, entre autres, de la perception des musulmans par les non musulmans et l'on constate que le niveau des opinions négatives vis à vis des musulmans est fréquemment inversement corrélé avec l'importance de la présence musulmane. En 2016, le Pew research Center a réalisé une enquête distincte (13) portant (notamment) sur la perception des musulmans par les populations d'une dizaine d'Etats européens et constaté que c'est dans les pays où les musulmans étaient peu nombreux que la fréquence des opinions négatives à leur égard était la plus élevée, et inversement. Comme le montre le graphique ci-dessous, c'est au Royaume Uni en Allemagne et en France que le niveau des opinions négatives est le plus bas alors qu'il est très élevé dans des pays d'Europe orientale qui comptent très peu de musulmans (14).

Agrandissement : Illustration 12

La France, qui compte actuellement le plus grand nombre de musulmans en Europe et ou ces derniers représentent la plus forte fraction de la population totale (Chypre et Bulgarie exceptés), va connaitre une forte augmentation de leur nombre et de cette fraction, même en l'absence de toute nouvelle migration. Elle comptera peut être 12 ou 13 millions de musulmans en 2050, soit 17-18% de sa population à cette date, contre 5.7 millions aujourd'hui (8.8% de la population).
Il est donc heureux, contrairement à une opinion assurant du contraire, très généralement sans éléments à l'appui, que la France fasse partie des pays ou les opinions négatives vis des musulmans sont les moins répandues et qu'elle fasse également partie de ceux, avec le Royaume Uni l'Allemagne, les Pays Bas et la Suède, où une majorité de l'opinion dit avoir des opinions positives vis à vis de ces derniers.
S'agissant de la perception qu'ont les Français des musulmans, l'enquête du Pew Research Center vient appuyer les constatations figurant dans le dernier rapport annuel rapport annuel sur "La lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie" (15) de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme (CNCDH), mais ce sujet, bien que non dépourvu de liens avec celui traité dans ce billet, le déborde largement et fera dont prochainement l'objet d'un billet séparé.
Notes :
(1) Le résumé de l'étude figure ici : http://www.pewforum.org/2017/11/29/europes-growing-muslim-population/ A la même adresse web, il est possible d'avoir un bref résumé de l'étude en français, de même que l'étude complète (en anglais).
(2) Dans l'étude, l'Europe comprend les 28 membres de l'UE ainsi que la Norvège et la Suisse.
(3) Dans ses notes méthodologiques, le Pew Research Center (PCR) rappelle la législation en vigueur en France qui interdit, sauf exceptions, le recueil de données sur l'appartenance ethnique ou religieuse en France. L'exception la plus notable est celle qui a été accordée à l'INED et à l'INSEE qui ont publié en 2016 une étude volumineuse titrée Trajectoires et Origines (TeO) qui estime (notamment) le nombre des musulmans vivant en France. Une autre autorisation a été donnée afin de réaliser l'étude qu'a publié l'Institut Montaigne en 2017. C'est à partir de ces études, principalement TeO, que le PRC a réalisé son estimation. Pour davantage de précisions, se reporter à l'annexe méthodologique citée à la note 12.
(4) Plus précisément, il s'agit de la période allant du 1er janvier 2014 au 30 juin 2016 (soit deux ans et demi). Par commodité rédactionnelle, cette période est mentionnée dans le billet comme étant la période "2014-16".
(5) Idem : il s'agit de la période allant du 1er juillet 2010 au 30 juin 2016 (soit six années). Elle est mentionnée comme étant la période "2010-16" dans le billet.
(6) Ne sont pas comptabilisés ceux qui n'ont pas obtenu le statut de réfugiés ou qui ne l'obtiendront pas si les taux d'acceptation des demandes demeurent constants. Cf. paragraphe final de la partie du billet titrée "la décomposition des facteurs explicatifs")
(7) Le flux constaté lors de la période 2014-16 est de 480 000 réfugiés par an (dont 390 000 musulmans). Au cours de la période 2010-13, il était de 110 000 par an (dont 80 000 musulmans). Il s'agit ici du nombre de personnes qui se sont vus reconnaître le statut de réfugié (ou qui l'obtiendront si le taux d'acceptation des demandes de ce statut demeure constant).
(8) Pour la période 2015-20, les différences de taux de fécondité estimés entre musulmanes et non musulmanes vont de 1.4 enfant par femme (Finlande) à 0.1 enfant par femme (Bulgarie, Roumanie). L'écart n'est que de 0.5 enfant par femme en Allemagne (d'où une croissance moins forte de la population musulmane qu'en France ou au Royaume Uni dans les scénarios A et C) et de 0.2 enfant par femme en Grèce. Dans les pays ou la présence musulmane est ancienne (Bulgarie, Grèce, Roumanie, Slovénie), il n'y a que très peu d'écart entre musulmans et non musulmans. L'Irlande est une exception : l'écart est de -0.2 enfant par femme.
(9) L'écart entre l'âge médian des musulmans et celui des non musulmans est particulièrement important en France. Il atteint 16 ans (27 ans contre 43). Cet écart est le même qu'en Allemagne, avec des populations plus âgées (31 ans contre 47 ans). En moyenne en Europe, l'age médian des musulmans est légèrement supérieur à 30 ans, contre près de 44 ans pour les non musulmans.
(10) La France est le seul pays ou la cohorte est suffisamment importante et la méthodologie utilisée dans l'enquête TeO suffisamment robuste pour estimer précisément ce taux de déperdition. Ce taux de déperdition de 10% d'une génération à l'autre est appliqué à chaque pays au cours de la période allant jusqu'en 2050.
(11) L'étude ne mentionne aucune raison expliquant ces différences.
(12) L'ensemble des hypothèses sur lesquelles sont fondées ces projections figurent dans l'annexe méthodologique du rapport : http://www.pewforum.org/2017/11/29/appendix-a-methodology-europes-muslim-population/
(13) Cette enquête figure ici : http://www.pewglobal.org/2016/07/11/europeans-fear-wave-of-refugees-will-mean-more-terrorism-fewer-jobs/
(14) L'Italie (4.8%) et la Grèce (5.7%) sont dans un cas intermédiaire : la population musulmane représente un niveau voisin de la moyenne européenne (4.9%). L'Espagne (2.6%) compte environ deux fois moins de musulmans que la moyenne européenne.